Question au Gouvernement n° 1472 :
politique à l'égard des retraités

11e Législature

Question de : M. Francis Delattre
Val-d'Oise (4e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 24 juin 1999

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le Premier ministre, vous venez de déclarer solennellement que le grand soir des retraites n'était pas pour demain.
Depuis dix ans, en fait depuis le rapport Rocard, nous assistons à une escalade verbale sur ce dossier difficile; mais aucune décision à l'horizon ! Or la situation est connue de tout le monde: nous avons, tous les ans, 110 000 retraités supplémentaires; à partir de 2005-2006 ils seront 250 000 et, en 2040, un Français sur trois sera en retraite alors que nous en sommes actuellement à un Français sur cinq.
Il est évident qu'il faut prendre des décisions. Si rien n'est fait, elles devront être prises dans l'urgence en 2005 et elles risquent, de ce fait, de ne pas être les mieux adaptées à la situation.
Or, depuis deux ans, monsieur le Premier ministre, qu'a fait votre gouvernement ? («Rien !» sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Didier Boulaud. Il a fait baisser le chômage, c'est déjà pas mal !
M. Francis Delattre. Il a pris une décision, il a enterré une promesse électorale et il a commandé un rapport au commissariat au Plan.
D'abord, la décision: vous avez décidé de rendre inapplicable la loi dite Thomas...
Mme Odette Grzegrzulka. Scandaleuse !
M. Francis Delattre. ... qui ouvrait, à côté des retraites par répartition, la possibilité pour tout un chacun d'une retraite par capitalisation. Ce qui a eu pour dégât collatéral, auquel vous semblez, monsieur le Premier ministre, rester insensible, que 40 % du capital boursier des grandes entreprises françaises sont désormais entre les mains des fonds de pension américains.
Deuxième décision ou plutôt non-décision, l'enterrement de la promesse électorale. Vous n'avez pas cru devoir, contrairement à ce que vous aviez annoncé, indexer les retraites sur les salaires. Elles restent indexées sur les prix, ce qui d'ailleurs nous semble sage, mais qui - il faut le savoir - distingue la droite de la gauche,...
M. Christian Bourquin. La question !
M. Francis Delattre. ... car nous sommes bien incapables de faire des promesses aussi intenables !
Enfin, vous avez commandé un rapport à M. Charpin. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delattre.
M. Francis Delattre. Elle va venir, la question ! Le rapport Charpin envisage trois scénarios, et l'Assemblée nationale aimerait bien connaître celui vers lequel vous allez vous orienter.
Si vous ne faites rien, les retraités verront progressivement leurs revenus amputés d'environ 40 %.
Si vous augmentez les cotisations, il faudra faire un effort de l'ordre de 50 %, puisqu'il s'agit de trouver 300 milliards. Comme le revenu disponible des salariés français est déjà l'un des plus altérés, cela semble bien difficile.
Enfin, il y a la solution qui semble avoir la préférence de M. Charpin. Elle consiste à dire que, la retraite à soixante ans, c'est fini, et qu'il faudra bien augmenter la durée des cotisations et la porter - pour tous, cette fois - à quarante-deux ans et demi.
M. le président. Posez votre question, s'il vous plaît.
M. Francis Delattre. Ma question est extrêmement simple. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) De ces trois scénarios, lequel sera suivi par le Gouvernement ? Etes-vous déterminé à réduire l'inégalité profonde et croissante des Français devant la retraite ? Sinon cela différencierait encore davantage l'opposition de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je vous rassure: il n'y a sur ce sujet, comme sur aucun autre, aucune escalade verbale. Le Gouvernement applique strictement la méthode que le Premier ministre a définie: diagnostic, concertation, décision.
En ce qui concerne les retraites, le rapport Charpin, sans doute pour la première fois, dresse, en effet, un bilan complet de la situation dans le secteur public et dans le secteur privé, en prenant en compte les efforts des salariés, le contrat social dans lequel il s'inscrit, mais aussi les difficultés qui vont être les nôtres.
Je remarque que ce bilan conforte l'idée que les retraites par répartition doivent être la base de notre système, et donc la décision prise par le Gouvernement de ne pas poursuivre l'application de la loi Thomas qui visait à remplacer les retraites par répartition par des retraites par capitalisation. («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Pour ce dossier comme pour les autres, sans céder au catastrophisme ni à la précipitation, nous prendrons les décisions qui s'imposent en les replaçant dans leur contexte global.
Car les personnes âgées sont confrontées aujourd'hui à plusieurs problèmes: le niveau de leur retraite, mais aussi la prise en charge de la dépendance et leur place dans la société. J'ajoute que beaucoup de salariés sont inquiets car ils ont commencé à travailler tôt dans des emplois pénibles et ils sont usés par le travail.
C'est l'ensemble de ces éléments que nous devons prendre en compte pour trouver des solutions. Celles-ci ne tarderont pas, soyez-en assuré, mais elles seront mises en place progressivement.
M. Bernard Accoyer. Normalement, ça devrait déjà être fait !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Car encore une fois - et vous êtes bien payés pour le savoir - c'est en prenant des décisions selon cette méthode et non pas dans un bureau, de manière technocratique, qu'on règle les problèmes de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Francis Delattre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juin 1999

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