Question au Gouvernement n° 1237 :
Kosovo

11e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 25 mars 1999

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Souvenons-nous de Sarajevo et des Balkans, d'où est parti le premier conflit mondial du siècle qui s'achève. Pour la première fois depuis la dernière guerre mondiale, un pays européen risque à tout moment d'être bombardé sans que le Conseil de sécurité des Nations unies n'ait eu à se prononcer, et ce en violation totale de la charte de l'ONU.
Nous avons salué les efforts déployés jusque-là par la France aux côtés d'autres pays européens, en faveur d'une solution politique à ce conflit insupportable dansl'ex-Yougoslavie. A l'évidence, le pouvoir en place à Belgrade porte une lourde responsabilité dans les développements dramatiques de la situation au Kosovo.
Comme l'a rappelé ce matin mon ami Robert Hue, nous sommes favorables à toute initiative qui soit de nature à faire reculer au Kosovo, en Serbie et dans toute l'ex-Yougoslavie, ces nationalismes qui conduisent à la haine et à la guerre. La conférence de Rambouillet a rendu possible des progrès. Les dirigeants américains veulent avec l'OTAN s'ériger en gendarmes de l'Europe comme du monde entier. C'est grave, c'est dangereux et c'est inadmissible. Ce n'est pas en ajoutant la guerre à la guerre qu'on créera les conditions de la paix.
Comme nous l'a indiqué hier le Premier ministre, la France s'apprête à utiliser les frappes militaires aux côtés de l'OTAN. Nous désapprouvons totalement ce choix. C'est mettre le doigt dans un engrenage dont personne ne peut dire les finalités et qui va coûter des vies humaines, des blessés, des meurtrissures de toutes sortes.
Comment peut-on imaginer que la France de Jaurès participe à une action armée alors qu'existent à Belgrade comme à Pristina des forces opposées au nationalisme et ouvertes au dialogue ?
M. Eric Doligé. Quittez le Gouvernement !
M. Alain Bocquet. La France et l'Europe gagneraient à faire entendre un message qui ouvrirait une perspective de dialogue,...
M. Laurent Dominati. Pas vous !
M. Alain Bocquet. ... de cohabitation et de coopération et offrirait à ses forces de paix une occasion de se faire entendre de leurs compatriotes.
L'Europe et la France en particulier doivent décider chez elles et agir pour que se tienne une conférence de tous les pays du continent placée sous l'égide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. En aucun cas, les forces françaises ne sauraient être engagées dans un conflit sur la seule décision du Président de la République et du Premier ministre.
Je me félicite, monsieur le ministre de la défense, qu'ait été annoncé un débat à l'Assemblée nationale, mais je crains que, vendredi, il ne soit trop tard. C'est de toute urgence et toute affaire cessante que nous devons discuter, décider et voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord préciser à l'intention du président Alain Bocquet que, aux yeux des autorités françaises, les Nations unies se sont prononcées et que les résolutions 1199 et 1203 prises sous le titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ont prévu les moyens d'obtenir l'arrêt immédiat de toute action des forces de sécurité affectant la population civile au Kosovo et le retrait des unités de sécurité utilisées pour la répression contre les populations.
L'action militaire, si elle se révèle inévitable, a donc pour base juridique ces résolutions adoptées sans opposition par le Conseil de sécurité.
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Louis Debré. Que les communistes quittent le Gouvernement s'ils ne sont pas d'accord, monsieur Gremetz !
M. le ministre de la défense. Il y a naturellement, chacun y pense ici avec gravité, des dangers et des inconvénients graves à l'emploi de la force face à une situation de conflit que nous savons complexe. Mais ayons aussi la lucidité de reconnaître que la violence est déjà en mouvement au Kosovo, avec son cortège d'atrocités,...
M. François Rochebloine. Très juste !
Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
M. le ministre de la défense. ... et que le seul choix possible est d'agir pour la contenir et de refuser la primauté de la force brute sur le droit des gens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Devant la situation d'aujourd'hui, nous en tenir à des déclarations alors qu'un objectif politique juste a été défini par toute la communauté internationale, alors que nous avons les moyens d'agir, reviendrait à céder à la tactique de M. Milosevic qui, comme en Bosnie, il y a quelques années, espère maintenir sa domination brutale grâce à notre manque de détermination. Ne laissons pas se répéter, mesdames, messieurs les députés, ces moments de démission collective qui ont préparé les drames de l'histoire européenne. (Mêmes mouvements.)
Dans cette affaire difficile, les Européens ont pris leur responsabilité collective. Nous devons précisément nous réjouir de ce que, devant des choix particulièrement dramatiques, les Européens - cela s'est vérifié au cours des jours derniers et jusqu'à maintenant - agissent entièrement de concert.
Le Président de la République, chef des armées, a donné son accord pour l'emploi de nos moyens aériens en vue d'une action maîtrisée dirigée contre les moyens de répression mis en oeuvre par le pouvoir serbe et du rétablissement de la paix dans l'équité, conformément au cadre défini par la communauté internationale.
Il n'appartient qu'à M. Milosevic de rendre inutile cet emploi de la force en souscrivant au cadre politique que chacun reconnaît équitable. Si nos soldats doivent entrer en action aux côtés de leurs camarades européens et américains, en assumant les risques du combat, ce qui justifie une pensée de notre part à leur égard, ce sera au service de principes et de valeurs qui sont ceux de notre République. Nous devons assumer cette responsabilité avec le sentiment d'accomplir notre mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Maxime Gremetz. Et les civils ?

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : défense

Ministère répondant : défense

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 1999

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