Question au Gouvernement n° 1324 :
Kosovo

11e Législature

Question de : M. Bernard Roman
Nord (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 12 mai 1999

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
M. Bernard Roman. Monsieur le Premier ministre, depuis sept semaines, la communauté alliée s'efforce d'empêcher l'irréparable au Kosovo. Contrainte par la résolution froide d'un dirigeant qui n'a pas hésité à jeter des centaines de milliers de personnes sur les routes, la France a dû, avec ses alliés, gérer la tragédie, insolite en Europe, d'un peuple, le peuple kosovar, chassé dans les pires conditions de sa terre.
Sommes-nous aujourd'hui à la veille d'un tournant ? Sommes-nous à la veille d'une évolution vers la diplomatie, d'un retour au Conseil de sécurité des Nations unies ? Les opérations militaires de l'OTAN sont-elles sur le point d'atteindre leur objectif et de ramener le gouvernement yougoslave à la table de négociation ?
Ces questions, nous pouvons nous les poser car, depuis quelques jours, les initiatives bienvenues se succèdent. Elles restent cependant difficiles à cerner. Le G 8, la semaine dernière, a rendu public un communiqué qui pourrait ouvrir les portes d'un compromis. La Russie, l'Allemagne sont quotidiennement sur le pont de la diplomatie. La Finlande, très sollicitée, paraît devoir jouer un rôle important dans la définition d'une force de sécurité acceptée par tous. La Serbie a annoncé hier un retrait de forces qui reste à confirmer et à préciser. La Chine, en dépit du bombardement inexplicable et profondément choquant de son ambassade, regretté par la France et par les alliés, étudierait en ce moment même le communiqué du G 8.
Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que l'ensemble de ces signes puissent être interprétés comme le prélude à une nouvelle étape qui pourrait, dans les jours qui viennent, annoncer la fin des opérations militaires et l'ouverture d'un processus de paix respectueux des accords de Rambouillet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radial, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, sommes-nous à la veille d'une nouvelle étape en ce qui concerne le conflit du Kosovo ? Je ne saurais le pronostiquer. Ce que je peux vous dire, c'est que nous y travaillons.
Par la détermination que l'Alliance continue à manifester dans les frappes contre les forces militaires et de répression serbes, par l'engagement clair que notre objectif de guerre est bien le retour des réfugiés et des déportés dans leur pays, un pays voué à la démocratie et où ils vivront en sûreté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), par la volonté de ne négliger aucune piste de caractère diplomatique qui permette d'avancer l'issue de ce conflit, nous préparons ce que vous espérez un prélude.
Demain, j'aurai à nouveau l'occasion de recevoir à Matignon les présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense.
Mais, puis-je, dès aujourd'hui, à l'Assemblée, donner quelques éléments à la réprésentation nationale ?
D'abord, je souhaiterais m'associer aux très profonds regrets que le Président de la République a exprimés hier, en Finlande, à l'intention des autorités chinoises, à la suite du bombardement dont l'ambassade de Chine a été victime par erreur. Un message de condoléances leur a d'ailleurs été adressé par le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, au nom des autorités françaises.
J'espère très profondément que cet accident malheureux ne remettra pas en cause les progrès substantiels qui ont été réaliséss au cours des huit derniers jours dans le champ diplomatique. Durant la semaine qui s'est écoulée, les ministres des affaires étrangères des Huit, après les directeurs politiques de ces mêmes huit pays, ont pu adopter, vous le savez, une importante déclaration commune énumérant sept principes généraux considérés comme nécessaires pour aboutir à une solution de cette crise:
Cessation immédiate et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo;
Retrait des forces militaires, de police et paramilitaires;
Déploiement dans la province d'une présence internationale civile et de sécurité efficace, endossé et adopté par les Nations unies;
Etablissement d'une administration intérimaire au Kosovo décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies;
Liberté et sécurité de retour au Kosovo pour l'ensemble des déportés et des réfugiés;
Processus politique pour établir un accord-cadre prévoyant une autonomie substantielle pour le Kosovo;
Approche globale du développement économique et social pour la stabilisation de la région.
Hubert Védrine est aujourd'hui à Moscou pour s'entretenir avec son homologue russe. Le 13 mai prochain, le Président de la République se rendra également dans la capitale russe pour y rencontrer son homologue, le Président Eltsine. Moi-même, les 24 et 25 mai, dans le cadre de la rencontre entre les deux premiers ministres et les deux commissions, j'aurai l'occasion d'aborder les problèmes du processus de paix, dans lequel la Russie jouera un rôle essentiel.
Les directeurs politiques des Huit sont désormais en train de travailler à l'élaboration d'un projet de résolution qui pourrait être déposé conjointement par les huit pays au conseil de sécurité des Nations unies, afin de fournir la base d'une issue politique à ce conflit, si les autorités serbes et M. Milosevic veulent bien accepter les bases raisonnables d'un compromis ou bien si nous les y conduisons par la force, et c'est la politique que nous menons.
Le secrétaire général des Nations unies s'est lui-même mobilisé. Il a désigné deux hauts représentants, M. Karl Bild et M. Eduard Kukan. Nous souhaitons que les travaux entrepris par la diplomatie russe se poursuivent et nous sommes prêts à lui voir jouer pleinement son rôle de partenaire.
Dans cette dynamique diplomatique - au sein de laquelle, d'ailleurs, la présence en Europe de M. Rugova, désormais libre, peut être un élément positif -, nous venons d'apprendre que les autorités serbes annonçaient un début de retrait au Kosovo. Nous avons pris connaissance de cette nouvelle avec attention, mais nous l'accueillons avec la plus grande prudence. D'abord, parce que, au moment où je vous parle, il n'y a nulle confirmation sur le terrain d'un réel retrait au Kosovo. Ensuite, parce que, instruits par l'expérience, nous savons que M. Milosevic n'a pas été avare de promesses qu'il n'a pas tenues; nous nous souvenons encore du siège de Sarajevo. Enfin, parce que, en tout état de cause, il ne s'agirait que de la réalisation, si elle était mise en oeuvre, d'une seule des conditions que la communauté internationale a mises à la solution du problème du Kosovo.
Détermination dans l'action militaire, ouverture pour rechercher une issue diplomatique, tout cela n'a de sens que si on le fait en direction des hommes et des femmes kosovars chassés de leur pays, en Macédoine, en Albanie, au Monténégro et ailleurs. Je renouvelle ici l'engagement solennel que nous les reconduirons chez eux, dans des conditions dignes d'une vie véritablement humaine. Je confirme que la France reste au premier rang de l'action humanitaire pour faire face à la situation d'urgence actuelle. Je rappelle enfin, comme le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères ont eu l'occasion de le dire au procureur du tribunal pénal international, Mme Arbour, que ce tribunal aura le soutien résolu de la France pour que, dans l'avenir, justice soit rendue aux victimes de la tragédie et pour que ses auteurs soient châtiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Roman

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 12 mai 1999

partager