Kosovars
Question de :
M. Serge Blisko
Paris (10e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 29 avril 1999
M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, le drame que vivent des centaines de milliers d'habitants du Kosovo s'aggrave chaque jour. Les images, les témoignages, les enquêtes montrent une situation dramatique qui fait resurgir le souvenir d'un passé tragique. On parle de milliers de personnes exécutées, victimes de violences, spoliées, de femmes violées.
Aujourd'hui, 600 000 albanophones sont réfugiés dans les pays limitrophes, pays très pauvres aux économies fragiles que cet afflux risque d'entraîner dans de grandes difficultés politiques.
De plus, 800 000 personnes seraient déplacées dans le Kosovo, chassées de leur foyer et condamnées à errer dans les pires conditions, et cela dans leur propre pays.
Face à cette crise, la France, comme d'autres pays de l'Union européenne, a décidé d'accueillir des réfugiés. Mais il restera des dizaines de milliers de personnes déplacées à quelques kilomètres de leur région d'origine que l'on doit aider à attendre et à se préparer au retour dans les meilleures conditions possibles quand une solution politique sera trouvée. Il serait évidemment vain d'opposer l'accueil à l'aide sur place. Les deux sont indispensables et il est évident qu'il faut envisager l'aide à ces personnes dans la durée et pas seulement dans l'urgence.
Au moment où notre pays ouvre ses portes aux réfugiés, pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, l'action du Gouvernement, ici et là-bas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, la réponse de la France à la tragédie des réfugiés a été immédiate. Elle exprime un élan de solidarité marqué d'une générosité tout à fait exceptionnelle. Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler hier, lors du débat consacré au Kosovo, et il a remercié tous les acteurs - médecins, logisticiens, hommes et femmes de la sécurité civile, sapeurs-pompiers, militaires, responsables des organisations non gouvernementales - qui, sur le terrain, luttent avec acharnement pour alléger les souffrances de ces réfugiés. Nos concitoyens eux-mêmes ont manifesté leur solidarité en répondant aux appels de détresse qui leur ont été lancés et cela a permis de collecter un tonnage considérable de biens dont les réfugiés ont un pressant besoin.
A titre d'exemple, je rappellerai le départ, hier, de Marseille, d'un bateau, Le Fret-Aquitaine, emportant douze camions et 2 500 tonnes d'aide, surtout alimentaire. Ce bateau a été chargé gratuitement par les dockers de Marseille et plus de la moitié de sa cargaison correspond précisément aux dons des familles françaises collectés par la Croix-Rouge et acheminés par La Poste.
Le Gouvernement, pour sa part, a débloqué 225 millions de francs, dont 80 ont déjà été dépensés pour mettre en oeuvre un plan gouvernemental que nous voulons coordonner avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Ce plan, c'est d'abord la réponse à l'extrême urgence humanitaire. Le pont aérien mis en place a permis d'acheminer, depuis le 25 mars, 1 500 tonnes d'aide humanitaire. Les 200 rotations d'avions et les 86 rotations d'hélicoptères ont permis d'acheminer au plus près des réfugiés les denrées de première nécessité.
Mais, tandis que nous aménageons les camps pour réfugiés ainsi que les bases logistiques où peuvent s'approvisionner les ONG, afin d'ailleurs d'aider prioritairement les familles albanaises ou macédoniennes qui ont - ne l'oublions pas - accueilli d'abord, et dans leur grande majorité, les réfugiés, nous orientons notre action vers l'installation des réfugiés dans des camps dont nous assurons la charge, pour cinq d'entre eux en particulier, qui accueillent à environ 20 000 réfugiés et qui sont gérés par des ONG, sous l'égide du Haut-Commissariat pour les réfugiés.
D'autres actions, pour mobiliser des crédits moins importants, sont au moins aussi déterminantes. Je pense à celle qui est engagée pour réunir des familles disloquées. Une aide de 5 millions de francs a ainsi été mobilisée en faveur de Radio Kukës, une radio locale, de Télécom sans Frontière, de la Croix-Rouge et de Radio France de afin collecter les informations et les coordonnées des personnes qui se recherchent.
Je voudrais appeler ici l'attention des élus locaux, qui sont nombreux dans cet hémicycle, sur le fait que la question qui se pose dès à présent est celle du passage de l'humanitaire au développement. Il s'agit en effet désormais de remettre en état des infrastructures - écoles, services de santé, dispensaires - capables d'accueillir les réfugiés et d'aider les populations locales à mieux s'équiper. Cet effort, qui doit notamment être dirigé vers des petites villes dont la population a doublé, voire triplé, devrait mobiliser aussi les collectivités locales françaises. Nous entreprenons donc une concertation avec les grandes fédérations d'élus pour coordonner cette action et aider à la reconstruction de ces pays.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Notre aide, vous le savez, se traduit aussi par un soutien macro-économique. Nous avons décidé d'apporter une aide budgétaire à la Macédoine et hier, à Washington, lors d'une réunion consacrée aux Balkans, Dominique Strauss-Kahn a présenté la demande de la France pour que la Banque mondiale et l'Union européenne se coordonnent afin d'aider ces pays. Je rappelle que le Premier ministre, lors du voyage qu'il va effectuer sur place vendredi et samedi, pourra préciser et éventuellement compléter ce plan.
S'agissant de l'accueil en France, à la fin de cette semaine 2 000 réfugiés kosovars auront été accueillis chez nous dans des centres où ils auront pu bénéficier d'un bilan de santé avant d'être éventuellement placés chez les familles françaises qui en ont fait la demande. Tous sont dans un état de santé difficile. Mais tous, je tiens à le rappeler, veulent rentrer chez eux. Sans vouloir pousser plus loin la comparaison, je rappellerai que 85 % des réfugiés bosniaques sont retournés chez eux, seuls 10 % environ sont restés en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Serge Blisko
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : coopération
Ministère répondant : coopération
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 1999