durée du travail
Question de :
M. Gérard Terrier
Moselle (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 18 février 1999
M. le président. La parole est à M. Gérard Terrier.
M. Gérard Terrier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame la ministre, au sujet de l'application de la loi sur les 35 heures, nous entendons des contradictions les plus invraisemblables, certains n'hésitant pas à qualifier cette loi d'échec économique et social («C'est le cas !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. C'est la vérité !
M. Gérard Terrier. J'en veux pour preuve la question qui a été posée par l'un de nos collègues. A croire que l'intérêt de la nation est secondaire pour eux par rapport à leur propre intérêt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Dans le même temps, on nous annonce pourtant des accords de branche très importants, qui contribuent soit à préserver des centaines d'emplois, soit à en créer plusieurs milliers.
M. Charles Cova. Comme à PSA ?
M. Gérard Terrier. Le dernier en date est celui de La Poste, accord remarquable qui permettra, pour la première fois, que soit porté un coup d'arrêt aux pertes d'emplois dans ce service public...
M. Thierry Mariani. Qui paie ?
M. Gérard Terrier. ... et que soient remplacés les emplois précaires par des contrats à durée indéterminée sans concours financier de l'Etat.
M. Thierry Mariani. Qui paie ?
M. Gérard Terrier. Madame la ministre, pouvez-vous communiquer à la représentation nationale et, à travers elle, à la nation, le bilan de cette loi à ce jour, et nous dire ce qu'augurent ses résultats pour la seconde loi sur les 35 heures, qui viendra en discussion dans notre assemblée prochainement et qui devra constituer une avancée supplémentaire dans la lutte pour l'emploi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Terrier, faisons le bilan en regardant simplement les faits, car ce sont eux qui parlent le mieux.
Il y a dans notre pays un mouvement de négociation sans précédent sur la durée du travail.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est un échec !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit de près de quarante accords de branche, qui couvrent six millions de salariés, et de 2 020 accords d'entreprise, qui permettent la création de 24 000 emplois.
Depuis l'annonce du 10 octobre, le passage aux 35 heures a permis à 37 000 emplois d'être créés ou sauvegardés.
M. François Goulard. C'est complètement faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Telle est la réalité !
M. Yves Nicolin. C'est nul !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Ainsi que vous l'avez dit, et avec raison, monsieur Terrier, la réduction de la durée du travail met en place des exigences complexes dans l'entreprise, puisqu'il faut pleinement lier - c'est peut-être la première fois que cela se passe - une exigence économique et une exigence sociale. Je rappelle que les syndicats et les chefs d'entreprise de notre pays ont, pour la moitié d'entre eux, signé des accords, ou sont en train d'en négocier.
Cela exige du temps si l'on veut des accords gagnant-gagnant.
J'apporterai très vite quelques éclairages supplémentaires.
Les mêmes qui nous disaient que les entreprises allaient être placées au bord du gouffre...
M. Charles Cova. Maintenant, elles sont dedans !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... nous disent aujourd'hui que celles-ci jouissent de plus de souplesse et d'une plus grande compétitivité.
Tant mieux si nos entreprises sont plus compétitives demain, si elles savent mieux utiliser les équipements, offrir de meilleurs services aux clients, une meilleure qualité,...
M. Jean-Michel Ferrand. Vous n'énumérez que des contrevérités !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de meilleurs délais, autant d'éléments qu'exige la concurrence.
M. Jean-Michel Ferrand. Contrevérités !
M. le président. Monsieur Ferrand, quand vous êtes là, on vous entend !
M. Jean-Michel Ferrand. Mme la ministre dit n'importe quoi !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Aujourd'hui, les accords qui sont signés créent 8 % d'emplois supplémentaires alors que la loi ne prévoyait que 6 %.
On nous affirmait aussi que la loi n'était pas adaptée aux petites entreprises. Or 40 % des accords signés l'ont été par des entreprises de moins de vingt salariés. Et, comme on n'en est pas à une contradiction près, on nous accuse de faire signer les grandes entreprises nationales, alors qu'il y a quelques semaines on nous demandait comment il se faisait que ces entreprises ne signaient pas d'accord.
Vous avez raison, monsieur Terrier, l'accord de La Poste est un bon accord.
M. François Goulard. Ca non !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il permettra 20 000 recrutements d'ici à la fin 2000, des jeunes en apprentissage et en alternance,...
M. Jean-Michel Ferrand. Tout cela n'est pas sérieux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... la réduction de la précarité et un allongement du travail à temps partiel pour les travailleurs qui le souhaitent.
M. Jean-Michel Ferrand. Arrêtez-la, monsieur le président !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agira aussi, pour les clients, d'une amélioration quant aux heures d'ouverture, il n'y aura pas d'augmentation du prix du timbre, contrairement à ce qui vous, mesdames, messieurs de l'opposition s'était passé avec vous (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), et de nouveaux services seront développés.
Telle est la réalité: des postiers qui travailleront moins et qui auront des horaires de travail qu'ils pourront choisir.
Il est vrai que la réduction de la durée du travail fait reculer la précarité: de plus en plus d'accords transforment les contrats à durée déterminée et les missions de travail temporaire en CDI, ce que l'on ne dit pas suffisamment.
M. Jean-Michel Ferrand. Monsieur le président, ce n'est pas sérieux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. La réduction de la durée du travail crée un phénomène sans précédent, une solidarité entre les travailleurs et les chômeurs, qui a été très difficile à mettre en place par les syndicats ces dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ne vous en déplaise, nous poursuivrons dans cette voie avec les entreprises et les syndicats dont, une fois de plus, nous pouvons compter sur le réalisme, mais aussi sur la maturité, pour aboutir à des accords gagnant-gagnant, qui feront que la France sera plus forte demain, car elle sera plus compétitive et connaîtra moins de chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Michel Ferrand. Zéro !
Auteur : M. Gérard Terrier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 1999