Question au Gouvernement n° 1069 :
sécurité des biens et des personnes

11e Législature

Question de : M. Michel Herbillon
Val-de-Marne (8e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 1999

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. J'aurais pu, il est vrai, en d'autres circonstances, la poser au ministre de l'intérieur. Mais les divergences notoires, au sein même du Gouvernement, sur les mesures à prendre pour garantir la sécurité dans notre pays me conduisent à interroger directement le chef du Gouvernement.
Chacun en conviendra ici, vivre en sécurité est un droit qui doit légitimement être garanti à tous puisqu'il s'agit de la première des libertés. Or, monsieur le Premier ministre, le sentiment d'insécurité grandit chez nos compatriotes et ne semble épargner aucune portion de notre territoire.
M. Didier Boulaud. Surtout pas Rhône-Alpes !
M. Michel Herbillon. La délinquance s'aggrave, plus particulièrement celle des mineurs. Les violences urbaines sont, hélas ! le quotidien de nombreux habitants de nos villes et de nos quartiers. Le ministère de l'intérieur a recensé plus de 26 000 cas de violences urbaines en 1998, soit 10 000 de plus qu'en 1997. Les bandes se multiplient et tentent d'imposer leur loi. Elles s'en prennent désormais fréquemment aux policiers, c'est-à-dire à ceux-là mêmes qui ont mission de garantir l'ordre républicain. Alors que les crimes et délits ont augmenté d'environ 2 % entre 1997 et 1998, la délinquance des mineurs, quant à elle, a progressé de 12 %. Ces chiffres traduisent une triste réalité, dont vous reconnaîtrez, monsieur le Premier ministre, la gravité.
Cette situation exige que soient prises rapidement des mesures concrètes et efficaces. Malheureusement, ce n'est pas le cas et, à ce jour, il faut bien reconnaître que vous avez échoué dans le domaine de la sécurité.
Parce que vous êtes en situation d'échec, vous vous engagez à nouveau dans une gesticulation médiatique de grande ampleur. Ce n'est pas ce que les Français attendent.
Ce que les Français attendent de leur gouvernement, c'est autre chose que des colloques, des tables rondes, des grands discours ou de petites phrases sur le droit de chacun à la sécurité. Ils attendent autre chose que des polémiques, pour ne pas dire des zizanies. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous êtes les champions ! Voyez Rhône-Alpes !
M. Michel Herbillon. Il est assez curieux qu'un sujet aussi important suscite des vociférations sur les bancs du parti socialiste !
Ce que les Français attendent, c'est autre chose que des zizanies au sein même de votre gouvernement - entre vos ministres et entre vos ministres et vous-même - et au sein de la majorité plurielle sur l'attitude à adopter face aux mineurs délinquants. Ils attendent autre chose que des querelles sémantiques sur le sens exact des termes «sauvageons», «incivilité», «centre de retenue», ou des débats à perte de vue pour savoir s'il convient de dire «réitérant» ou «récidiviste». Ce qu'attendent les Français dans le domaine de la sécurité, monsieur le Premier ministre, ce sont des actes, des résultats, et il y a urgence.
Les Français veulent pouvoir emprunter de nouveau les transports publics en toute sécurité.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Michel Herbillon. J'y viens, rassurez-vous.
Ils veulent que la sécurité des élèves et des enseignants, à l'extérieur et à l'intérieur des établissements scolaires, soit assurée. Ils veulent que le Gouvernement leur garantisse que les forces de l'ordre disposeront des moyens et des effectifs nécessaires pour assurer une police de proximité dans les quartiers, sur le terrain, et que l'on réduira les tâches administratives dans lesquelles elles sont trop souvent confinées.
Mme Odette Grzegrzulka. Lamentable !
M. Michel Herbillon. Nos compatriotes veulent qu'une réponse ferme soit enfin apportée aux actes commis par les jeunes mineurs délinquants, a fortiori lorsqu'ils sont multirécidivistes.
Monsieur le Premier ministre, ce n'est pas à votre discours mais à vos résultats que les Français jugeront l'action de votre gouvernement. Ma question («Ah !»sur les bancs du groupe socialiste) sera donc simple.
