sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. André Gerin
Rhône (14e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 10 février 1999
M. le président. La parole est à M. André Gerin.
M. André Gerin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Les pompiers du Rhône lancent un appel national et interpellent directement notre assemblée. L'incendie criminel du 31 janvier dernier - à la suite duquel six pompiers ont été blessés, dont un a eu la jambe arrachée - a été comme un électrochoc. Les pompiers, les policiers, les habitants sont consternés. Emotion, exaspération et colère dominent. Ils demandent aux élus, toutes étiquettes confondues, d'être solidaires. Ils en ont assez des belles paroles et des manipulations. Ils demandent des actes et une justice ferme.
Tout en rendant hommage aux pompiers, je pose la question: va-t-on enfin reconnaître à leur métier la définition de métier dangereux et insalubre ?
Je voudrais aussi rendre hommage aux policiers. En 48 heures d'investigation, les auteurs du crime ont été arrêtés.
Mais il ne faut pas en rester là. L'agglomération lyonnaise pose deux questions: va-t-on voir les effectifs de police augmenter et quand ? Cinq cents policiers sont affectés à des tâches de gardiennage. A quel moment allons-nous les utiliser dans le maintien de l'ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. «Très bien !» et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je voudrais aussi rendre hommage à la population, qui a commencé à briser la loi du silence, et manifesté sa solidarité envers les pompiers, notamment par l'envoi de milliers de messages et de dessins d'enfants à l'intention des blessés. Les habitants exigent sans attendre, d'une part, que les décisions de justice soient justes et exemplaires...
M. Pierre Lellouch. Très bien !
M. André Gerin... d'autre part, que la prise en charge obligatoire des délinquants récidivistes se fasse dans les plus brefs délais.
Chers collègues, monsieur le ministre, aujourd'hui, j'ai envie de hurler contre ces actes de barbarie («Ah ! enfin ! sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui portent les germes de la guerre civile.
M. Thierry Mariani. Vous auriez pu crier plus tôt !
M. André Gerin. Je fais appel au courage de l'Etat républicain, qui doit garantir le respect de la loi pour tous, et renforcer le code pénal en criminalisant l'incendie de voitures en milieu urbain. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. Georges Frêche. Très bien !
M. André Gerin. Je veux prévenir l'irréparable, à savoir des réflexes d'autodéfense de citoyens honnêtes dont la vie est rendue invivable à cause de l'insécurité.
En répondant à l'appel national des pompiers, la représentation nationale tout entière, mais aussi les maires et, plus généralement, tous les élus devraient s'engager dans un front républicain pour renforcer et développer les services publics, pour le droit de vivre en sécurité. Il s'agit pour moi d'un sursaut national. Les pompiers, en demandant à être reçus par le Président de la République et par le Premier ministre, nous appellent à dépasser les clivages partisans et nous engagent, tous ensemble, à soutenir une grande bataille pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jacques Kossowski. C'est un rêve !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je comprends votre émotion. Ce qui s'est produit le 31 janvier à Vénissieux est inacceptable.
(«Oui, ça on sait !», sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Je rappelle que l'explosion d'un véhicule GPL a entraîné de graves conséquences. («On a vu !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Six pompiers ont été blessés. L'un d'eux a eu la jambe arrachée, que l'on a retrouvée très loin de l'explosion. Ces scènes insoutenables ont été vues par la population du quartier.
Une enquête très rapide, diligentée par la direction départementale de la sécurité publique du Rhône, a permis, à la suite d'un très grand nombre d'interrogatoires, de déterminer quels étaient les auteurs du vol du véhicule puis de son incendie - l'incendie qui a abouti à l'explosion que nous savons. Ce n'est pas acceptable et je comprends votre émotion. Je ne suis pas de ceux pour qui un événement comme celui-là devrait être considéré, en quelque sorte, comme exceptionnel et pourrait être négligé. Non, malheureusement, je sais que dans beaucoup de quartiers sévit une situation qui a dépassé les limites de ce qui est normalement tolérable.
Je voudrais rendre hommage aux pompiers, qui, prenant des risques, ont subi dans leur chair les conséquences d'actes absolument irresponsables commis par des mineurs qui, sans doute, ne savaient pas ce qu'ils faisaient (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - du moins peut-on l'espérer pour eux.
Je tiens à préciser que cinq d'entre eux ont été incarcérés...
M. Jean-Louis Debré. C'est normal !
M. Pierre Lellouche. Oui, c'est bien le moins.
M. le ministre de l'intérieur. ... sur le mobile de destruction de biens ayant occasionné mutilation, en bande organisée. C'est-à-dire que leur acte a été traité comme un acte criminel...
M. Pierre Lellouche. Heureusement !
M. le ministre de l'intérieur. ... justiciable de la prison et permettant leur incarcération bien qu'ils n'aient pas, pour la plupart d'entre eux, atteint l'âge de seize ans. C'est la preuve qu'une réponse rapide a été apportée.
La catégorie «métiers dangereux et insalubres» était jusqu'à présent réservée à ceux qui travaillent dans les égouts ou à l'institut médico-légal de Paris. Je pense que la dangerosité du métier de pompier doit être prise en compte désormais dans un autre cadre légal. La question mérite d'être étudiée.
En tout cas, sachez que la réaction des pouvoirs publics a été à la hauteur de l'événement. Je suis sûr que vous en êtes conscient. Sachez aussi qu'en termes d'effectifs le Rhône est un département prioritaire. Voici quelques chiffres: en 1997, l'effectif des personnels de police était de 115, il est en 1999 de 116, mais il faut y ajouter 24 adjoints de sécurité, qui n'existaient pas auparavant.
Tous les efforts possibles seront faits pour renforcer ces effectifs, qui, sur l'agglomération lyonnaise, ne sont tout de même pas négligeables, je tiens à le préciser. Nous touchons là à un autre problème, celui d'une répartition plus adéquate de nos forces de police. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. L'importance de la question justifiait sans doute le temps qui lui a été consacré...
Auteur : M. André Gerin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 février 1999