élections législatives
Question de :
M. Roland Blum
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 17 février 1999
M. le président. La parole est à M. Roland Blum.
M. Roland Blum. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Dans sa décision du 3 février 1999, le conseil constitutionnel a procédé à l'annulation des élections législatives de la neuvième circonscription des Bouches-du-Rhône, et ce pour fraude électorale organisée.
M. François Goulard. Tricheurs !
M. Roland Blum. En effet, dans la ville d'Aubagne, les représentants du candidat communiste se sont livrés, selon la haute juridiction, à une falsification des chiffres sur les procès-verbaux des bureaux de vote n°s 10, 17 et 96. (Huées sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Et un certain nombre d'électeurs inscrits, qui n'avaient pas participé au scrutin, avaient eu la surprise de découvrir qu'ils avaient voté. («Et Tiberi alors ?» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
La gravité de ces manoeuvres frauduleuses, dignes de ce que l'on peut constater encore dans les pays totalitaires, et qui portent atteinte au principe même de la démocratie, a certes justifié l'annulation des élections, mais elle pose un problème de droit et surtout de morale.
M. Jean-Claude Perez. Tiberi !
M. Roland Blum. Guy Carcassonne, dont les qualités de juriste sont incontestables, a eu le mérite de poser clairement le problème.
En effet, les lois sur le financement des campagnes électorales sanctionnent tout manquement à leurs règles par l'inéligibilité, au moins temporaire, des candidats fautifs. Tel n'est pas le cas pour les manipulations des opérations de vote. («A Paris !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Ainsi, le bénéficiaire de fraudes électorales peut agir en toute sérénité, puisqu'il a tout à gagner et rien à perdre dans la mesure où, en cas d'annulation, il a toujours la possibilité de se représenter devant les électeurs.
Alors, ma question sera double. Envisagez-vous, madame la garde des sceaux, de déposer devant notre assemblée un projet de loi visant à rendre inéligibles les candidats élus au bénéfice de la fraude électorale ? («Tiberi !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) En outre, une plainte pénale a été déposée pour fraude électorale et l'instruction est en cours.
Il est étonnant que, à ce jour, alors que les preuves en ce domaine sont incontestables, et appuyées notamment par la décision du Conseil constitutionnel, le parquet n'ait pas encore pris les réquisitions supplétives pour faux en écriture publique - ce qui est le cas en l'espèce.
Ainsi, vous-même qui, au sein du Gouvernement, vous référez souvent à la morale, donnerez-vous au parquet les instructions nécessaires pour que la saisine du juge soit étendue aux infractions caractérisées de faux en écritures publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Tiberi !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, le 28 septembre dernier, M. Belviso a été proclamé élu avec vingt voix d'avance sur son adversaire M. Deflesselles, qui a introduit un recours pour annulation de cette décision devant le Conseil constitutionnel, lequel a annulé l'élection le 3 février 1999.
Le Conseil constitutionnel n'a pas jugé possible de déterminer exactement le nombre de suffrages qui devaient être attribués à chacun des deux candidats présents au second tour.
Dans le cadre de la procédure suivie, il n'a pu que valider ou annuler l'élection d'un candidat. Il n'est pas habilité à prononcer son inéligibilité. L'inéligibilité ne peut, en effet, se prononcer qu'en vertu des articles L.O. 128 et L.O.136-1 du code électoral, c'est-à-dire dans les cas où le candidat n'a pas respecté les obligations liées au dépôt du compte de campagne ou dans le cas où il a dépassé le plafond de ses dépenses électorales.
M. Arnaud Lepercq. Ce n'est pas normal !
Mme la garde des sceaux. En l'occurrence, le compte de campagne de M. Belviso avait été approuvé par la commission nationale des comptes de campagne.
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale. Ce n'est pas la question !
Mme la garde des sceaux. J'ajoute que, parallèlement à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel, une information judiciaire du chef de fraude électorale sur le fondement de l'article L. 92 du code électoral est ouverte depuis le 7 octobre 1998.
Bien entendu, il ne m'appartient pas, monsieur le député, de me prononcer sur une procédure judiciaire en cours. Je vois qu'il vous a encore échappé que ce gouvernement avait décidé de ne plus donner d'instructions individuelles au parquet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Vous protégez les fraudeurs !
Auteur : M. Roland Blum
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 février 1999