sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Rudy Salles
Alpes-Maritimes (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 1999
M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Je tiens d'abord à dire à Mme la garde des sceaux qu'entre ses discours et ce que j'entends sur le terrain, il y a une grande différence. J'ai tendance à croire ce que me disent les Français plutôt que ce que vous déclarez dans l'hémicycle, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Didier Boulaud. Allez au Front national avec Estrosi !
M. Rudy Salles. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Il ne se passe pas de jour sans que l'actualité ne nous révèle une poussée de la délinquance dans le pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Force est d'ailleurs de constater que ce phénomène a tendance à se développer de façon très inquiétante depuis quelques mois.
Il y a certes les causes sur lesquelles il y a lieu de réfléchir; de manière à imaginer les systèmes de prévention les mieux adaptés; nous en sommes tous d'accord. (Mêmes mouvements.) Monsieur le président, j'aimerais m'exprimer dans le calme...
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Rudy Salles. Mais il y a aussi, et cela va nécessairement de pair, la répression qui passe par la mise en place de moyens permettant de traquer les délinquants sur le terrain et de rassurer les honnêtes gens. Hélas, c'est là que le bât blesse !
Le récent rapport effectué par un consultant spécialisé dans les questions de sécurité, M. Alain Bauer, rapport qui aurait été remis au Premier ministre ainsi qu'à la presse, semble alarmiste mais également réaliste.
M. Didier Boulaud. Toujours plus à droite !
M. Rudy Salles. Selon ce rapport, sur les 89 260 policiers affectés aux 456 circonscriptions de sécurité publique, seuls 20 000 seraient disponibles pour assurer leur mission sur la voie publique. Ces derniers étant répartis en quatre brigades par vingt-quatre heures, il ne resterait que 5 000 policiers réellement présents dans toute la France pendant la journée. Les chiffres de la nuit sont encore plus alarmants: alors que 40 % des délits sont commis la nuit, seuls 4 % des policiers sont alors disponibles. Et que dire de la baisse du temps de travail hebdomadaire, qui conduira à une chute mécanique de plus de 8 % de l'effectif disponible ?
Il convient, monsieur le ministre, d'assurer la sécurité des Français sans mettre en danger la police qui, comme chacun le sait, est un corps de fonctionnaires suffisamment exposé.
Ma question est très simple: confirmez-vous ou démentez-vous les chiffres du rapport Bauer et quelles mesures entendez-vous prendre pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse courte.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, un document a paru dans la presse. Il n'a pas été commandé par le ministère de l'intérieur,...
M. Yves Nicolin. A l'insu de son plein gré ? (Sourires.)
M. le ministre de l'intérieur. ... pas davantage par le Premier ministre. C'est l'initiative d'un consultant spécialisé qui a donné plusieurs chiffres, dont certains ne sont pas exacts. Prenons, par exemple, le chiffre de 89 000 que vous avez cité et qui correspondrait au nombre de policiers. Or il y a 78 000 fonctionnaires affectés à la sécurité publique et pas plus. D'autres chiffres relèvent de la pure invention. Ainsi, le chiffre de 30 000 désignant le nombre de fonctionnaires affectés dans les commissariats n'a pas de fondement.
Par ailleurs, je conteste la méthode de raisonnement utilisée par M. Bauer et qui consiste à soustraire un certain nombre de chiffres du premier - à savoir non pas 78 000 mais 89 000 - pour aboutir à ce chiffre de 20 000 policiers sur le terrain, qu'il répartit en quatre brigades, alors que le roulement se fait sur trois.
Je veux simplement vous dire - pour vous rassurer, je l'espère - que la sécurité publique, ce ne sont pas seulement les brigades de roulement, qui représentent à peu près 30 000 policiers, non ! Ce sont aussi les services d'investigation et de recherche avec 8 500 policiers; les compagnies départementales d'intervention et les brigades anti-criminalité, 3 750 policiers; les brigades canines, 800 policiers; ou encore les unités mobiles qui peuvent être appelées à intervenir en sécurisation, les CRS par exemple. Ce sont enfin les concours qu'apportent des directions spécialisées, comme la police judiciaire à travers les BREC, ou les renseignements généraux à travers le dispositif que nous sommes en train de constituer dans les quartiers pour assurer une répression plus efficace des trafics.
Sachez que je suis très attentif au problème de la délinquance.
M. Yves Nicolin. Il vaut mieux !
M. le ministre de l'intérieur. Mais soyez aussi conscient, monsieur le député, que les chiffres ne sont peut-être pas aussi chargés d'émotivité que votre discours. De 1996 à 1998, sur 3 565 000 délits et crimes,...
M. Yves Nicolin. C'est énorme !
M. le ministre de l'intérieur. ... dont 64 % sont des vols, je tiens à le préciser (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. Yves Nicolin. Ca ne compte pas ?
M. le ministre de l'intérieur. ... l'augmentation est de 6 000 en deux ans, c'est-à-dire infinitésimale. Et si l'on remonte à 1990, c'est une augmentation limitée à un peu plus de 10 000.
Donc, en réalité, le chiffre global de la délinquance, trop élevé, je vous l'accorde, ne mérite pas de donner lieu à des discours démagogiques. Ce problème est suffisamment sérieux pour être traité sans surenchère, sans démagogie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Car je suis conscient, autant et peut-être même plus que vous, de l'angoisse et des frustrations qui s'expriment dans les quartiers face à l'insécurité et au chômage et qui font le lit d'idéologies délétères. C'est la raison pour laquelle nous proposerons des mesures efficaces afin de répondre à des problèmes malheureusement trop concrets. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Rudy Salles
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 1999