Turquie
Question de :
M. François Loncle
Eure (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 1999
M. le président. La parole est à M. François Loncle.
M. François Loncle. Le déroulement du procès d'Abdullah Ocalan, les conditions de ce procès, le verdict de condamnation à mort nous rappellent, hélas !, toute l'actualité et la gravité de la question kurde en Turquie.
M. Lucien Degauchy. Ils sont plus expéditifs que nous !
M. François Loncle. Certes, la dérive terroriste des activistes kurdes n'est pas acceptable. Mais on ne peut occulter le sort tragique réservé à la population kurde en Turquie, comme d'ailleurs en Irak: les milliers de morts, les villages évacués ou détruits, les millions de personnes déplacées, les députés emprisonnés, les défenseurs des droits de l'homme persécutés.
Après que la communauté internationale est intervenue, au nom du droit, au Kosovo, on peut difficilement admettre qu'elle se taise à propos de la situation des Kurdes, dont les droits sont bafoués. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Edouard Landrain. Très juste !
M. François Loncle. C'est la raison pour laquelle, approuvant les positions du Président de la République,...
M. Yves Fromion. Très bien !
M. François Loncle. ... du Gouvernement et de l'Union européenne, qui ont demandé aux autorités turques de commuer la peine de M. Ocalan, nous souhaitons savoir, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, si la France compte prendre des initiatives - comme l'a suggéré le président de la commission des affaires étrangère de notre assemblée - permettant de mettre fin au cycle de la violence et d'offrir aux Kurdes de Turquie un avenir digne du siècle qui se profile, un avenir démocratique qui respecte profondément leur identité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, la Cour de sûreté de l'Etat turc a rendu hier, 29 juin, son verdict dans le procès du chef du PKK: Abdullah Ocalan a été condamné à mort.
Ce verdict est, hélas ! sans surprise.
Nous condamnons et nous luttons avec la plus grande fermeté contre le terrorisme, mais nous ne pouvons que déplorer les conditions et les conclusions de ce procès.
Toutes les voies de recours ne sont pas épuisées: la Cour de cassation doit encore se prononcer, ainsi que la commission de la justice de l'Assemblée nationale turque, puis l'Assemblée elle-même. Par ailleurs, le Président de la République turque a la possibilité de commuer la peine capitale en détention à perpétuité. Enfin, les avocats d'Abdullah Ocalan ont déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Que pouvons-nous donc espérer à présent de la Turquie, où, il faut le rappeler, la peine capitale n'a pas été appliquée depuis 1984 ? Précisément et avant tout que les pouvoirs publics turcs décident également de ne pas appliquer cette sentence dans le cas de M. Ocalan.
M. Richard Cazenave. Si elle est confirmée !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. C'est en ce sens que le Président de la République est intervenu hier, en souhaitant que la condamnation soit commuée «en une autre peine qu'il appartient à la justice de déterminer».
L'opposition à la peine de mort est, pour tous les Européens, une question de principe. L'Union européenne l'avait dit le 22 février dernier, dès le début de ce qu'on a appelé l'«affaire Ocalan». Elle l'a rappelé hier, en soulignant que la non-application de la peine de mort relève des valeurs communes, et donc des acquis de l'Union européenne. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
En renonçant à appliquer cette peine, la Turquie aurait l'occasion de confirmer, y compris aux plus réticents, sa volonté de se rapprocher de nos pratiques en matière de droits de l'homme, et les autorités turques auraient aussi l'occasion de se rapprocher de l'Union européenne, comme elles tentent de le faire.
M. Richard Cazenave. Et la question kurde en général ?
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. Un mot, enfin, pour répondre à votre préoccupation de fond: le traitement de la question kurde.
M. Richard Cazenave. Très bien !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. Il est clair que la condamnation d'Ocalan ne résout rien et qu'une approche purement répressive ne permettra pas de définir la solution durable à laquelle nous aspirons. C'est pourquoi il faut plus que jamais privilégier une approche politique de la question kurde (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Répubique), fondée sur le renforcement des droits culturels, sur l'aspiration démocratique ainsi que sur une relance du programme de développement du sud-est du pays.
M. Maxime Gremetz. La Turquie, c'est l'OTAN !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. L'Union européenne est prête à aider la Turquie à résoudre ce problème et, naturellement, la France appuiera ses efforts. Pour commencer, elle appuiera ceux de la présidence finlandaise, qui veut maintenant s'y attaquer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Arthur Dehaine. Il y a comme un malaise !
Auteur : M. François Loncle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 1999