sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Marc-Philippe Daubresse
Nord (4e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 1999
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre de l'intérieur, jour après jour, l'actualité confirme la montée de l'insécurité et des violences urbaines. Après Vauvert, c'est la Plaine-Saint-Denis, Corbeil, Nancy, Lille... Bref, aucune parcelle de notre territoire n'est désormais épargnée par cette épidémie.
Ce matin, dans un grand quotidien national, le député socialiste Julien Dray présentant le livre important qu'il a écrit sur la question confirmait que le «caïdat» s'est installé dans les cités, par le biais d'un trafic très important et d'une guerre de territoires organisés par des bandes qui désormais n'hésitent plus à faire usage des armes à feu.
Hier, monsieur le ministre, vous avez indiqué, en répondant à l'un de nos collègues du groupe du RPR - et c'est la raison de ma question -, que ce phénomène avait un caractère qualitatif, qu'il y avait certes une reprise de l'insécurité, mais que les chiffres étaient en baisse de 0,43 %.
Or j'ai découvert avec stupeur une note de service adressée le 9 février dernier par la direction centrale de la sécurité publique aux directeurs départementaux de la police, qui demande de prendre en compte, pour les statistiques de la violence urbaine, «une définition limitative et circonscrite à tout acte violent commis contre des biens, des personnes ou des institutions par des individus jeunes agissant ou soupçonnés d'avoir agi en groupe d'au moins trois individus».
Si, pour constater et pour comptabiliser officiellement dans les statistiques un acte de violence urbaine, les services de police doivent attendre qu'un tel acte - par exemple, l'incendie d'un autobus ou le démantèlement d'un abribus - ait été commis la nuit par un groupe de trois personnes qu'ils ont réussi à appréhender, je comprends pourquoi les chiffres officiels sont en baisse !
Au-delà des mots et des statistiques expurgées, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est temps d'infléchir le plan que vous avez annoncé à grand renfort médiatique en mettant en avant les contrats locaux de sécurité et en annonçant le recrutement massif d'adjoints de sécurité,...
M. Maxime Gremetz. La question !
M. Marc-Philippe Daubresse. ... alors que vous savez très bien que les départs à la retraite ne sont pas remplacés et que les adjoints de sécurité ne peuvent sortir sur la voie publique qu'accompagnés d'un titulaire ?
M. le président. Pouvez-vous poser votre question ?
M. Marc-Philippe Daubresse. On voit bien qu'on marche sur la tête dans cette affaire et que la présence sur le terrain n'est pas renforcée. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Posez votre question, je vous prie.
M. Marc-Philippe Daubresse. Qu'allez-vous répondre à votre ami politique Julien Dray, qui affirme qu'en matière d'incivilité aucune faute ne doit rester impunie et qu'il faut appliquer le principe de la tolérance zéro ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le ministre de l'intérieur, comme le groupe UDF dispose de cinq minutes, il ne vous reste qu'une minute trente pour répondre.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, j'ai moi-même évoqué un certain redémarrage des violences urbaines, et je pensais pouvoir m'exprimer en ayant en face de moi des partenaires objectifs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
J'ai observé en effet qu'entre le 14 et le 29 juin, à la suite d'événements qui se sont produits à Sarcelles, à Choisy-le-Roi, à Corbeil-Essonnes, à Chanteloup-les-Vignes, à Ris-Orangis et à Cergy-Pontoise, seize fonctionnaires de police ont été blessés à l'occasion de ces violences urbaines, tandis que 121 interpellations ont été opérées. Je pensais que l'on pouvait parler de ces choses-là raisonnablement.
J'ai en effet indiqué hier que la délinquance de voie publique, qui englobe toutes les sortes de délits commis sur celle-ci, est en baisse de 0,43 %.
S'agissant des statistiques que vous avez évoquées relatives aux violences urbaines, nous disposons de deux mesures effectuées, l'une par les renseignements généraux, l'autre par la sécurité publique, selon les normes qui visent à mieux connaître le phénomène dont nous parlons.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous expurgez les statistiques !
M. le ministre de l'intérieur. C'est à juste titre que l'on tente de cerner ce que l'on appelle les «violences urbaines», ce phénomène préoccupant mais nullement immaîtrisable. («Eh alors !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Des directives ont été données. Elles ont abouti à des interpellations et au démantèlement de bandes, très souvent de trafiquants.
C'est toute une politique qui se met en place, avec le recrutement de plus de 11 000 adjoints de sécurité.
Vous semblez considérer qu'aucun effort n'a été fait,...
M. Edouard Landrain. C'est bien vrai !
M. le ministre de l'intérieur. ... alors que M. le Premier ministre m'a accordé plus de 1 600 postes en surnombre pour maintenir le niveau des effectifs opérationnels.
M. Thierry Mariani. Et que fait la justice !
M. le ministre de l'intérieur. J'ajoute que 256 contrats locaux de sécurité ont été signés et que plus de 450 sont encore en cours d'élaboration.
Quant à la police de proximité, elle se met en place, mais à son rythme.
Je ne peux pas pour l'heure vous apporter une meilleure réponse dans une affaire comme celle-là qui est une affaire de société, de civilisation. Il faut dominer le sujet et admettre que la doctrine d'emploi de la police ne s'adapte pas du jour au lendemain, d'autant que, comme vous le savez bien, ces problèmes dépassent largement le cadre de la police...
M. Jean-Michel Ferrand. C'est vrai !
M. le ministre de l'intérieur. ... et nous renvoient à des phénomènes plus fondamentaux qui sont...
M. Thierry Mariani. La justice !
M. le ministre de l'intérieur. ... une certaine «déséducation» et d'autres facteurs...
M. le président. Concluez, s'il vous plaît.
M. le ministre de l'intérieur. ... sur lesquels je n'estime pas utile de revenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. Edouard Landrain. Baratin !
Auteur : M. Marc-Philippe Daubresse
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 1999