Question au Gouvernement n° 1155 :
construction aéronautique

11e Législature

Question de : Mme Jacqueline Fraysse
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 18 février 1999

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le décret relatif au transfert de la majorité du capital d'Aerospatiale au privé est paru. La presse se fait d'ailleurs largement l'écho de cette belle opération réalisée par le capital privé puisque Matra obtient 33 % du nouvel ensemble pour seulement 1 à 2 milliards de francs. La mise en bourse doit suivre. Tout cela n'est malheureusement que le dernier épisode en date d'une série de restructurations opérées sous l'impulsion de notre gouvernement dans l'aéronautique et le spatial avec un objectif affirmé: contribuer à la constitution d'une société européenne unique pour être - nous dit-on - plus forts face aux géants américains.
Les députés communistes ne constestent pas la nécessité d'évoluer vers l'échelon européen. Mais en l'occurrence l'ensemble des décisions prises est caractérisé par une absence flagrante de débat démocratique, dont tous les syndicats concernés, sans exception, se plaignent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Il n'y a pourtant pas de réponse unique aux défis qui sont aujourd'hui posés concernant ce secteur, et les orientations actuelles sont lourdes de dangers, notamment en termes d'emploi.
Monsieur le Premier ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour qu'un véritable débat associant les salariés, les citoyens et leurs représentants élus ait lieu concernant l'avenir de la filière aéronautique et spatiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, d'abord je suis heureux de constater que l'orientation qui consiste à essayer d'aller vers une société aéronautique européenne recueille votre approbation. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il faut, en effet, que nous soyons capables ensemble de faire en sorte que l'industrie française, qui est au coeur de l'industrie européenne en matière aéronautique comme en matière spatiale et d'électronique de défense, se renforce pour être capable d'assurer sa mission comme elle l'a fait dans le passé.
C'est un projet industriel de grande ampleur. Il est probable qu'il faudra du temps pour le réaliser, mais à nos frontières les regroupements ont eu lieu - je pense aux Etats-Unis - et il faut que nous avancions dans ce sens. Il est bon de constater que cette position est soutenue par l'ensemble de la majorité, et peut-être même au-delà. Vous avez dit que c'était une belle opération réalisée par le capital privé.
M. Richard Cazenave. Il est bon le chapeau ? (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Permettez-moi, madame la députée, de corriger un peu cette appréciation. Il s'agit d'une fusion.
M. Richard Cazenave. Et un peu de sel sur le chapeau !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En gros, Aerospatiale pèse deux fois plus lourd que Matra Hautes technologies. Le ratio est à peu près: 66 % d'un côté, 33 % de l'autre. Mais comme cela n'est pas vraiment cela, Matra paiera en plus pour arriver exactement à 33 %: ce sont les 2 milliards auxquels vous avez fait allusion. On ne peut donc pas dire que Matra obtient un tiers pour 2 milliards. Matra obtient un tiers parce qu'il apporte un tiers et il paiera 2 milliards pour faire le compte, même un peu plus puisqu'une part d'Aerospatiale a été sortie de l'opération - je pense à la participation d'Aerospatiale dans Thomson. Au total, ce sont plus de 3 milliards qui réaliseront l'équilibre. Mais bien sûr, ce sera à la commission des participations et des transferts d'apprécier cet équilibre.
Vous évoqué l'aspect démocratique du débat. J'en suis très soucieux, comme M. le Premier ministre. Mais il y a deux aspects différents en matière de démocratie industrielle: celui qui concerne les salariés et celui qui concerne la représentation nationale. S'agissant des salariés, la démocratie est souhaitable, mais au moment où un accord se noue il n'est pas possible d'associer à la discussion d'autres que les deux actionnaires: l'Etat et Matra. Pourquoi ? Tout simplement parce que des questions juridiques se posent et si des informations circulaient, ne serait-ce que parmi les salariés et les syndicats, ceux-ci pourraient être accusés de délit d'initié. De telles décisions doivent donc être entourées d'un certain secret. Mais dès que l'accord préalable a été tracé, ce qui est le cas aujourd'hui, il faut que les salariés soient mêlés à la discussion. Les organes sociaux d'Aerospatiale seront ainsi saisis dans les jours qui viennent du projet d'accord pour donner leur avis.
M. André Santini. Bien, c'est très pédagogique !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez fait allusion à un autre débat concernant les élus. Il est en effet souhaitable que la représentation nationale puisse discuter de cette question, comme elle a discuté ce matin, à la demande du groupe communiste, de l'orientation de notre politique financière. Si l'Assemblée nationale le souhaite, le Gouvernement est évidemment disposé à ce qu'un débat ait lieu sur l'avenir de notre aéronautique. Trois ministres du Gouvernement sont concernés directement par ce secteur: M. Alain Richard, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je suis sûr de m'exprimer au nom de l'ensemble du Gouvernement, qui s'est associé collectivement à la décision prise pour Aerospatiale. Nous sommes donc disposés à tenir avec vous un débat sur l'aéronautique le jour où l'Assemblée le voudra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : Mme Jacqueline Fraysse

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 février 1999

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