sécurité alimentaire
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 10 juin 1999
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous adresser cette question puisque, je le déclare avec une certaine gravité, non seulement M. Glavany et Mme Lebranchu n'ont pas répondu aux questions qui leur ont été posées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) mais, de surcroît, leurs propos sont de nature à induire les Français en erreur.
M. François Sauvadet. Tout à fait !
M. Pierre Lellouche. Permettez-moi donc de vous rappeler les faits, monsieur le Premier ministre.
La découverte de la contamination par la dioxine en Belgique remonte au 3 mars. Le 19 mars, le ministère de l'agriculture belge a ordonné une enquête. Le 26 avril, la présence de dioxine est confirmée dans la marchandise livrée par la société Verkest. Le ministère belge de l'agriculture demande alors aux éleveurs de cesser leurs livraisons.
Une semaine plus tard, c'est-à-dire le 3 mai, un fax est envoyé par l'ingénieur directeur Vandersanden de l'inspection générale des matières premières du ministère de l'agriculture à Mme Dominique Girault, inspecteur principal des fraudes, chargée de la section alimentation animale à la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes du ministère de l'économie et des finances.
Pour des raisons que nous ignorons, et sur lesquelles j'aimerais que vous vous expliquiez vous-même, vous avez considéré que les informations contenues dans ce fax étaient - je cite les propos de M. Glavany - « banales et rassurantes ». (« Oh ! », sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il vient d'ailleurs d'ajouter que « l'incident était clos en fonction de ce qui était écrit dans ce fax ». Ce n'est donc qu'un mois plus tard que vous avez commencé à prendre des mesures sur le territoire national.
Ce fax, monsieur le Premier ministre, je l'ai en ma possession. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En voici la teneur, dans son intégralité, afin que chacun puisse juger de son interprétation :
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en Belgique, nous avons retrouvé une contamination assez importante de dioxine dans un aliment pour poules reproductrices. Au stade actuel de notre enquête, nous pensons que cette contamination est probablement liée à une livraison de graisses animales contaminées datant du 19 janvier 1999, en provenance de la firme Verkest, à Gramenne. Le contrôle de la comptabilité indique une livraison datée du 21 janvier 1999 (facture 990049 du 25 janvier 1999) vers la société Alimex à Marchezays, dans l'Eure-et-Loir.
« Suite à l'enquête, nous avons de fortes raisons de penser que la contamination provient d'un accident ponctuel et donc que les livraisons postérieures au 19 janvier 1999 ne devraient pas poser de problème. Je tiens néanmoins à vous informer de la constatation faite. »
Tel est le contenu de ce fax. Il en ressort nettement que l'affaire n'est ni banale, ni rassurante, ni close. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Didier Boulaud. Manipulateur !
M. Alain Calmat. N'importe quoi !
M. Pierre Lellouche. Mes chers collègues, j'ai vérifié auprès de la société Alimex la réalité de ces livraisons, comme cela aurait dû être fait par vos services, monsieur le Premier ministre, il y a plus d'un mois. La société Alimex, filiale de la société belge Versele Laga, dont l'une des trois usines en Belgique est d'ailleurs mise en cause dans la contamination par la dioxine, confirme qu'elle a effectivement reçu - tenez-vous bien ! - vingt-cinq tonnes de graisse animale en janvier dernier.
J'ai dans les mains un fax de cette société. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Encore !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Lellouche. Je sais que cela vous gêne, mais les Français ont le droit à la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Didier Boulaud. Demandez à Sarkozy ! Il va vous dire la vérité !
M. Pierre Lellouche. Le fax de la société Alimex indique que ce lot de vingt-cinq tonnes de graisse a été utilisé depuis longtemps, et que les produits ont dû être consommés.
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, je veux vous poser au nom du groupe RPR les questions suivantes :
Premièrement, par quelle négligence un fax aussi explicite du ministère belge a-t-il pu être ignoré et enterré par les services qui dépendent de vous ? Comment le ministère de l'agriculture peut-il prétendre que c'est seulement le 28 mai que la France aurait été avertie du danger ? Ne sommes-nous pas, là encore, en présence d'un dysfonctionnement majeur du fonctionnement du Gouvernement et de l'administration ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Alain Calmat. Nous ne sommes pas à Cannes ! Arrêtez de faire du cinéma !
M. Pierre Lellouche. Deuxièmement, pour quelles raisons les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme n'ont-elles pas été respectées ? Cette loi prévoit notamment la création d'une agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA. Pourquoi cette dernière n'a-t-elle pas été informée du fax du 3 mai en vertu de l'article 9 de la loi du 1er juillet 1998 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe communiste. Ca suffit !
