Question au Gouvernement n° 1369 :
Kosovo

11e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 26 mai 1999

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le président, avant d'aborder ma question, je veux dire que le groupe communiste se félicite, comme chacun ici, je présume, de l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir assassiné le préfet Erignac. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Il est en effet temps d'en finir avec les crimes non élucidés en Corse.
M. Renaud Muselier. Ailleurs aussi !
M. Alain Bocquet. J'en viens à ma question. Elle concerne la guerre au Kosovo.
Comme vous l'avez dit récemment, monsieur le président de l'Assemblée nationale, «une guerre qui dure est une guerre qui lasse». Force est en effet de constater qu'une guerre qui se voulait éclair est devenue une guerre qui s'enlise.
Il ne faut en rien céder à l'accoutumance et à la banalisation. Ce qui passe dans les Balkans est d'une très grande gravité. Rien ne dit encore aujourd'hui que ce conflit, qui a déjà fait trop de victimes, ne peut pas dégénérer.
Les semaines se suivent et se ressemblent. La diplomatie est active mais ne débouche pas. Le dictateur Milosevic sévit toujours aussi cruellement, avec autant de morgue. L'OTAN pèse toujours sur la situation avec autant de cynisme.
Chaque jour qui passe voit son lot de destructions, d'exactions et de victimes civiles innocentes, alors que se poursuit inlassablement l'exode de la population kosovare et que grandit le risque de voir une catastrophe écologique décupler les effets de la catastrophe humanitaire. Sans compter le coût financier de cette guerre !
Le risque d'une déstabilisation dramatique de la région des Balkans demeure lancinant. Il ne pourrait qu'être exacerbé si un engagement de combat au sol devait être décidé. On peut d'ailleurs se poser légitimement la question: qui a intérêt à installer un foyer durable de guerre en Europe ?
Au troisième mois des frappes aériennes, dont les effets demeurent limités au regard des objectifs annoncés, la question est bien de savoir aujourd'hui comment sortir enfin de cet enlisement.
Les dirigeants britanniques évoquent ouvertement la perspective d'une guerre totale, y compris avec intervention terrestre, ce qui semble confirmer que les buts de guerre ont bel et bien changé.
L'objectif doit être réaffirmé: permettre le retour des réfugiés dans un Kosovo disposant d'une autonomie substantielle garantie par la communauté internationale.
L'accord intervenu au G 8 est à cet égard un point d'appui. Il fixe le cadre d'une solution juste à la crise en offrant une porte de sortie à la partie serbe.
Cet accord a reçu un accueil positif de la communauté internationale. Des voix officielles à Belgrade ont même déclaré qu'elles estimaient acceptable l'esprit de la position commune. Il convient de ne rien négliger pour avancer sur le chemin difficile de la paix.
Dans ce contexte qui bouge, la suspension des frappes demandée par la Russie et la Chine, mais aussi par l'Italie, la Grèce et la Tchéquie, qui réclament une pause, faciliterait l'adoption rapide d'une résolution par le Conseil de sécurité des Nations-unies.
Qui mieux que l'ONU, qui a seule légitimité pour parler et agir au nom de la communauté internationale, peut faire entendre raison au régime serbe ?
Suspendre les frappes, c'est aussi lever tous les obstacles à un retrait significatif indispensable des forces serbes au Kosovo en mettant concrètement Milosevic au pied du mur. Ce geste significatif aiderait les forces démocrates serbes à reprendre l'initiative et à faire pression sur le dictateur. C'est d'ailleurs ce qu'elles nous demandent.
L'Europe joue aujourd'hui très gros. Elle n'aurait en effet rien à gagner à se laisser entraîner par Washington dans une dramatique impasse, dont elle paierait en définitive seule le prix fort. Elle ne saurait se dessaisir de ses responsabilités propres.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, le débat se poursuit, nous le savons, au sein de l'Alliance. Les dirigeants américains pèsent certes d'un poids considérable au sein de l'OTAN, mais une initiative forte de la France, qui est un des pays les plus impliqués au Kosovo, peut contribuer de manière décisive à débloquer la situation.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à demander, au nom de la France, une suspension des bombardements concomitante du retrait des forces serbes au Kosovo sous contrôle de l'ONU, pour que s'ouvent enfin les négociations et que se tienne une conférence internationale sur les Balkans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères, pour répondre à la question de M. Alain Bocquet, dans le cadre des dix minutes qui sont aujourd'hui imparties au groupe communiste.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, c'est grâce à l'action de sa diplomatie que, dès le début de la phase pendant laquelle dix-neuf pays démocratiques de l'Alliance atlantique ont décidé de recourir à l'action militaire, la France a réussi à faire acter par tous les pays concernés que la solution devrait être élaborée par et à l'intérieur du Conseil de sécurité.
Ce premier objectif a été atteint dès le début, il y a maintenant plusieurs semaines, et c'est dans ce cadre que nous travaillons. Cela signifie que nous avons à nous mettre d'accord - ce à quoi nous nous employons chaque jour dans un travail de longue patience mais qui progresse régulièrement - pour faire accepter par Belgrade les principes réexprimés par toutes les autorités internationales, principes qui vont de soi car on est forcément d'accord avec l'arrêt des exactions, le retrait des troupes et le retour des réfugiés.
Nous travaillons à l'administration future du Kosovo autonome - vous l'avez rappelé - et à l'organisation de la force, sans laquelle les réfugiés ne rentreront pas. Cela fait l'objet de discussions, d'une part, entre Occidentaux et, d'autre part, avec les Russes. Mais nous devrons combiner l'acceptation de la résolution par Belgrade, le vote de cette résolution et la suspension des frappes. Les pays auxquels vous avez fait allusion, qui sont comme nous à la recherche de cette solution, discutent de la séquence qui permettra d'ordonner ce résultat. Nous ne sommes pas encore en état de voter la résolution, mais je peux vous dire que toutes les discussions de cette semaine vont tourner autour de ce sujet.
Monsieur le député, nous avez cité également la conférence sur les Balkans. Vous avez tout à fait raison: notre solution pour le Kosovo, solution à laquelle nous voulons donner la force et la légitimité d'un engagement de toute la communauté internationale, s'inscrira dans le cadre d'une politique d'ensemble pour les Balkans, comprenant non seulement une Yougoslavie démocratique, mais aussi l'ensemble des pays qui la bordent.
Aujourd'hui, tous les pays voisins de la Yougoslavie nous demandent de ne surtout pas accepter de distinguer ces trois éléments: l'acceptation par Belgrade des cinq points, le vote de la résolution et la suspension. Ces trois éléments forment un tout, mais ce «tout» est aussi une solution.
Comptez sur nous pour intégrer cette solution dans une vision à long terme de l'ensemble des pays des Balkans, en traitant chaque cas particulier: le Kosovo, mais aussi les pays voisins.
La diplomatie est au travail. Je ne peux pas vous en dire plus, parce que le résultat n'est pas là. Mais vous pourrez suivre jour après jour - et vous le pourrez encore cette semaine - la façon dont nous travaillons avec les Russes, les Allemands, les Anglais, les Italiens et également les Américains, qui, en réalité, sont aussi à la recherche de ce type de solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Maxime Gremetz et M. François Liberti. A quand l'arrêt des bombardements ?

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 1999

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