énergie nucléaire
Question de :
M. Claude Gatignol
Manche (4e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 21 janvier 1999
M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol.
M. Claude Gatignol. Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que j'adresse ma question puisqu'elle concerne ce pilier important de la politique de la France, les choix énergétiques et la filière nucléaire française.
Il y a un an, vous avez arrêté Superphénix pour faire plaisir aux Verts de votre majorité.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Scandaleux !
M. Claude Gatignol. Il y a trois mois, vous avez applaudi aux résultats des élections allemandes qui créaient, à l'image des vôtres, des alliances dangereuses - on voit le résultat aujourd'hui.
Il y a huit jours, vos amis politiques du gouvernement allemand, cédant aux injonctions des Grünen, ont décidé d'arrêter le traitement des combustibles nucléaires usés, et cela au mépris des accords de 1990 visés par les gouvernements. C'est un bien mauvais exemple de coopération européenne !
Hier, lançant sa campagne électorale en Normandie, le chef franco-allemand de la liste verte en France (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) est venu se moquer, et le mot est faible, des travailleurs du Cotentin, pas simplement de COGEMA, mais aussi d'EDF, de la SNCF et des centaines de PME qui font de la sous-traitance. Il n'était pas seul, monsieur le Premier ministre. Il était accompagné par plusieurs membres de votre majorité plurielle. («Oh !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La population du Cotentin a su lui réserver l'accueil qu'il convenait et a su démontrer en ces circonstances qu'elle n'était pas du tout du côté qui joue contre la France. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.) Hier, Beaumont-Hague, à l'image de la Normandie, était ville morte.
M. Yves Fromion. Bravo !
M. Claude Gatignol. Trop, c'est trop ! L'ambiguïté doit cesser, monsieur le Premier ministre. Allez-vous laisser se développer cette campagne de suspicion, ce matraquage envers une industrie française de haute technologie, hypercontrôlée, qui est source de milliers d'emplois, qui génère des marchés considérables à l'exportation et qui a donné à la France à la fois l'indépendance énergétique et le prix d'excellence pour l'environnement ?
Qu'attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour faire preuve de véritable fermeté dans des négociations ouvertes sur ce sujet et à votre demande en conseil des ministres européens ? Si ce n'est pas le cas, j'ai bien peur que le Cotentin ne devienne, après vos décisions sur l'arsenal de Cherbourg et l'hôpital maritime, l'image d'une France sinistrée, et que vous ne soyez à la fois le fossoyeur du nucléaire français et le casseur de la croissance européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse courte. («Voynet !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je n'ai pas à juger ici des déplacements d'une personnalité politique qui va défendre ses idées dans des endroits où, visiblement, elle rencontre des contradicteurs (Rires.)
Je ne porte pas de jugement non plus sur la façon dont les personnes qui viennent écouter ses discours les apprécient ou non, sauf que le Gouvernement ne saurait, en aucune manière, s'associer à des manifestations de violence de quelque origine qu'elles puissent provenir. Nous sommes un pays dans lequel les idées peuvent librement s'exprimer. Cela continuera à être le cas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
Sur le fond, monsieur le député, n'ayez crainte, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises quelle était sa politique énergétique.
Parmi les dates successives que vous avez rappelées, vous en avez oublié quelques-unes...
M. Yves Nicolin. Visiblement, le Gouvernement n'a pas été clair !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... dont celle, il y a à peine quelques semaines, où ont enfin été prises les décisions concernant les laboratoires souterrains, lesquelles étaient attendues depuis le vote de la loi de 1991.
Dans ces conditions, je vous le répète de la façon la plus claire: la politique du Gouvernement n'est en aucune manière d'affaiblir le nucléaire.
M. Yves Fromion. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme vous l'avez dit - et je vous rejoins sur ce point -, c'est une grande force technologique et une grande force énergétique. Au bout du compte, c'est un avantage pour l'environnement en matière d'émissions de gaz carbonique et c'est une force de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
S'agissant du différend qui est né avec nos voisins allemands, ceux-ci ont souverainement pris une décision.
M. Yves Nicolin. Expliquez-le à Voynet !
M. Charles Cova. Ce sont eux qui polluent le plus !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Des contrats commerciaux et des accords intergouvernementaux existent. Nous ferons en sorte, de façon bilatérale - et non pas, comme vous l'avez dit, à l'échelon européen, car c'est bien une question bilatérale - que ceux-ci soient respectés, ou que, d'une manière ou d'une autre, des compensations soient accordées. Cela est traditionnel en matière contractuelle. En aucun cas, le Gouvernement n'a l'intention de faiblir et de laisser la filière nucléaire dépérir.
M. Jacques Myard. Rappelez-le à Voynet !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous ne trouverez pas la possibilité d'enfoncer un coin dans le Gouvernement: la politique énergétique que nous suivons à été clairement définie.
M. Jean-Jacques Guillet. Parlez-en à Voynet !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les opinions sont libres. La vôtre aussi d'ailleurs. Mais ne croyez en aucune manière que, sur ce sujet-là, vous pourrez mettre le Gouvernement en position de faiblesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Nicolin. Il faut l'expliquer à Voynet !
Auteur : M. Claude Gatignol
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 1999