Question au Gouvernement n° 1231 :
Kosovo

11e Législature

Question de : M. François Léotard
Var (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 24 mars 1999

M. le président. La parole est à M. François Léotard.
M. François Léotard. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la dégradation de la situation au Kosovo s'est accélérée au cours des dernières heures et, comme souvent dans ce type de conflit, ce sont les populations civiles qui subissent les plus lourdes pertes. Villages incendiés, femmes et enfants en fuite, découverte de charniers: voilà les images qui sont transmises au monde, aujourd'hui, de ce territoire européen qui a été le lieu de tant d'affrontements, et où la mémoire de notre continent est encore blessée.
Il semble que l'on soit désormais au bord d'une intervention militaire dont la menace, à force d'être brandie, ne pourra plus être reportée longtemps.
Nous sommes nombreux, très nombreux, sur ces bancs, à considérer que c'est le président Milosevic et le gouvernement de Belgrade qui portent, pour l'essentiel, la responsabilité de cette dégradation, et nous approuverions donc une réponse militaire, dès lors que les voies diplomatiques auraient été épuisées.
Les informations qui nous parviennent, les appels de détresse que nous recevons renouvellent, avec une étrange insistance, les débuts du conflit qui a ensanglanté tour à tour la Slovénie, la Croatie puis la Bosnie, et qui ont traversé toute la décennie des années 90, conflits dans lesquels la France, je le rappelle devant notre assemblée, a perdu plusieurs de ses soldats, et connu dans ses rangs plusieurs centaines de blessés.
Ma question porte donc sur deux points, monsieur le Premier ministre, qui sans mettre en péril la nécessaire et légitime responsabilité de décision de l'exécutif dans cette crise, permettraient d'éclairer la représentation nationale.
A quelles conditions, selon quel calendrier, avec quels moyens et dans quelle mesure le gouvernement français envisage-t-il de participer à l'opération préparée par l'OTAN ?
A la veille du cinquantième anniversaire de l'Alliance, il peut être utile à la représentation nationale de savoir si les conditions d'utilisation de nos forces sont en passe d'être modifiées ou si elles restent conformes au livre blanc sur la défense de 1994. A l'heure actuelle, elles semblent dépendre excessivement, pour l'essentiel, de décisions américaines.
Sans qu'il soit nécessaire, et c'est mon deuxième point, de faire précéder une intervention éventuelle d'un débat parlementaire, ne vous semble-t-il pas qu'au-delà de l'information des commissions concernées - et celle des affaires étrangères reçoit cet après-midi M. Védrine - il serait utile que nous ayons ici même un véritable échange, donc un débat parlementaire, sur la position de la France vis-à-vis de l'OTAN, sur les perspectives d'une meilleure coordination des Européens sur les questions de défense, et enfin sur les principes - vous comprendrez que l'UDF y soit très attaché - qui fondent la participation française aux opérations de maintien de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe DL.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, tirant les leçons du drame qui s'est produit en Bosnie, le Président de la République et le Gouvernement ont pris, depuis des mois, des initiatives, en relation avec nos amis européens et avec nos alliés, en contact avec les Russes, pour adresser aux protagonistes de la crise qui s'est nouée au Kosovo les messages nécessaires: encourager les forces qui veulent la paix et résoudre les conflits par la négociation, intimider, avertir les forces qui veulent, à nouveau, trouver des solutions par la violence.
Nous avons adressé ces messages extrêmement clairs, avec nos alliés, aux autorités serbes. Une fois de plus, celles-ci n'ont pas su chercher au Kosovo la solution maîtrisée qui, dans l'intégrité même des frontières de la Fédération yougoslave, aurait permis d'apporter l'autonomie interne, sans doute, montrant que des leçons étaient tirées des drames précédents et que ces protagonistes entraient avec nous dans le siècle.
M. Robert Pandraud. Désarmez l'UCK !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Ces messages ont été adressés également aux Kosovars, et particulièrement à l'UCK, dont nous ne partageons ni les méthodes ni, sans doute, les visées stratégiques ou diplomatiques. Pas plus que nous ne sommes pour une grande Serbie, nous ne sommes pour une grande Albanie.
Les autorités françaises, le ministre des affaires étrangères au premier chef, ont déployé leur énergie pour engager un processus de paix, de négociation - celui de Rambouillet - afin de rechercher une issue politique qui puisse montrer que les protagonistes serbes ou kosovars renonçaient à la violence, à la passion, au nationalisme exacerbé, à une approche ethnicisée des problèmes, et considéraient avec nous que le respect des minorités, la recherche des compromis par la négociation collective, le fonctionnement de la démocratie étaient ce qui unissait désormais tous les peuples et les nations européens, y compris ceux des Balkans.
A l'heure où je vous parle, il est nécessaire de reconnaître que ce processus n'a pas pu déboucher, que la tension devient de plus en plus forte sur le terrain, que les violences ne cessent pas et que le nombre de réfugiés, comme vous l'avez dit, s'accroît.
Malgré les efforts de la coprésidence franco-britannique des négociateurs, des émissaires, des membres du groupe de contacts, M. Milosevic ne manifeste aucun signe d'ouverture et refuse toujours d'adhérer au cadre du règlement élaboré à Rambouillet, cadre politique qui est désormais accepté - et c'est une donnée de la situation - par les Albanais du Kosovo.
Le moment n'est donc pas loin où nous devrons tirer toutes les conséquences de cette situation comme la communauté internationale en a constamment et clairement averti les autorités de Belgrade.
Nous sommes dans la phase finale. A cet égard nous sommes en contact permanent avec nos partenaires et nos alliés. S'il apparaît que tous les moyens de convaincre les autorités de Belgrade de cesser leurs actions de répression et d'adhérer aux accords de Rambouillet, dans leur dimension politique et dans leur volet dit militaire, sont épuisés, la France est déterminée à prendre toute sa part à l'action militaire, devenue inévitable, et cela engagera des forces de la France, comme des forces européennes et non exclusivement, monsieur le député, des forces américaines.
Le Président de la République et le Gouvernement partagent cette détermination.
En cas d'action militaire, le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères se tiendront à la disposition des commissions compétentes des affaires étrangères et de la défense du Parlement pour les informer, aussi tôt que cela sera nécessaire.
Si l'évolution de la situation le justifie, le Gouvernement prendra alors toutes les initiatives utiles, en accord avec le Président de la République, pour assurer l'information rapide et complète du Parlement tout entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe UDF.)

Données clés

Auteur : M. François Léotard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 mars 1999

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