Question au Gouvernement n° 1327 :
Corse

11e Législature

Question de : M. Hervé de Charette
Maine-et-Loire (6e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 12 mai 1999

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.
M. Hervé de Charette. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais à mon tour parler des conséquences de ce qui s'est passé en Corse il y a quelques semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Continuez comme ça !
M. Hervé de Charette. J'ai observé que la majorité n'aimait pas que l'on évoque ce sujet. Peut-être va-t-elle accepter que l'on en parle avec mesure, mais aussi avec sérieux et avec gravité. («Très bien !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré récemment que chacun était responsable de ses actes. Cette déclaration a une très grande importance, parce qu'elle détermine le contenu et les modalités de fonctionnement de notre démocratie. Malheureusement, je crains que, derrière ces mots, se cachent les efforts que multiplie le Gouvernement pour dégager sa propre responsabilité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Eh oui !
M. Hervé de Charette. Voilà pourquoi je tiens à vous interroger de nouveau sur le sens des propos que vous avez tenus.
M. Christian Bataille. Ce n'est pas sérieux !
M. Hervé de Charette. La responsabilité individuelle est une chose, la responsabilité politique, la responsabilité gouvernementale en sont une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Lorque l'on regarde les résultats des événements récents, on constate que deux corps essentiels au bon fonctionnement de notre République ont été ébranlés. Leur autorité, leur prestige et, par conséquent, leur capacité à agir sont désormais en cause. Les attentats ont repris et le débat sur l'indépendance de la Corse est de nouveau ouvert. Bref, nous avons devant nous un champ de ruines et il faut ajouter, monsieur le ministre, l'affaiblissement subi par votre propre gouvernement à cause de cette crise politique majeure.
J'ai donc deux questions à vous poser.
Lorsque les plus hauts fonctionnaires de l'Etat commettent des fautes dans l'exercice de leurs responsabilités, est-il établi que, dans notre République, les hommes politiques qui les nomment, qui les dirigent, qui ont la charge de les contrôler, n'ont aucune responsabilité en aucune circonstance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
De nombreux députés du groupe socialiste. Ouvéa ! Ouvéa !
M. Hervé de Charette. Par ailleurs, le Gouvernement est-il prêt à accepter que se tienne, dans cette assemblée, le débat qui me paraît nécessaire sur l'avenir de la Corse où l'incertitude a désormais remplacé la fermeté précédente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, quand un Premier ministre, quand un ministre de la défense, quand un ministre de l'intérieur, quand un gouvernement, à la suite d'actes graves de destruction, comme celle d'une paillote en Corse dans des conditions illégales, s'expriment devant l'Assemblée nationale, répondent aux questions, aux interpellations et aux critiques; quand la presse, à travers ses colonnes, établit des faits, souvent, formule des spéculations, parfois, interpelle, critique, débat; quand le Premier ministre juge qu'il est nécessaire de s'exprimer, plus massivement et en direct, devant nos concitoyens et le fait devant dix millions de personnes, face aux médias et aux caméras de télévision...
M. Claude Goasguen. C'est qu'il se sent mal !
M. le Premier ministre. ... ils sont en plein dans l'exercice de leurs responsabilités politiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Dominique Dord. Ils gèrent la crise !
M. Richard Cazenave. Il faut répondre aux questions !
M. le Premier ministre. Je souhaite que toute personne détentrice d'une autorité, ayant exercé des responsabilités, où que ce soit, soit prête à en assumer, devant l'opinion, la responsabilité politique, je dis bien politique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
C'est ce que j'ai fait. C'est ce que le Gouvernement a fait. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous semblez davantage gênés cette fois.
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. le Premier ministre. En ce qui concerne la nomination du préfet Bonnet, puisque c'est de cela dont il est question, je vous rappelle que ce haut fonctionnaire a été nommé préfet de Corse le 7 février 1998...
M. Richard Cazenave. Par qui ?
M. le Premier ministre. ... quelques heures après l'assassinat du préfet Erignac, parce que les autorités de l'Etat ont estimé que nous devions marquer immédiatement que l'Etat était à nouveau représenté symboliquement et physiquement en Corse par un préfet.
M. Alain Néri. Très bien !
M. le Premier ministre. Nous avons pris cette décision en quelques heures et Bernard Bonnet a été nommé en conseil des ministres sur proposition du ministre de l'intérieur avec l'acceptation du Premier ministre et celle du Président de la République. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - De nombreux députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants font mine d'ouvrir un parapluie.)
Mesdames, messieurs, la responsabilité est partagée par tous ceux qui prennent les décisions.
Pour le reste, le Gouvernement a laissé la justice exercer son action afin qu'elle établisse librement la vérité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Les Corses peuvent eux-mêmes se convaincre que, désormais, la loi s'applique à tous. Le fait que, dans des conditions exceptionnelles, un préfet et des gendarmes puissent être placés sous mandat de dépôt...
M. Pierre Lellouche. C'est pathétique !
M. le Premier ministre. ... montre en effet aux Corses que la loi est la même pour tous ! Nous serons donc d'autant plus fondés à demander qu'elle soit respectée par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
C'est ainsi que le Gouvernement fonctionne. Je pense que l'opinion le comprend ainsi. C'est elle que je veux pour juge de ma responsabilité politique et je n'ai pas peur de son jugement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Dominique Dord. Prétentieux !

Données clés

Auteur : M. Hervé de Charette

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 1999

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