M. Pierre Lellouche. Troisièmement, pouvez-vous nous dire combien d'exploitations ont été touchées par les livraisons de la société Alimex avant le 3 mai et entre le 3 mai et le 4 juin ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres.)
M. Bernard Birsinger. Envoyez un fax !
M. Pierre Lellouche. Quatrièmement (Mêmes mouvements), votre majorité est-elle prête à accepter une commission d'enquête parlementaire sur tous ces points, comme l'a proposé notre collègue Jean-François Mattéi ?
Cinquièmement (Vives protestations sur les bancs, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres)...
M. le président. Concluez, s'il vous plaît.
M. Pierre Lellouche. ... s'agissant du volet européen, qu'attendez-vous pour interdire toutes les farines animales et mettre en place un système de veille au niveau européen ?
Telles sont les questions que nous nous posons, monsieur le Premier ministre. Merci d'y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. (Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le député, je comprends que, à propos d'une affaire qui aurait pu être grave,...
M. Pierre Lellouche. Vingt-cinq tonnes, madame !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. ... vous posiez des questions importantes auxquelles je tiens à répondre.
Le fax dont vous avez fait état est un document public.
M. Pierre Lellouche. Depuis quand ? Depuis que je l'ai lu !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Il a d'ailleurs été diffusé par M. Glavany il y a plus de dix jours.
Je vous rappelle, monsieur Lellouche, parce qu'il s'agit d'une affaire importante dont il faudra que nous tirions toutes les conséquences (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), que ce fax précise que la livraison en cause a été reçue le 21 janvier et que les livraisons postérieures au 19 janvier ne posent pas de problème. Nous ne pouvons donc pas demander aux fonctionnaires qui ont reçu ce fax d'en changer les dates sous prétexte qu'elles remontent à plusieurs mois.
Avec le recul et au vu des événements qui se sont déroulés, il est facile de dire aujourd'hui que la personne qui a reçu ce fax aurait dû ne pas tenir compte des dates. Or ce n'est que depuis dimanche dernier, monsieur le député, que les autorités belges ont précisé que la date donnée sur leur fax est fausse. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il y a effectivement eu erreur ou mauvaise information de leur part. (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. S'il vous plaît.
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. J'ajoute que les autorités hollandaises et tous les services qui ont reçu la même information ont eu la même attitude. (Protestations sur les mêmes bancs.) Nous avons simplement oeuvré tous ensemble pour fixer des limites à la loi du marché et pour que, à compter du 1er janvier 1999, soit instituée, entre les pays européens, une procédure d'alerte.
Je regrette comme vous et comme nos collègues belges, y compris d'ailleurs les directeurs d'administration, qu'une procédure d'alerte n'ait pas été déclenchée avant la fin du mois de mai.
M. Pierre Lellouche. C'est toujours la faute des autres !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. La Commission européenne a décidé de tirer les conséquences de ce constat par rapport aux autorités belges.
Le 7 juin nous avons répondu aux commissaires européens, en particulier à Mme Bonino, pour expliquer nos démarches. Hier, lors de la tenue du conseil des ministres de la santé, il a été donné acte aux Français et aux Hollandais que leur action avait été bien menée.
Si cette procédure européenne d'alerte concernant des accidents de ce type a été mise en place à compter du 1er janvier 1999 à la demande de quelques ministres de la consommation et des ministres de l'agriculture et de la santé français, c'est parce que nous sommes malheureusement obligés de constater que, à force de vouloir trop libéraliser le marché (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) on finit par faire n'importe quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous demandez aujourd'hui, monsieur le député, - je ne sais pas si c'est au nom de l'ensemble de l'opposition - que l'on arrête la fabrication des farines animales. Or je me souviens que lorsque a été instaurée la taxe d'équarrissage...
M. François Fillon. Cela n'a rien à voir !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. ... pour financer le chauffage des farines animales, l'opposition a estimé qu'il s'agissait d'une mesure excessive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Mensonge !
Trois mois après vous demandez que l'on interdise cette fabrication alors que nous avons pris des mesures pour l'assurer dans des conditions de sécurité plus strictes que celles qui étaient exigées à l'époque. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
C'est ça l'intérêt général. C'est ça la protection des consommateurs alors que le libéralisme est dangereux, monsieur Lellouche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Arnaud Lepercq. Des taxes, toujours des taxes !
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : PME, commerce et artisanat
Ministère répondant : PME, commerce et artisanat
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juin 1999