maladies
Question de :
M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Val-de-Marne (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 18 février 1999
M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
En juillet dernier, Christine Malèvre, infirmière à l'hôpital de Mantes, puis, le 4 février, une autre infirmière, cette fois à Nice, ont été mises en examen et sont justiciables de la cour d'assises pour avoir aidé des personnes à mourir.
Cela pose une nouvelle fois le problème de l'euthanasie: que faire face à des malades incurables en phase terminale qui souffrent au point de souhaiter disparaître ?
La première réponse consiste, bien sûr, à développer les soins palliatifs. La prise en charge réelle de la douleur, l'apaisement des souffrances, l'accompagnement des patients pour permettre une fin de vie digne et sereine sont évidemment l'objectif primordial. En ce domaine pourtant, nous accusons un retard considérable.
A ce jour, quarante et un départements sont encore dépourvus d'unité spécialisées avec lits ou d'équipes mobiles de soins palliatifs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au mois de septembre dernier, vous avez annoncé, ce qui est très positif, un plan de développement de ces soins. Pouvez-vous nous préciser où en est aujourd'hui sa mise en oeuvre ?
Cela étant, même avec ce plan il restera toujours, hélas ! le cas de certains patients dont les souffrances ne peuvent plus être soulagées par les soins palliatifs et qui demandent qu'il soit mis fin à leurs jours.
L'euthanasie est toujours un échec et un drame. Le rôle des médecins et des infirmières est, bien sûr, de préserver la vie et non de l'abréger. Mais doit-on refuser au patient en phase terminale, qui endure des souffrances insupportables, le droit de disposer lui-même de son propre destin et de mourir dans la dignité ? Que commandent alors la compassion, l'écoute, le vrai respect d'autrui ?
Bien qu'interdite en droit, l'euthanasie active, et surtout passive, ne se trouve-t-elle pas pratiquée en fait dans certains services hospitaliers, mais sans qu'on en parle, dans l'implicite, dans le non-dit, c'est-à-dire dans le non-droit ?
M. Philippe de Villiers. C'est un crime !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En réalité, la loi en la matière est actuellement celle du silence.
Le débat sur l'euthanasie ne doit-il pas sortir enfin de la clandestinité et de l'occultation ? Ne doit-il pas s'ouvrir au grand jour au Parlement, qui est le lieu normal, le lien principal des grands débats de société ?
Le Gouvernement accepte-t-il d'inscrire un tel débat à l'ordre du jour de notre assemblée afin que la représentation nationale puisse engager, en conscience, une réflexion de fond sur ce sujet difficile et douloureux qui préoccupe beaucoup de Français, comme l'ont montré les états généraux de la santé ?
Chacun le voit bien, la démocratie ne peut faire silence sur les questions essentielles. Elle requiert au contraire la clarté, la transparence et le libre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et indépendants.)
M. le président. Mon cher collègue, il était difficile de vous interrompre sur un tel sujet, mais la réponse devra être brève.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, il y a bien des choses à vous répondre.
S'agissant d'abord des soins palliatifs, ils ne constituent pas une réponse complète aux situations que vous avez évoquées.
Il y avait peu d'équipes de soins palliatifs mobiles. Leur nombre était en tout cas insuffisant. Je me suis donc efforcé, comme je vous l'avais promis lors du débat qui s'est tenu ici même, de le doubler.
J'ai demandé aux agences régionales d'hospitalisation de nous adresser leurs propositions pour le 15 février. Six équipes en Lorraine et deux en Corse sont déjà constituées. Je vous communiquerai le nombre exact lorsqu'il me sera possible de le faire.
Nous doublerons cette année, grâce aux 150 millions que vous avez votés, le nombre des équipes de soins palliatifs, et 50 autres millions seront consacrés aux équipes en ville, qui comprennent des bénévoles, des psychologues, des infirmières, des médecins, qui, autour de l'hôpital, pourront également faire oeuvre salutaire au domicile des malades.
Vous m'avez posé une autre question beaucoup plus compliquée sur la tenue d'un débat. Mais souvenez-vous, nous avons déjà eu ce débat au moment de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique et il a fallu deux majorités pour que, finalement et de façon suffisamment sereine, nous en venions à bout.
Le Gouvernement n'est pas hostile à ce qu'un débat ait lieu ici. C'est d'ailleurs ce qu'il a toujours dit. Je souhaite pour ma part que ce débat s'engage, comme c'est le cas dans les états généraux de la santé, où le traitement de la douleur et les soins palliatifs sont les sujets qui sont le plus souvent proposés.
A travers le pays s'engage un débat difficile, grave, douloureux pour savoir ce que nous devons faire au moment de la fin de vie. Des conceptions idéologiques et, surtout, l'expérience et la douleur de chacun dans sa mémoire, s'opposent.
Je souhaite, je le répète, que le débat ait lieu, mais je souhaite qu'il ait lieu de façon sereine.
Il y a deux jours, monsieur le député, je lisais dans le journal d'éthique du seul pays qui n'a pas dépénalisé l'euthanasie mais qui a abordé le problème de façon différente - les Pays-Bas - un compte rendu de ce qui s'y était passé. Ce n'est pas satisfaisant.
Il nous faut donc débattre très sereinement.
Avant même que la date d'un éventuel débat ne soit fixée, j'écrirai dès demain aux responsables des groupes politiques de l'Assemblée et du Sénat pour leur proposer de se rendre au ministère pour une séance de travail, lors de laquelle nous pourrons aborder une part - une petite part - du problème.
J'ajouterai, pour finir, que la culture change dans notre pays: ce qui était refusé, et singulièrement par les médecins, comme une discipline qui n'avait pas la noblesse des autres disciplines, se transforme. Les hôpitaux sont ouverts à l'accueil des équipes de soins palliatifs mobiles. Surtout, il ne faut pas que des lits réservés à la mort: il faut au contraire que l'ensemble du personnel médical prenne en charge les problèmes que pose la fin de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé et action sociale
Ministère répondant : santé et action sociale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 1999