PAC
Question de :
M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 18 mars 1999
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Monsieur le ministre, vous avez refusé à juste titre de donner votre aval à l'accord sur la PAC. Vous l'avez qualifié de «bilan d'étape souvent ambigu», et souligné que les questions sans réponses sont renvoyées au sommet européen de Berlin. Ce prétendu «accord», entre guillemets, aboutit à un dépassement d'environ 6,5 milliards d'euros. Ce résultat est en complète contradiction avec les intentions affichées par le ministre de l'agriculture allemand quant à une réduction du budget agricole européen.
Ce texte souffre en fait de graves lacunes. Il n'a pas retenu les propositions françaises quant à la dégressivité des aides directes et à leur plafonnement par exploitation.
Vous avez en outre manifesté le souci, monsieur le ministre, d'affecter au développement rural une partie des fonds économisés. L'accord sur la PAC constitue une mise en cause des contrats territoriaux d'exploitation en ne permettant pas le rééquilibrage nécessaire au développement rural.
Pensez-vous défendre à nouveau ces objectifs de plafonnement et de dégressivité des aides, indispensables à la survie des exploitations en zones défavorisées ?
Les inquiétudes des éleveurs du bassin allaitant du grand Massif central portent également sur la prime à la vache allaitante. L'Europe est censée financer la prime additionnelle nationale de 50 euros par vache allaitante. Deux questions se posent alors: cette prime sera-t-elle effectivement financée par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole ? Ne pourrait-ont pas rééquilibrer les aides en direction des zones défavorisées par l'attribution de 30 euros supplémentaires par vache allaitante au titre de l'enveloppe nationale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je voudrais faire le point sur le texte qui a été arrêté par la présidence allemande jeudi matin, à l'aube, à propos de la politique agricole commune. A ce texte, la France, par ma voix, n'a pas donné son accord, je le confirme devant vous, et elle a émis beaucoup de réserves.
Le ministre allemand lui-même, M. Funke, a reconnu, lors d'une conférence de presse, que la France s'était opposée à cet accord. Je pense donc que les choses sont suffisamment claires.
Par rapport au premier paquet qui avait été proposé il y a quinze jours ou trois semaines, ce texte comporte toutefois traduit un certain nombre d'avancées. J'en citerai trois.
Sur la viande bovine, la réduction des prix proposée est beaucoup moindre qu'au départ. En France, la profession agricole souhaitait 15 %, la Commission européenne proposait 30 %. Là, il s'agit de 20 %, ce qui est beaucoup mieux. Surtout, des avancées considérables ont été réalisées concernant la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. Ainsi, le paquet relatif à la viande bovine est beaucoup plus acceptable, même si le prix d'intervention fixé - nous en sommes tous d'accord - est encore beaucoup trop bas et mériterait d'être relevé.
Quant à l'organisation commune du marché du vin, l'ensemble des revendications françaises a été prise en compte. La réforme de l'OCM est ainsi très acceptable. Il en est de même quant au règlement horizontal.
Il reste que nous avons contesté la réforme laitière. Elle est, à la demande de la France, remise à une date qui soit le plus éloigné possible. C'est une réforme inutile et coûteuse pour les finances européennes.
De la même façon, nous avons contesté la réforme des céréales, avec la baisse excessive des prix de 20 %.
Au total, ce paquet, malgré quelques avancées, pèche encore par des très grosses insuffisances et d'abord par l'absence de prise en compte de la spécificité des oléoprotéagineux, qui était demandée par la France et plusieurs autres pays d'Europe. Je pense notamment à des cultures que je qualifierai de «propres» sur le plan environnemental et qui sont une spécificité permettant de faire face au déficit européen en matière protéique.
Il reste que ce paquet est coûteux: selon le dernier chiffre fourni par la Commission, le dépassement atteint 6,9 milliards par rapport au niveau de maîtrise de la dépense qui avait été exigé non pas seulement par le ministre allemand, mais aussi par les chefs d'Etat et de gouvernement à Petersberg. Cette dépense agricole file d'une manière qui est, de notre point de vue, déraisonnable.
Le troisème défaut de la PAC qui est proposée par la présidence allemande est qu'elle n'est pas du tout ou insuffisamment réorientée vers le développement rural. Or il me semble que l'opinion européenne dans son ensemble attendait un signe politique annonçant que les aides agricoles européennes seraient réorientées.
Voilà les raisons pour lesquelles j'ai émis des réserves et je me suis opposé jusqu'à la fin à ce texte. J'espère que le chef de l'Etat français et le Premier ministre pourront, à l'occasion du sommet de Berlin, comme ils l'ont dit publiquement, profiter de la discussion sur l'ensemble du financement de l'Agenda 2000, c'est-à-dire de l'Europe, pour faire progresser ce paquet agricole, qui n'est pas un accord et qui ne pourra le devenir que dans le cadre d'un accord global. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Daniel Boisserie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 1999