Question au Gouvernement n° 1035 :
équilibre financier

11e Législature

Question de : M. Jean-Luc Préel
Vendée (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 23 décembre 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.
M. Jean-Luc Préel. Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame la ministre, le Conseil constitutionnel vient effectivement, à notre demande, de vous sanctionner. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'était prévisible. Ne vous trouvez-vous pas aujourd'hui fort démunie, quoi que vous veniez de dire ? L'UDF souhaite sauvegarder la protection sociale à laquelle les Français sont à juste titre très attachés. Nous refusons tout à la fois l'étatisation et la privatisation de la sécurité sociale. C'est dire que, pour nous, la maîtrise médicalisée des dépenses est nécessaire; or vous l'avez bel et bien mise en péril par votre attentisme durant quinze mois, suivi de décisions autoritaires prises sans concertation, et enfin par cette loi aujourd'hui censurée.
Poussée par votre idéologie collectiviste, vous avez fondé votre loi de financement de la sécurité sociale sur deux sanctions collectives... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est le goulag ?
M. Jean-Luc Préel. ... les lettres clés flottantes et l'impôt social sur le revenu. Tout au long des débats, nous vous avions mise en garde contre l'injustice de ces sanctions collectives.
En effet, pourquoi le bon médecin, dit «vertueux», examinant deux malades par heure, serait-il sanctionné au motif que son collègue en verrait dix dans le même temps ?
Le Conseil constitutionnel, que nous avons sollicité, nous a suivis, rejetant, et c'est heureux, toute idée de sanction collective. Dès lors, n'êtes-vous pas démunie ? Qu'allez-vous proposer pour les dépassements en cours, au titre de 1998, et pour ceux de 1999 ?
Pour l'UDF, les objectifs de dépenses de santé doivent être établis à partir des besoins de la population; en d'autres termes, il faut donner du temps et des moyens aux conférences régionales de santé. Les enveloppes doivent être régionalisées par spécialité, et leur respect assuré par les unions régionales, grâce à une autodiscipline professionnelle basée sur les bonnes pratiques médicales.
Bien entendu, il ne s'agit pas, comme vous le prétendez en caricaturant, de mettre un gendarme derrière chaque médecin ni derrière chaque malade. Là n'est pas la question. L'UDF défend une idée de la société fondée sur la liberté et la responsabilité de chacun. Nous sommes donc favorables à l'individualisation pour soigner mieux chaque Français. C'est pourquoi nous refusons toute sanction collective.
Madame la ministre, qu'allez-vous proposer pour sauvegarder notre protection sociale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, vous êtes pour la liberté, bravo !
Mme Odette Grzegrzulka. Nous aussi !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Je vous rappelle que cette maîtrise médicalisée à laquelle vous faites allusion, c'est René Teulade et moi-même qui l'avons mise en place, après l'action de Claude Evin, à une époque où elle n'avait pas votre faveur.
Mme Odette Grzegrzulka. Absolument !
M. Jean-Luc Préel. Elle marchait bien !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Justement, monsieur Préel: si elle a bien marché pendant quelque temps, c'est parce que c'était une sanction collective !
Souvenez-vous également de ce paradoxe extraordinaire: les premiers à avoir signé la maîtrise médicalisée ont été les médecins biologistes, qui continuent aujourd'hui à fonctionner sur le même mode. Depuis 1992 et 1993, ils sont obligés à chaque dépassement - cela ne s'est pas souvent produit car le système fonctionne plutôt à leur avantage - de reverser collectivement. Ce dispositif a été appliqué par votre amie Mme Simone Veil, qui s'en est fort bien sentie. Vous vous retrouvez à invoquer une maîtrise médicalisée que nous avons nous-même inventée et qui fonctionnait bien, M. Philippe Douste-Blazy lui-même peut en témoigner !
Qu'allons-nous faire maintenant ? Ce qui jusqu'alors avait marché se trouve désormais condamné - pour des prétextes au demeurant fort légitimes, puisque avancés par le Conseil constitutionnel -...
M. François Goulard. Ce ne sont pas des prétextes !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. ... après avoir été appliqué non seulement aux médecins biologistes, mais également aux cliniques privées.
Durant le débat où M. Goulard et vous-même aviez exprimé votre sentiment, nous avions indiqué notre intention d'appliquer un traitement différencié selon les spécialités. Il est entendu que, dans la réflexion que nous allons mener avec Martine Aubry, nous n'allons pas sanctionner les pédiatres, par exemple, qui se tiennent absolument dans les limites imparties par l'enveloppe nationale, contrairement à d'autres spécialistes qui dépassent les leurs. Nous allons nous efforcer de préserver l'équité sur ce point.
Un dernier exemple enfin, lui aussi quelque peu paradoxal: les accidents du travail également font l'objet d'une sanction collective lorsque leur nombre, dans un secteur donné, dérape. En est-il pas de même pour les assurés ? Lorsque, pour cause de dépenses excessives, on augmente les cotisations sociales, les plus «vertueux» en termes de consommation de santé ou de soins sont-ils moins taxés que les autres ? Non, cela s'appelle la solidarité.
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Nous aurions aimé que les médecins soient d'accord, comme ils l'avaient été au moment de la maîtrise médicalisée. Maintenant que ce n'est plus possible, il nous faut chercher une voie originale pour poursuivre dans le sens que vous avez indiqué, c'est-à-dire celui d'une prise en charge de chaque pathologie, la plus équitable possible, sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Préel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : santé et action sociale

Ministère répondant : santé et action sociale

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 23 décembre 1998

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