Question au Gouvernement n° 1473 :
politique fiscale

11e Législature

Question de : M. Félix Leyzour
Côtes-d'Armor (4e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 24 juin 1999

M. le président. La parole est à M. Félix Leyzour.
M. Félix Leyzour. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Au moment où la réflexion est déjà engagée pour la préparation du budget de l'an 2000, le magazine économique américain Forbes vient de publier la liste des 460 personnes les plus riches du monde. Il ressort de cette enquête que les grandes fortunes françaises se portent bien.
Madame de Bettencourt,... («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Eh oui, encore elle !
... PDG de l'Oréal, reste en tête avec 83,5 milliards de francs ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'observe que vous connaissez le sujet !
Elle précède Gérard Mulliez du groupe Auchan-Flunch-Décathlon dont la valeur du portefeuille s'élève à 59 milliards de francs,...
M. Bernard Accoyer. La grande distribution !
M. Félix Leyzour. ... François Pinault du groupe Printemps-La Redoute-FNAC avec 38,5 milliards de francs, la famille Seydoux du groupe Gaumont-Pathé avec également 38,5 milliards de francs.
Je ne cite que les premiers de la classe sur les quelque 200 000 personnes disposant d'un patrimoine supérieur à 4,7 millions de francs.
On sait qu'avec la hausse de la Bourse et la reprise du marché immobilier, les patrimoines ont bénéficié à plein du retour de la croissance.
M. Yves Fromion. Qui est-ce qui a privatisé ?
M. Félix Leyzour. Ils ont même progressé plus vite que la croissance elle-même et l'écart s'accroît entre les plus riches et la grande masse des Français.
Dans la loi de finances de 1999, des mesures ont été prises qui ont permis déjà d'augmenter le produit de l'impôt sur les grandes fortunes. L'évolution des patrimoines que je viens d'évoquer montre qu'il y a encore de la ressource et que le dossier de l'impôt sur les grandes fortunes, comme celui de l'impôt sur les sociétés, mérite d'être rouvert, si nous voulons que la fiscalité conjugue justice et efficacité au service de l'emploi, de la formation, de l'enseignement et de la santé, au lieu de nourrir la spéculation.
Je le dis avec d'autant plus d'insistance que nous apprenons que, vendredi prochain, lors de la réunion de la commission nationale de la négociation collective, le SMIC serait revalorisé de l'obligation légale mais qu'il ne bénéficierait d'aucun coup de pouce.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, au vu de ces derniers éléments connus, nous indiquer si vous êtes disposé à ouvrir de nouveau le dossier de l'ISF et à engager le débat sur cette importante question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je veux d'abord vous remercier d'avoir salué les efforts que la majorité tout entière, et le Gouvernement avec elle, ont fait depuis deux ans pour renforcer notre impôt de solidarité sur la fortune afin de le rendre plus juste et de le faire plus largement contribuer à la solidarité.
Les mesures qui avaient été prises ne sont pas rien, et il faut que nous attendions de savoir le rendement atteint cette année pour en faire l'analyse avec exactitude. Je vous rappelle que nous avons, que vous avez, car c'est la majorité qui a voté cela - ce qui n'est pas le cas de l'opposition - intégré dans le barème la surtaxe de 10 % de façon définitive. Nous avons augmenté le taux de la tranche supérieure d'encore 10 %, ce qui frappe directement les 800 familles les plus riches dont vous n'avez cité que les plus importantes. Nous avons durci les règles du plafonnement en matière de paiement et supprimé les possibilités de réfaction de 20 % pour les résidences secondaires. Nous avons, tous ensemble là aussi, soumis à l'ISF les biens immobiliers possédés par des non-résidents. Nous avons révisé les règles qui permettaient de soustraire des dettes de l'actif, ce qui était à l'origine de quelques scandales qui avaient ému l'Assemblée nationale. Nous avons aussi, ensemble, révisé la manière de calculer la valeur vénale des biens immobiliers occupés, de façon qu'ils n'échappent pas à l'ISF.
Ces mesures découlent très largement d'une proposition de loi qui avait été déposée par le groupe communiste et dont le premier signataire était M. Robert Hue. Elles sont maintenant intégrées dans notre législation et nous allons, en 1999, en voir les effets. Elles devraient conduire à une augmentation du rapport de l'ISF de l'ordre de 30 %. Ainsi, depuis 1997, car il y avait déjà eu des dispositions en ce sens dans la loi de finances précédente, le rendement de l'ISF aura augmenté en deux ans de quelque 50 %.
M. Jean-Claude Sandrier. Cela représente combien ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De 10 à 15 milliards de francs.
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas beaucoup !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans le même temps, nous avons modifié l'impôt sur le revenu du capital, monsieur Gremetz, il faut en tenir compte aussi. De ce fait, grâce notamment à l'application de la CSG aux revenus du capital, 25 milliards supplémentaires rentreront dans les caisses de l'Etat.
Nous avons, par conséquent, opéré un rééquilibrage important de notre fiscalité, mais il nous est évidemment loisible de l'examiner à nouveau.
Ce que je vous propose, monsieur le député, c'est que nous attendions les résultats de l'ISF 1999 - les déclarations viennent d'être remplies, les paiements interviendront bientôt - pour faire une analyse exacte de la situation. A partir de quoi nous verrons ce qu'il convient de faire. Bien entendu, dès que ces informations seront connues, le Gouvernement s'engage à les communiquer à la commission des finances et au Parlement dans son ensemble, de façon qu'un bilan complet de ce qui a été fait au cours de ces deux premières années de la législature pour rééquilibrer la fiscalité du travail et la fiscalité du capital puisse être correctement établi. Il faut que la majorité puisse voir le travail accompli et constater que le Gouvernement remplit un de ses plus importants engagements électoraux. En effet, - et si je ne vous en donne pas la primeur, du moins est-ce la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet à l'Assemblée - le résultat est que les 10 % des Français les plus riches ont vu leurs impôts augmenter au cours de ces deux ans et que les autres, les 90 %, ont vu les leurs plutôt diminuer - légèrement, c'est vrai - grâce aux baisses de TVA, et grâce à la CSG, car n'oublions pas que le transfert des cotisations sociales vers la CSG a été l'origine d'un gain de pouvoir d'achat pour les salariés de 1,1 %.
Je vous donne donc rendez-vous dès que nous aurons l'information sur les mesures qui ont été prises dans la dernière loi de finances pour discuter de la façon dont il faut envisager l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Félix Leyzour

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôt de solidarité sur la fortune

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juin 1999

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