égalité professionnelle
Question de :
Mme Michèle Alliot-Marie
Pyrénées-Atlantiques (6e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 17 février 1999
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie.
Mme Michèle Alliot-Marie. Monsieur le Premier ministre, votre projet sur la parité élective revient cet après-midi devant notre assemblée. Dans le même temps, un hebdomadaire montre que, depuis votre arrivée au Gouvernement, moins de 10 % de femmes figurent parmi les nominations de hauts fonctionnaires en conseil des ministres. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et les «Juppettes» ?
Mme Michèle Alliot-Marie. Ces chiffres sont confirmés par votre ministre de la fonction publique et ils pourraient également l'être par la simple lecture du Journal officiel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or, nous le savons tous et toutes, ce sont souvent les titulaires de ces postes de hauts fonctionnaires pourvus en conseil des ministres qui détiennent une part essentielle du pouvoir de décision.
Monsieur le Premier ministre, à la fois pour éviter que les femmes ne se sentent flouées et pour démontrer, le cas échéant, l'absence d'arrière-pensées (Murmures sur les bancs du groupe socialiste),...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Juppé ! Juppé !
Mme Michèle Alliot-Marie. ... je souhaite que vous nous indiquiez, d'abord, si vous vous engagez solennellement devant la représentation nationale à aller réellement vers la parité pour les nominations de hauts fonctionnaires,...
Mme Martine David. Dites-le au Sénat !
Mme Michèle Alliot-Marie. ... dans quels délais, et comment.
Je vous rappelle, en effet, que les nominations en conseil des ministres dépendent en quasi-totalité de la seule volonté gouvernementale, puisqu'elles sont discrétionnaires, et qu'il n'est nul besoin d'études pour affirmer une volonté politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la députée, la question de la représentation nécessairement croissante des femmes dans la vie publique de notre pays, qu'il s'agisse de fonctions électives ou de postes dans la haute administration revêt une importance particulière à nos yeux, dans la mesure où notre pays est, dans ce domaine, en retard par rapport à la plupart des grandes démocraties européennes.
Nous avons donc à consentir, chacun à notre place, un effort de volontarisme dans nos choix, dans nos pratiques, indépendamment des modifications qu'il peut être utile d'apporter à notre texte constitutionnel - un débat est en cours sur ce sujet - ou à telle disposition législative. («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste.)
La formation politique à laquelle j'appartiens a maintes fois fait preuve de ce volontarisme. Tel a, par exemple, été le cas à l'occasion des dernières élections européennes où le parti socialiste a présenté, à la suite de Michel Rocard et sur sa proposition, une liste entièrement paritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Ce n'est pas la question !
M. François Vannson. Beau succès !
M. le Premier ministre. Les scores qui m'intéressent en ce qui concerne les élections européennes ne sont plus ceux d'hier, mais ceux de demain.
M. François Vannson. Alors n'en parlez pas !
M. le Premier ministre. Nous aurons l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Lors des dernières élections législatives, le parti socialiste - et je ne veux pas parler au nom d'autres formations politiques de la majorité qui ont également fait un effort pour que les femmes soient nombreuses dans leurs rangs - a décidé de consacrer 30 % des circonscriptions à des candidates femmes. Je crois d'ailleurs être fondé à affirmer aujourd'hui devant vous, madame la députée, que, si les femmes sont relativement nombreuses dans cette assemblée, elles le sont à gauche, surtout sur les bancs du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous étant heurtés, au cours d'autres législatures, à l'obstacle constitutionnel - vous vous souvenez sans doute qu'une proposition de loi sur ce sujet a été censurée par le Conseil constitutionnel -, nous avons proposé une démarche fondée sur le concept de parité pour faire sa place, dans la Constitution, à l'égalité des hommes et des femmes.
M. François Vannson. Ce n'est toujours pas la question !
M. le Premier ministre. M. le Président de la République a d'ailleurs bien voulu accompagner cette démarche par une proposition commune. («La question, la question !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
L'Assemblée a approuvé cette proposition à l'unanimité.
M. Yves Nicolin. Répondez à la question !
M. le Premier ministre. Repoussée au Sénat, elle revient aujourd'hui devant vous. Vous déciderez librement de confirmer votre démarche, et j'espère que nous lèverons cet obstacle.
En ce qui concerne les postes dans la haute administration («Ah, enfin !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
Mesdames, messieurs, il faut regarder l'ensemble pour former son jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) En effet, si l'on ne balaie pas largement le champ d'application, on est menacé de strabisme. (Sourires.)
En ce qui concerne donc les postes dans la haute administration, je vais vous dire très clairement quel est mon avis sur les nominations qui interviennent en conseil des ministres, en règle générale sur la proposition du Gouvernement, même si, bien sûr, l'accord du Président de la République est nécessaire. Je ne le mets donc nullement en cause dans cette affaire. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Cela est normal puisque les propositions viennent du Gouvernement, encore qu'il lui soit arrivé d'en suggérer quelques-unes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. André Santini. Voilà !
M. le Premier ministre. D'ailleurs, ces quelques propositions concernaient davantage quelques-uns que quelques-unes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - «Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Quoi qu'il en soit, je considère que la part faite aux femmes dans nos propositions de nomination à des postes dans la haute fonction publique est largement en dessous de ce qui serait nécessaire.
Au cours d'une discussion que j'ai eue récemment avec la ministre de l'emploi et de la solidarité, Martine Aubry, je lui ai fait observer qu'il n'y avait aucune candidature de femme dans ses propositions pour les nominations aux postes de directeur des structures hospitalières régionales. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Elle m'a alors répondu que toutes les femmes qu'elle avait pressenties avaient renoncé à répondre positivement en invoquant des contraintes maternelles, leurs obligations familiales ou l'avis de leur conjoint. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Cela signifie que nous devons exercer une poussée volontariste pour favoriser l'engagement des femmes. J'ai ainsi demandé, lors du dernier séminaire gouvernemental, que l'on nomme davantage de femmes dans les postes de chef de bureau, de sous-directeur, de chef de service afin de disposer d'un vivier suffisant pour les candidatures à la haute fonction publique. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Des efforts supplémentaires sont donc indispensables. En tirant le verrou constitutionnel, nous donnerons ensemble un signal qui s'imposera à tous les décideurs politiques.
Demain Mme Colmou remettra au ministre de la fonction publique et de la décentralisation un rapport sur la féminisation dans la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : Mme Michèle Alliot-Marie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 février 1999