PAT
Question de :
M. Philippe Duron
Calvados (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 7 avril 1999
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron.
M. Philippe Duron. Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, la prime d'aménagement du territoire constitue un des principaux leviers financiers de l'aménagement du territoire. Elle permet l'installation d'entreprises créatrices d'emplois dans les zones défavorisées et en difficulté.
En 1998, le Comité interministériel d'aide à la localisation des activités a attribué 467 millions de francs au titre de la PAT. 185 projets de création et d'extension d'entreprises vont ainsi bénéficier d'une subvention et permettre de créer ou de maintenir 15 300 emplois. Toutefois, les discussions entre la Commission européenne et les gouvernements de l'Union conduisent à réviser les règles d'attribution de la PAT. Celles-ci doivent respecter deux contraintes: la réduction de 40 à 34 % de la population française éligible à cette aide et le choix de l'emploi comme critère privilégié de zonage.
Cette réforme, madame la ministre, suscite les interrogations et l'inquiétude de nombreux élus dont je voudrais ici me faire l'interprète. En effet, si l'on se fonde sur les démarches méthodologiques présentées par la DATAR afin de respecter le plafond de 34 %, on constate que les critères mis en avant pour l'attribution de la nouvelle PAT conduisent à en exclure des secteurs importants de notre pays. C'est le cas de certaines régions industrielles en difficulté dont la reconversion ne fait que s'amorcer. C'est le cas du bassin d'emploi de Caen, frappé par la disparition de son entreprise sidérurgique en 1994. C'est aussi le cas de zones rurales très vastes, mais faiblement peuplées du Sud-Ouest, comme l'Ariège, ou du Massif central.
Pouvez-vous, madame la ministre, rassurer la représentation nationale en lui indiquant quelles orientations le Gouvernement souhaite retenir ? Pouvez-vous nous dire comment il envisage la mise en place de la «mini-PAT» dont le principe a été arrêté lors du CIADT de décembre 1998 afin que les PME et PMI, réservoirs d'emploi, puissent en bénéficier ? Enfin, comment faire pour que les territoires qui ne seront plus éligibles aux fonds structurels européens ne voient pas leur situation aggravée par une éviction des zones PAT ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Philippe Vasseur. Elle va enfin répondre ? Voilà deux ans qu'on lui pose la question ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La réponse, c'est aujourd'hui ! Vous devriez vous en réjouir...
M. Philippe Vasseur. Il serait temps !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, la PAT est effectivement un outil important de l'aménagement du territoire puisqu'elle permet de flécher vers les territoires les plus difficiles des activités économiques. C'est un outil dont l'utilisation est encadrée par la Communauté européenne.
La modification du règlement européen nous paraît aujourd'hui difficile à assumer pour un certain nombre de territoires. Elle passe par une réduction importante de la population maximale couverte par le régime de la prime d'aménagement du territoire - de 40 % à 34 %, par l'institution d'un zonage homogène, la Commission exigeant de pouvoir juger de la validité de celui-ci sur la base de critères statistiques comparables et tout à fait rigoureux; enfin par une certaine continuité dans les zones couvertes par le régime de la PAT. En effet, une zone qui serait «patée» indépendamment de tout caractère de continuité comptera pour 100 000 habitants, qu'elle ait 10 000, 20 000 ou 30 000 habitants. On a donc tout à fait intérêt à discuter largement, sur la base de critères objectifs, de la future carte de la prime d'aménagement du territoire.
Que sont ces critères ? La DATAR, qui a fait son travail, en a proposé plusieurs et exposé au Conseil national d'aménagement et de développement du territoire un certain nombre d'hypothèses.
Les participants au CIADT ont exprimé leur préférence pour une carte répondant à un souci de «discrimination positive»: revenu moyen des familles inférieur à la moyenne nationale, chômage supérieur à la moyenne nationale et solde migratoire négatif, qui correspond à un mouvement de dépopulation. La combinaison de ces trois critères laisse encore de la marge pour prendre en compte les zones de reconversion industrielle; la zone de Caen que vous avez citée en fait évidemment partie.
Nous avons souhaité travailler sur la base de critères objectifs, et de façon complètement transparente, ce qui n'avait pas été le cas pour la précédente carte de l'aménagement du territoire. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Vasseur. Rendez-nous Pasqua !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Aujourd'hui, le Gouvernement s'attache à examiner de façon très concrète l'impact, sur le territoire, des décisions concernant les fonds structurels arrêtées lors du sommet de Berlin. Ensuite, il devra examiner la réforme du dispositif complet des zonages et des modalités qui s'y attachent. Certes, une bonne partie du territoire national est «zoné», mais selon des dispositifs dont l'efficacité est toute relative. Nous sommes donc en train de procéder à une évaluation, quantitative et qualitative en termes de création d'emplois, sur les territoires zonés.
M. Philippe Vasseur. C'est l'évacuation du territoire !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons par ailleurs procédé à la réforme de la «mini-PAT»: baisse des investissements nécessaires pour en bénéficier, qui passeront de 20 millions à 15 millions; baisse du nombre d'emplois créés d'emblée, de vingt emplois à quinze emplois; élargissement du champ d'utilisation: de plus en plus souvent, la PAT devrait être mobilisée pour des créations d'emplois dans le secteur tertiaire, ce qui n'était pas le cas par le passé.
La PAT n'est peut-être pas le meilleur outil pour les territoires les plus en difficulté.
M. Philippe Vasseur. C'est le déménagement du territoire !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En effet, près de 20 % des territoires qui bénéficiaient de la PAT n'ont jamais fait remonter le moindre projet à ce titre. Il nous faudra donc travailler sur des dispositifs permettant quelques créations d'emplois, sur des dispositifs très personnalisés, très fins, en râteau sur le territoire.
Voilà à quoi nous nous attachons. Ce n'est pas, évidemment, tout à fait propice aux effets de manche et aux caricatures... (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Philippe Duron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 avril 1999