Question au Gouvernement n° 1510 :
caoutchouc et plastiques

11e Législature

Question de : M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 1999

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'annonce simultanée par la direction de Michelin d'un plan de 7 500 suppressions d'emplois et d'une hausse record des bénéfices a profondément choqué nos concitoyens et les salariés de l'entreprise.
A cela, il convient d'ajouter l'information venant des Etats-Unis de l'embauche par Michelin de 1 700 personnes en Caroline-du-Sud.
M. Lucien Degauchy. Ils ne font pas les trente-cinq heures là-bas !
M. Jean-Claude Sandrier. Quand on sait que Michelin a touché cinq milliards de francs de fonds publics ces dernières années, cette annonce apparaît comme symbolique du comportement des grands groupes industriels et financiers aujourd'hui. Sous prétexte de mondialisation, de concurrence et de rentabilité pour les actionnaires, on en vient à oublier ce qui est pourtant à la base de toutes richesses, c'est-à-dire les femmes et les hommes qui les produisent, et à oublier des régions et des villes comme Clermont-Ferrand, Bourges ou Soissons.
Face à cette attitude cynique, faut-il redire que la mondialisation dominée par le monde financier n'est ni une fatalité incontournable, ni un accident de l'histoire ? C'est un défi à relever, qui procède donc de la responsabilité politique.
M. le Premier ministre a donné certains signes positifs, mais la pression des marchés financiers est telle que des mesures d'envergure s'imposent.
Le groupe communiste avance, notamment dans sa proposition de loi, un certain nombre de dispositions qui sont à notre sens essentielles pour faire des licenciements pour motifs économiques l'ultime recours, en examinant entre autres les charges autres que salariales et en associant les institutions bancaires et financières à la recherche de solutions alternatives, pour organiser le contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux entreprises pour l'emploi et la formation, pour mettre un terme aux abus concernant les emplois précaires, pour prendre les initiatives internationales et concertées avec nos partenaires européens afin de pénaliser le dumping social lié aux délocalisations, de supprimer les paradis fiscaux et de taxer la spéculation financière.
Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, notre groupe, notamment mes amis Pierre Goldberg et André Lajoinie, élus de la région Auvergne, vous demandent comment le Gouvernement envisage d'avancer dans cette direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, j'ai rappelé tout à l'heure avant vous l'émoi qu'avait suscité l'annonce brutale par Michelin de 7 500 licenciements.
Il faut dire les choses simplement: il y a dans notre pays une réglementation sur l'information et la consultation des personnels qui doit être respectée. Personne ne peut se mettre à l'abri de la loi. Les pratiques qui font fi de la loi doivent être sanctionnées.
Il convient d'anticiper et d'éviter un certain nombre de licenciements par la gestion prévisionnelle des emplois, par la réduction du temps de travail et par la loi sur la formation professionnelle que nous préparons avec Nicole Péry.
Mais nous devons aussi dire aux entreprises que, si elles souhaitent prendre un certain nombre de décisions, elles ne doivent pas s'étonner que l'Etat en tire un certain nombre de conséquences.
Michelin a, depuis dix ans, reçu de l'Etat de 4 à 5 milliards de francs pour supprimer des emplois par les préretraites.
J'ai rappelé combien j'avais souhaité réduire les préretraites dans les entreprises qui faisaient des bénéfices car je pense que le coût des restructurations doit alors être payé par elles.
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Et Renault ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est à cause de cela si, les deux dernières années, ni Renault ni Peugeot n'ont eu de plan social alors que, depuis dix-sept ans, l'Etat versait chaque année un milliard à l'industrie automobile. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Nous avons dit, et le Premier ministre l'a récemment rappelé à Strasbourg, que l'argent public doit être utilisé pour les entreprises et dans les régions qui en ont besoin. Lorsqu'une entreprise qui fait des bénéfices décide de restructurer, elle doit en payer les conséquences, notamment en ce qui concerne les salariés. C'est pourquoi nous examinerons, comme le Premier ministre nous y a invités, la possibilité, dans la loi que vous allez voter, je l'espère, dans quelques jours, de négocier sur la durée du travail avant toute acceptation d'un plan social. («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous devons donc faire en sorte que les aides publiques aillent vers les entreprises qui en ont besoin et nous devons, ensemble, y réfléchir. Je sais qu'il s'agit là d'une préoccupation qu'a votre groupe depuis très longtemps. Cette préoccupation est partagée par le Gouvernement.
Enfin, toujours dans le même esprit, je dirai que, si le recours au travail temporaire et au contrat à durée déterminée est légitime dans un certain nombre de cas - surcroît occasionnel d'activités ou remplacement d'absents -, les entreprises ne peuvent y recourir de manière forte et permanente, pour 15 ou 20 % de leur effectif, en rejetant ainsi le coût social et financier sur le reste de la collectivité. C'est pourquoi le Premier ministre a annoncé que, d'ici à la fin de l'année, le Parlement serait saisi d'une disposition visant à pénaliser de telles pratiques.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Dans un pays où les entreprises demandent la liberté, il faut que celles-ci sachent que la contrepartie de la liberté, c'est la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) On est responsable quand on décide des licenciements et quand on gagne de l'argent; on doit donc en payer le prix. Il n'est en effet pas acceptable de demander toujours plus aux salariés et de ne pas les accompagner dans les moments les plus douloureux de leur vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Sandrier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 1999

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