Corse
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 6 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre de la défense, les événements graves qui viennent de se produire en Corse (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et qui impliquent directement des officiers et des gradés de la gendarmerie nationale révèlent à l'évidence de sérieux dysfonctionnements.
Je n'oublie certes pas que ce n'est pas l'arme en tant que telle qui est mise en cause: ce sont d'ailleurs les constatations d'autres gendarmes qui, transmises à la justice, ont permis à celle-ci de diligenter une enquête, laquelle a été confiée par le procureur, puis par le juge d'instruction, à l'inspection technique de la gendarmerie nationale, secondée par la section de recherche d'Ajaccio. Il n'en reste pas moins qu'il est de votre responsabilité de tirer toutes les conclusions des manquements très graves qui sont maintenant établis.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les mesures concrètes que vous avez déjà prises et celles que vous comptez prendre pour réformer l'organisation de la gendarmerie nationale en Corse.
Par ailleurs, et plus largement, la gendarmerie est chargée sur l'ensemble du territoire national, conjointement avec la police, de participer à l'exercice de la police judiciaire et au maintien de la sécurité de nos concitoyens. A la lumière de ces événements et aussi, bien sûr, des réflexions que vous avez engagées, monsieur le ministre, comment voyez-vous dans l'avenir l'organisation de la gendarmerie pour qu'elle remplisse au mieux ses missions, dans le plus strict respect des lois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, l'implication de plusieurs gendarmes dans une infraction très grave est une lourde gêne, nous le savons tous, dans la défense de la loi, qui est et qui restera la mission éminente de la gendarmerie nationale, sous la responsabilité du Gouvernement.
Que ce comportement soit une aberration par rapport aux règles d'éthique et de droit qui encadrent l'action des gendarmes, une aberration par rapport à la conduite scrupuleuse qu'ils suivent en toutes circonstances, n'empêche pas que nous recherchions les améliorations, les réformes qui permettent de prévenir encore plus strictement de telles fautes individuelles. C'est l'objet de l'enquête que j'ai immédiatement demandée au général Capdepont, inspecteur général des armées, qui me remettra son rapport vendredi.
Trois actions doivent être impulsées.
D'abord, il faudra prendre les sanctions individuelles qui seront justifiées par les faits établis, selon la procédure disciplinaire qui sera scrupuleusement suivie. L'Assemblée doit savoir que les rares cas de faute personnelle dans la gendarmerie sont suivis de sanctions très sévères...
M. Michel Hunault. On sanctionne les lampistes !
M. le ministre de la défense. ... sur lesquelles je veille personnellement, car elles sont un élément indispensable du maintien de la confiance faite à l'institution.
Ensuite, le contrôle exercé sur les missions opérationnelles de la gendarmerie par sa direction générale - contrôle qui s'exerce a posteriori, comme vous le savez, puisque la direction générale n'exerce pas d'autorité d'emploi sur les unités - peut être encore amélioré, et nous allons y travailler dans le cas des missions qui sortent de l'activité quotidienne des unités.
A ce sujet, je dois rappeler que le contexte de travail des gendarmes comme des policiers en Corse est rendu beaucoup plus intense qu'ailleurs dans le pays par la persistance d'un risque élevé d'atteinte aux personnes: 421 attentats ou tentatives d'attentats ont été comptabilisés en 1995, 397 en 1996, et encore 301 en 1997. Voilà la situation qu'a trouvée notre gouvernement lors de son installation. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est dire qu'il y a bien dans ces deux départements des contraintes lourdes pour ceux qui assument au quotidien les charges de la sécurité des citoyens. (Mêmes mouvements.)
Mais dans ce cas, comme dans les autres situations où il y a surcharge dans les missions, il nous faut, c'est exact, réexaminer les mécanismes de contrôle et d'évaluation.
M. Charles Cova. Ce sont les lampistes qui trinquent !
M. le ministre de la défense. Nous ferons donc en ce sens des propositions bien étudiées, qui seront présentées à la représentation nationale.
Enfin, plus globalement, nous allons parachever un travail déjà engagé sur mes instructions...
M. Philippe Auberger. Il serait temps. Réveillez-vous !
M. le ministre de la défense. ... portant sur les procédures d'affectation et de formation des gendarmes, sous-officiers et officiers pour les emplois les plus sensibles.
La capacité de la gendarmerie à faire face à la délinquance sous toutes ses formes et à assister la justice dans ses enquêtes les plus difficiles demandent la poursuite de l'effort d'adaptation déjà engagée.
C'est l'esprit dans lequel le Gouvernement a, il y a peu de mois, créé, sur ma proposition, la direction des affaires juridiques au ministère, laquelle travaille quotidiennement avec la direction générale de la gendarmerie nationale.
C'est aussi la raison pour laquelle j'ai mis en place un conseil de prospective de la gendarmerie, instance pluraliste de haut niveau.
M. Philippe Vasseur. Nous sommes sauvés !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. le ministre de la défense. Je conclus, monsieur le président.
Dans cette instance, travaillent des magistrats, des avocats, des hauts fonctionnaires et des universitaires. Je demanderai à ce conseil de travailler dans un esprit d'indépendance aux améliorations des procédures d'affectation et de formation que je vais proposer. («C'est nul !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous sommes confrontés, nous sommes tous confrontés, notamment tous ceux qui siègent sur ces bancs, à la nécessité de continuer à faire progresser l'Etat de droit. Dans tous les domaines, c'est la politique du Gouvernement et il la mène solidairement.
La place de la gendarmerie dans l'action à mener doit être entière. Nous le devons à ces soldats de la loi, meurtris comme nous par les défaillances de leurs collègues. Nous défendrons donc fermement avec eux l'Etat de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 mai 1999