politique à l'égard des retraités
Question de :
M. Jean Le Garrec
Nord (12e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
M. Jean Le Garrec. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Charpin, commissaire général au Plan, a remis le 29 avril dernier au Premier ministre son rapport sur l'avenir des retraites. Après un travail de concertation approfondi, qui aura duré presque dix mois, ce rapport d'une grande qualité établit un diagnostic, définit des indicateurs, esquisse des propositions.
M. Bernard Accoyer. On sait tout cela depuis dix ans !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Rocard l'avait déjà dit !
M. Jean Le Garrec. Le système des retraites par répartition est au coeur du contrat social auquel les Français demeurent légitimement très attachés. Sa réforme est indispensable si l'on veut garantir la pérennité de ce contrat. Elle nécessite un large débat que ce diagnostic concerté a vocation à éclairer.
Avant de déterminer les mesures qu'il conviendra de prendre, il est indispensable, fondamental, d'informer l'opinion publique: 61 % des Français se déclarent eux-mêmes mal informés. Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions très simples.
Premièrement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales auditionnera M. Jean-Michel Charpin le mardi 11 mai. Cette audition sera bien entendu largement ouverte. Le rapport de M. Charpin préconise la mise en place d'un observatoire permanent qui aura pour objet de suivre l'évolution des indicateurs dans le temps. N'est-il pas utile que cet observatoire soit mis à la disposition du Parlement afin d'apprécier des travaux que nous aurons à mener ?
Deuxièmement, pouvez-vous préciser à la représentation nationale le calendrier et la méthode qui présideront à la concertation, avant que le Gouvernement ne soumette ses propositions au débat ? Ce problème de fond concerne tous les citoyens; il interroge les Français, il inquiète. Il est de notre devoir de mener cette concertation avant que ne s'engage le débat sur les propositions de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, le rapport Charpin a effectivement été remis la semaine dernière au Premier ministre après des mois de concertation. Depuis octobre dernier, les différents régimes de retraite ont été étudiés en détail et l'ensemble des partenaires ont été consultés.
Hormis le fait que le diagnostic qu'il pose, largement partagé, permet d'ouvrir le débat public, l'on peut retenir de ce rapport plusieurs points qui doivent servir de base à la réflexion.
Tout d'abord, il montre que notre système de retraite par répartition est un bon système, qu'il n'a pas failli à ses objectifs et que nous devons aujourd'hui le consolider, car il a permis d'assurer la solidarité intergénérationnelle et le maintien, l'élévation même du niveau de vie des retraités, alors que ceux-ci vivaient dans la pauvreté juste après la guerre.
Le rapport décrit ensuite le choc démographique auquel nous allons être confrontés. En effet, non seulement - et c'est heureux - nous gagnons un an d'espérance de vie tous les quatre ou cinq ans, mais nous verrons bientôt arriver à l'âge de la retraite les générations du «baby boom». De ce fait, on comptera en 2040 sept personnes de plus de soixante ans pour dix personnes de vingt à soixante ans, contre quatre aujourd'hui. On mesure toute l'importance d'une telle évolution.
M. Michel Bouvard. Il ne fallait pas mettre la retraite à soixante ans !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le rapport montre enfin que notre système n'est pas en faillite et que, s'il est nécessaire d'engager une réforme avec détermination, nous devons la gérer avec tout le soin nécessaire pour la rendre globale et prendre en compte toutes les pistes susceptibles de traiter le problème de la retraite dans de bonnes conditions.
Ainsi en est-il du niveau de l'emploi et de la durée du travail, qui seront bien différents en 2010 et en 2020 de ce qu'ils sont aujourd'hui: on ne peut prétendre à la retraite au même âge après avoir bien moins travaillé que certaines générations encore en activité aujourd'hui après avoir connu des semaines de cinquante, voire soixante heures lors de leur arrivée sur le marché du travail.
Le Premier ministre a souhaité, conformément à la méthode qui est la nôtre, que nous engagions une concertation sur ces pistes. Il m'a chargée, en collaboration avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation et le ministre de l'équipement, des transports et du logement, d'engager dans les prochaines semaines une concertation sur les trois points suivants: partageons-nous le diagnostic ? Quelles sont les pistes à explorer ? Enfin, sachant qu'il faut également traiter la prise en compte de la dépendance, sujet majeur qui pose le problème des conditions de vie des retraités, comment entendons-nous travailler ensemble pour aboutir, dès la fin d'année, à des propositions pour réformer notre régime de retraite, qui pourront être mises en place dans le temps, en concertation, sans agir dans la précipitation ?
Comme proposé dans le rapport Charpin, le Premier ministre a décidé de mettre en place un observatoire des retraites. Ainsi que vous le souhaitez, celui-ci mettra bien évidemment sur la place publique et en premier lieu à la disposition du Parlement toutes les informations dont nous avons besoin pour traiter dans le temps le problème des retraites en prenant en compte les évolutions nécessaires.
Ce sujet, comme vous l'avez dit, représente pour les Français une préoccupation du même ordre que le chômage. J'ai la conviction que nous parviendrons, en prenant en compte les spécificités de chacun et en suivant une méthode de concertation appropriée, à mener les réformes nécessaires...
M. Bernard Accoyer. Vous ne faites rien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... pour continuer à garantir une évolution positive du niveau de vie des retraités et pour éviter que des générations déjà sacrifiées du fait du chômage ne le soient de nouveau demain, pénalisées par des retraites trop faibles ou des prélèvements trop élevés.
M. Laurent Dominati. Un observatoire, pour quoi faire ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous espérons bien bénéficier du soutien de l'ensemble de la représentation nationale sur ce sujet majeur pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean Le Garrec
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 1999