Moyen-Orient
Question de :
Mme Martine David
Rhône (13e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 19 mai 1999
M. le président. La parole est à Mme Martine David.
Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, la très large victoire d'Ehud Barak et du camp progressiste, ce lundi, en Israël (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), semble constituer une vraie chance pour la relance du processus de paix avec les Palestiniens mais aussi dans tout le Proche-Orient, notamment au Liban et en Syrie, nations auxquelles nous lie une longue histoire.
Le Gouvernement, sans s'immiscer dans les affaires internes israéliennes, a toujours clairement soutenu toutes les initiatives allant dans le sens de l'apaisement des conflits et de la réconciliation, conformément aux accords d'Oslo. Quelles sont, selon vous, les perspectives qui sont ainsi rouvertes pour un rétablissement durable de la paix dans cette région du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la députée, le Gouvernement s'est naturellement gardé de s'exprimer pendant le processus électoral en Israël, même si vous n'avez pas de doute sur son inclination, mais, maintenant que le peuple israélien s'est exprimé, avec netteté et éclat, je peux vous donner mon sentiment personnel, moi qui ai déjà rencontré deux fois dans le passé M. Ehud Barak, et celui du Gouvernement, qui est la satisfaction et l'espérance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Bien sûr, notre relation d'amitié avec Israël transcende les alternances politiques.
Sans doute n'est-ce pas tout à fait par hasard si le peuple israélien a confié à un homme de gauche, M. Ehud Barak, le soin de sortir le pays de l'impasse et de l'immobilisme en ce qui concerne le processus de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'ailleurs, les questions économiques et sociales ont certainement joué un rôle dans le résultat des élections.
Pour autant, je suis convaincu que nous sommes très nombreux, et sur tous ces bancs, à nous réjouir de la victoire de M. Ehud Barak parce que nous espérons que ce sera la victoire du processus de paix entre Israël et les Palestiniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous espérons que ces élections conduiront à la relance du processus de paix et à la reprise d'un dialogue confiant avec les autorités palestiniennes et qu'elles donneront à Isarël la capacité de régler les contentieux qui existent avec ses voisins et au nouveau gouvernement, qui n'est pas encore constitué, la possibilité de s'appuyer sur une majorité solide destinée à soutenir une politique raisonnable afin d'aborder les difficiles problèmes auxquels devra faire face M. Ehud Barak.
Dans ces conditions, la multiplicité des réactions positives qui se sont exprimées dans toute la communauté internationale constitue un appui à ce message.
Je ne parlerai pas, madame la députée, des conséquences du vote des Israéliens même si elles sont importantes pour cette société complexe et intéressante à examiner, mais du grand défi qui attend M. Ehud Barak: le défi de la paix dans les relations d'Israël avec les Palestiniens, avec le Liban et avec la Syrie.
Vous le savez, face au blocage du processus de paix, notre pays n'est pas resté inactif. Vous connaissez les initiatives prises par le Président de la République française et par le président égyptien pour proposer des solutions si le blocage se poursuivait. Comme je l'ai dit au président Moubarak et au président Arafat lors de mon voyage récent au Caire, la France reste disponible pour aider à la relance de ce processus.
M. Lucien Degauchy Qu'elle s'occupe déjà de la Corse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !
M. le Premier ministre. La médiocrité, c'est la médiocrité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Pierre Lellouche. Quelle arrogance !
M. le Premier ministre. La déclaration de Berlin, adoptée à l'initiative de la France par les pays de l'Union européenne, le 26 mars dernier, a affirmé le droit des Palestiniens à l'autodétermination qui comprend le droit à créer un Etat, pour autant que cette création soit conforme aux conditions du processus de paix.
Les dirigeants de l'Autorité palestinienne ont fait preuve à nos yeux de sagesse et de réalisme en différant la déclaration de l'Etat palestinien comme nous le leur avions d'ailleurs suggéré.
Pour autant, madame la députée, il y a aujourd'hui urgence à reprendre le processus de paix car les Palestiniens, qui y ont mis beaucoup d'espoir, ont quand même jusqu'ici éprouvé beaucoup de désillusions. Et personne ne doute qu'un Etat palestinien démocratique serait un partenaire pour la paix et la stabilité dans la région.
Nous pensons et nous espérons que M. Ehud Barak, héritier d'Itzhak Rabin, fera revivre ce processus de paix.
En ce qui concerne les relations avec le Liban, M. Barak, pendant sa campagne, a affirmé sa résolution d'ouvrir dans un esprit positif le dossier épineux du Liban en respectant les textes des Nations unies. Dès l'annonce de sa victoire, hier soir, il a réitéré son engagement en se fixant une échéance d'un an pour le retrait des forces israéliennes au Sud-Liban. Cela répond à un souhait largement partagé au sein de la société israélienne. Cela réjouit tout particulièrement la France, dont l'amitié avec le Liban est aussi forte qu'ancienne.
M. Barak s'est également montré ouvert à la reprise du dialogue avec les Syriens sur la restitution du plateau du Golan afin de reprendre les processus engagés en 1996. Il y a là une preuve de sagesse parce qu'il est essentiel pour la paix dans la région qu'un dialogue nouveau soit noué entre Israël et la Syrie.
M. Pierre Lellouche. Ce ne sera pas grâce à vous !
M. le Premier ministre Enfin, s'agissant des relations bilatérales avec la France, je ne doute pas qu'elles connaîtront dans les prochains mois un nouvel élan. Le Gouvernement ne ménagera en tout cas pas ses efforts pour que se renforce l'amitié historique entre le peuple israélien et le peuple français, unis par une vision commune de la démocratie - je le rappelle - et par des valeurs humanistes et que rapproche depuis toujours une coopération vivante, notamment autour de la présence de notre langue dans ce pays.
Alors je suis sûr qu'avec la relance du processus de paix, viendra une nouvelle étape dans le rapprochement entre Israël et l'Union européenne. A l'occasion de la ratification de l'accord d'association, le Gouvernement a d'ailleurs bien l'intention d'engager un dialogue avec le Parlement pour une issue positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Auteur : Mme Martine David
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 1999