recrutement
Question de :
M. Michel Vauzelle
Bouches-du-Rhône (16e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 4 février 1999
M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle.
M. Michel Vauzelle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il y a quelques jours une grande entreprise, pourtant d'origine étrangère - du Nord, il est vrai, pas du Sud - IKEA, pour ne pas la nommer, a commis semble-t-il un acte de discrimination raciale, sous la forme d'une note tendant à écarter expressément les personnes d'origine ethnique non européenne de certaines fonctions d'accueil et de représentation. Pour un acte ainsi repéré et dénoncé, nous savons tous ici par ce que nous entendons dans nos permanences de député que des centaines de personnes, dont le nom ou le visage indique une origine non européenne, sont rejetées de la vie sociale, qu'il s'agisse du logement, de lieux de loisirs ou de l'emploi. De tels cas sont toujours scandaleux. Ils sont particulièrement fréquents pour les jeunes d'origine maghrébine ou africaine et ne sont pas sans conséquences au moment même où l'extrême droite fait un amalgame scandaleux entre la délinquance, l'insécurité et ces jeunes. Il est donc urgent que le Gouvernement renforce sa politique de solidarité et de respect dû, en particulier, à ceux de nos jeunes qui sont les plus fragiles et les plus exposés. Nous devons, à l'avenir, leur porter une attention particulière, sans pour autant les gêner bien sûr, afin de les protéger face aux pratiques quotidiennes d'un racisme - hélas - ordinaire.
Que compte faire le Gouvernement pour mieux lutter contre toutes ces formes d'une discrimination d'autant plus scandaleuse qu'elle est massive et cachée et qu'elle contribue à exclure de notre société des jeunes qui se sentent rejetés avant d'être montrés du doigt, puis poussés au désespoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, vous avez raison d'insister sur des discriminations, malheureusement rarement dénoncées dans notre pays - nous avons souvent préféré la loi du silence. Pourtant nous savons que ces discriminations, à l'embauche notamment, sont inacceptables et constituent un obstacle majeur à l'intégration de certaines personnes.
Le Gouvernement a choisi de s'exprimer et de dire haut et fort, comme certaines organisations syndicales ont eu le courage de le faire ces derniers mois, que le racisme gagne partout, y compris dans le monde du travail et pas seulement dans celui des entreprises.
Nous nous devons de lutter en commun contre ces discriminations particulièrement inacceptables pour des jeunes dont beaucoup - ou dont les parents - ont fait l'effort de s'intégrer, de poursuivre des études et qui se sentent repoussés parce que leur nom, ou leur adresse, ne correspond pas à des schémas préétablis.
Ce sont des étrangers. Ce sont aussi ceux qui le paraissent, mais dont la plupart sont Français. Ce sont même, nous le savons bien, les Français d'outre-mer. Pour tous, c'est inacceptable !
Le Gouvernement a décidé d'agir dans trois directions.
Premièrement, il met en place un observatoire des discriminations qui publiera un rapport annuel (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants) avec des organismes de recherche indépendants, comme c'est le cas, aujourd'hui, pour la lutte contre le racisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communistre et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Deuxièmement, je réunirai dans quelques jours avec les partenaires sociaux une table ronde sur les discriminations en vue de développer des opérations de parrainage et de vérifier, avec les organisations syndicales, comment, patiemment - car cela prendra du temps, le problème ne sera pas réglé en un jour -, faire en sorte que ces jeunes intègrent nos entreprises sans se heurter au racisme. Nous étudierons aussi comment revoir la charge de la preuve qui est aujourd'hui nécessaire pour faire condamner quelqu'un pour discrimination. C'est un des sujets qui sera à l'ordre du jour.
Troisièmement, l'Etat doit, bien évidemment, avoir une attitude exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je ne vise pas la fonction publique, qui est réservée aux Français, mais les établissements publics. J'ai par ailleurs rappelé aux services publics qu'ils ne doivent pas accepter d'offre discriminatoire. Il est préférable de perdre une offre que d'en accepter une contraire aux lois de la République. Enfin, il faut poursuivre systématiquement ceux qui se rendent coupables d'actes de racisme.
Ce n'est que par une action volontaire, permanente et quotidienne que nous arriverons, tous ensemble, à faire reculer l'inacceptable, c'est-à-dire le racisme et la discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Michel Vauzelle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 1999