Quand mettrez-vous en place les actions nécessaires pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens et assumer l'une de vos missions fondamentales, la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, j'admets que l'une des questions posées - l'avant-dernière, je crois - l'a été sans esprit polémique, dans l'intention de suggérer une collaboration entre l'Etat et les collectivités locales. Le ministre de l'intérieur a fait une réponse de principe en indiquant qu'il ne fallait quand même pas s'orienter vers un éclatement du service de la police nationale, vers la dilution d'une responsabilité régalienne qui appartient à l'Etat et qui doit continuer d'être exercée par lui, même s'il peut y avoir des rapprochements, des coopérations, des contractualisations. Mais pour le reste, mesdames et messieurs de l'opposition, voici ce que je constate:
Sur le chômage: rien.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Vous non plus !
M. le Premier ministre. Sur le nucléaire: rien. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Sur le Kosovo: rien (Exclamations continues sur les mêmes bancs.)
Sur l'Irak: rien.
Sur l'aménagement du territoire: rien.
Sur l'éducation: rien.
Mais six questions sur les seuls problèmes d'insécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
N'y a-t-il plus dans notre pays d'autres problèmes qui méritent d'être débattus devant la représentation nationale et devant les Français ? Croyez-vous que cette approche exclusive puisse susciter en votre faveur un mouvement de compréhension et d'appui ? Ne pensez-vous pas plutôt que vous allez, par ce discours, nourrir les forces d'extrême droite à vos dépens ? (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Christian Estrosi. Et vous ?
M. Franck Borotra. C'est vous le parrain du Front national !
M. le Premier ministre. Au demeurant - écoutez-moi, monsieur Borotra -, comment peut-on interpeller Mme la ministre de la justice, sur les moyens qu'elle mettrait à la disposition de ses services dans le domaine de la lutte contre la délinquance juvénile, alors qu'elle a montré, de façon précise et implacable, que vous aviez réduit ces moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Guy Teissier. C'est faux !
M. Yves Nicolin. C'est malhonnête !
M. le Premier ministre. Comment pouvez-vous nous dire qu'il faut faire un effort supplémentaire dans le domaine de la police ou de la protection judiciaire de la jeunesse, alors que vous préconisez en permanence une diminution du nombre des fonctionnaires et des serviteurs de l'Etat ou des services publics ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Paul Charié. C'est faux !
M. le Premier ministre. Comment pouvez-vous, devant au moins deux ministres de l'intérieur qui siègent sur vos bancs, au vu d'un rapport qui devient parole d'évangile parce qu'il vous paraît servir votre cause,...
M. Yves Fromion. Et les statistiques ?
M. le Premier ministre. ... attaquer la façon dont les services de police remplissent leurs missions, prétendre de façon fantaisiste que les fonctionnaires de police ne travailleraient pas, qu'ils ne seraient pas sur le terrain ?
M. Jean-Louis Debré. C'est vous que nous attaquons, pas eux !
M. le Premier ministre. S'il en était ainsi, cela voudrait dire que, pendant les quatre ans où vous étiez au pouvoir, vous ne les avez pas mis au travail. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et groupe Radical, Citoyen et Vert).
M. Jean-Louis Debré. Qui a fait la réforme de la police ?
M. le Premier ministre. Ce type d'argument se retourne donc contre vous et, de plus, contre les services de sécurité de l'Etat. Ne les reprenez pas comme tels, avec légèreté, de façon polémique ! («Debré nul !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Alors, je vais vous dire une chose: sur les questions de sécurité, il est bon que des débats aient lieu parce que les Français se les posent eux-mêmes. Ces débats sont conduits sous l'autorité du Premier ministre. Ils aboutiront demain, en conseil de sécurité intérieure, à de nouvelles propositions dans la continuité de l'action de ce gouvernement, dans la vision globale qui est la nôtre, vision qui n'ignore pas les causes sociales, structurelles des problèmes, mais qui ne les considère pas non plus comme un motif d'irresponsabilité pour ceux qui commettent des délits.
Education, traitement des problèmes de fond, lutte contre le chômage, rénovation urbaine, politique sociale mais aussi sanctions et actions de répression: sur l'ensemble de ces questions, nous sommes cohérents, nous dégageons les moyens, nous agissons, alors que vous agitez un seul thème de façon démagogique. Vous n'en tirerez pas profit. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Michel Herbillon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 janvier 1999

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