oiseaux
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 27 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Ma question s'adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, la colère des chasseurs dans un nombre important de nos départements est grande et risque d'exploser. Et les chasseurs ont raison. (Applaudissements sur divers bancs.) La loi de 1998 concernant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse est, en effet, une mesure d'urgence qui ne saurait durer. Il est donc nécessaire de trouver une solution d'avenir pour préserver le droit républicain issu de la Révolution française et ancré dans les traditions qu'est le droit de chasse pour tous. («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Or, parce que le Gouvernement n'a pas engagé une négociation sur la base d'un dossier solidement établi, la France risque à tout moment d'être condamnée par la Cour européenne de justice.
M. Jacques Myard. Oui, c'est scandaleux !
M. Maxime Gremetz. De plus, l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 29 avril, en jugeant contraire aux droits de l'homme la loi Verdeille, remet en cause une loi qui permet pourtant de gérer la faune sauvage sur une surface significative.
Enfin, le dernier coup porté au droit de chasse date de la semaine dernière. Le Conseil d'Etat a annulé une circulaire de l'Office national de la chasse, supprimant le droit de chasser aux heures crépusculaires, autrement dit les volées du soir et du matin. C'est le début, si nous laissons faire, de la remise en cause du droit séculaire de chasser le gibier d'eau la nuit. (Applaudissements sur les mêmes bancs).
Cette mise en cause de la tradition reconnue par la loi française qui en fixe les dates d'ouverture et de fermeture aurait des conséquences dramatiques pour le sport et le loisir de centaines de milliers d'hommes, de femmes, de jeunes, qui investissent beaucoup. Elle aurait aussi des effets en termes de développement durable. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Monsieur le Premier ministre, les groupes de chasse de l'Assemblée nationale et du Sénat vous ont demandé unanimement d'être reçus pour examiner avec vous les solutions - et elles existent - visant à protéger, tout en préservant la nature et les espèces, le droit inaliénable de la chasse pour tous et non pour quelques-uns.
M. Arthur Dehaine. Très bien !
M. Maxime Gremetz. Ma question est donc simple. Quand, monsieur le Premier ministre, puisqu'on nous a indiqué que le dossier est sur votre bureau, («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), nous, députés de toutes sensibilités, allons-nous pouvoir débattre de la position de la France sur cette importante question ? C'est indispensable pour engager avec la Commission européenne un vrai dialogue ayant toutes les chances d'aboutir.
Monsieur le Premier ministre, j'attire votre attention sur l'urgence de cette élaboration commune, en étroite liaison avec les fédérations de chasseurs et les représentants des associations de défense de la nature.
M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur Gremetz ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Fromion. Cette question est très importante !
M. Maxime Gremetz. Ce droit démocratique doit, comme tous les droits, être respecté et préservé dans les conditions d'aujourd'hui, en France et en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, vous avez rappelé différentes décisions de justice relatives à des contentieux engagés avant l'installation du Gouvernement et de la majorité. La loi de 1998 était une tentative pour répondre à des contentieux qu'une loi précédente de même aspiration - celle de juillet 1994 - n'avait pas réussi à régler. Les décisions de la Cour européenne de justice sont venues confirmer que là ne se trouvait pas la solution. L'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme relatif à la loi Verdeille fait suite à des contentieux engagés en 1994 et 1995. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Quant à la décision récente du Conseil d'Etat, elle concerne une décision de l'Office national de la chasse du mois de juillet 1996.
Sur tous ces sujets difficiles, j'ai engagé, depuis mon arrivée au ministère, une concertation avec l'ensemble des partenaires concernés, j'insiste sur ce point. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Maxime Gremetz. C'est faux !
M. René André. Ce n'est pas vrai !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En effet, aucune solution ne peut être trouvée sans compromis entre les associations de défense de la nature et les chasseurs.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Personne ne vous croit !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est parce que de tels compromis existent dans la plupart des autres Etats membres de l'Union que de tels contentieux ont pu être évités. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Je me suis engagée dans cette démarche sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse dès l'été 1997. A l'époque, les représentants du monde de la chasse n'ont pas souhaité discuter sur un compromis, alors que les associations de protection de la nature étaient prêtes à donner leur accord.
M. Jacques Myard. C'est faux !
M. Arnaud Lepercq. De toute façon, elles ne sont pas représentatives !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Depuis lors, les procédures ont suivi leur chemin à Bruxelles. Conscient de cette situation, le monde de la chasse a accepté de reprendre le dialogue au début de l'année.
Un groupe de scientifiques, présidé par le professeur Lefeuvre, rassemble tous les éléments disponibles concernant le bilan de la reproduction et de la migration des oiseaux pour proposer un compromis aux chasseurs et aux associations.
M. Maxime Gremetz. Et nous alors ?
M. Arnaud Lepercq. De toute façon, c'est du vent !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce compromis permettra au Gouvernement français de négocier avec la Commission de Bruxelles des dérogations aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux migrateurs. Elles seront fixées dans des conditions qui les rendront compatibles avec la directive communautaire sur ce sujet.
Un autre groupe de travail réfléchit au statut de la garderie et aux relations entre l'Office et les fédérations.
Enfin, je prends acte de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme relative à la loi Verdeille. J'ai eu souvent l'occasion de dire que c'était une bonne loi cynégétique, mais qui négligeait le droit de propriété et d'association, ce que nombre de chasseurs reconnaissent d'ailleurs. («Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Les articles concernés et pointés par la Cour européenne doivent être modifiés. Comme sur les autres sujets, il s'agit d'engager le dialogue avec l'ensemble des partenaires pour définir les adaptations nécessaires.
Sur ce sujet, comme sur celui de la chasse de nuit, il me paraît difficile, monsieur le député, d'invoquer les acquis de la Révolution. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, la loi du 30 avril 1790 précisait: «Il est défendu à toute personne de chasser en quelque temps et quelque manière que ce soit sur le terrain d'autrui sans son consentement.»
De même, l'interdiction de la chasse de nuit n'est pas un droit séculaire. Elle est interdite depuis 1669; la loi du 3 mai 1844 l'a réaffirmé. L'interdiction de chasser entre le coucher et le lever du soleil a fait progressivement l'objet d'interprétations souples. On est passé d'une tolérance de quelques minutes le soir et le matin à des tolérances de plusieurs heures. Le Conseil d'Etat a souligné l'inégalité de ce dispositif, tout comme il a souhaité mettre l'accent sur l'interdiction maintenue de l'éjointage - section des tendons des ailes qui interdit de façon définitive le vol des oiseaux. La tolérance, là encore, doit être revue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Chasse et pêche
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 1999