DOM : Réunion
Question de :
Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 1999
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.
Mme Huguette Bello. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la ministre, j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'appeler votre attention sur les conditions dans lesquelles la justice est administrée à la Réunion et sur le trouble qui en résulte pour la population.
Deux faits nouveaux nous imposent de renouveler aujourd'hui la demande de création d'une enquête formulée il y a un an et demi.
Au mois de septembre, une délégation de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est rendue à la Réunion et a pu notamment visiter la prison, rue Juliette-Dodu, à Saint-Denis. La presse a rapporté la réaction unanime de la délégation, qui rejoint et renforce l'indignation de la population: honte pour la République, prison humainement inacceptable, s'indignent les parlementaires ! L'un d'eux ajoute que les conditions de sécurité lui semblent d'une inconséquence rare. Il le dira avec plus de cruauté encore dans le rapport qu'il aura à rédiger.
Toujours au mois de septembre, une affaire remontant à 1994 rebondit: des révélations sont venues éclairer les circonstances dans lesquelles un travailleur avait, au cours d'une manifestation, reçu une grave blessure qui lui avait valu la perte d'un oeil. Un gendarme avait fait usage d'une arme prohibée dans les opérations de maintien de l'ordre.
Pendant quatre ans, le silence et le mensonge ont empêché la vérité d'éclater. Les gendarmes ont tous déclaré sous serment avoir fait l'objet de pressions. Le colonel de gendarmerie alors en poste à La Réunion vient de réaffirmer au juge d'instruction qu'il avait très rapidement appris la vérité et qu'il l'avait portée à la connaissance des plus hautes autorités administratives et judiciaires de l'île dès cette époque.
Quoi qu'il en soit de la question des responsabilités, vous comprendrez donc, madame la ministre, que ces événements graves qui s'ajoutent à une longue liste de dysfonctionnements et d'injustices rendent plus urgente encore la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à La Réunion.
Vous comprendrez également que nous vous demandons solennellement de veiller à ce que, après cinq ans de manoeuvres, la procédure aille jusqu'au bout pour que la vérité éclate, quelles que soient les personnalités en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous me posez deux questions.
La première porte sur la maison d'arrêt de Saint-Denis-de-la-Réunion. C'est effectivement, l'une de nos maisons d'arrêt les plus surpeuplées. Il y a à La Réunion avec 1 128 détenus pour une capacité de 610 places.
Pour remédier à cette situation, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures. Depuis 1997, nous avons consacré 13 millions de francs à la rénovation du centre de détention du Port pour désengorger la maison d'arrêt de Saint-Denis où nous avons réalisé des travaux de sécurité et construit un nouveau quartier des mineurs.
Mais il faudra construire une nouvelle maison d'arrêt à Saint-Denis-de-la-Réunion. J'ai demandé au préfet d'activer les recherches de réserves foncières. Nous allons pouvoir les constituer dès l'année prochaine. J'ai d'ailleurs envoyé cette semaine une mission de techniciens de l'administration pénitentiaire pour évaluer les possibilités en ce domaine.
Dans l'immédiat parce que, évidemment, la construction d'un nouvel établissement ne sera pas achevée avant quelques années, nous envisageons la construction de deux nouveaux bâtiments dans le centre de détention du Port, et la réhabilitation d'un quartier de la maison d'arrêt de Saint-Pierre. Nous allons ainsi créer quatre-vingt-quinze places pour désengorger la maison d'arrêt de Saint-Denis. De plus, dans le budget 2000, nous prévoyons également de réhabiliter les parties les plus vétustes de cet établissement.
Votre deuxième question concerne cette affaire très grave d'un travailleur qui a perdu un oeil au cours d'une manifestation. Je voudrais rappeler devant l'Assemblée nationale que la justice a, depuis 1994, activement instruit cette affaire et qu'elle continue. Elle a ouvert une information qui a été confiée à un juge d'instruction indépendant quatre jours après les faits, ce qui est extrêmement rapide, même en cas de flagrant délit. Un an et demi après, lorsqu'une information anonyme a fait état de la possible implication d'un adjudant-chef de gendarmerie, le juge d'instruction a immédiatement procédé à de nouvelles investigations, notamment, en 1996, à l'audition du colonel Guillaume, qui était en poste à l'époque. Dès lors que des gendarmes locaux étaient susceptibles d'être mis en cause, l'enquête a été confiée à l'inspection générale de la gendarmerie nationale, qui est compétente sur le plan national.
Je rappelle enfin qu'il y a eu des mises en examen, celle, en avril 1998, de l'adjudant-chef soupçonné d'avoir blessé M. Hilarion, et celle, en juin 1999, d'un capitaine de gendarmerie. Les juges d'instruction continueront de mener leurs investigations et continueront de se prononcer en toute indépendance, y compris sur les demandes qu'ont formulées, début octobre, les parties civiles pour que soient auditionnées certaines personnalités en poste dans l'île au moment des faits.
La justice a procédé, je crois, avec méthode et avec diligence, comme elle doit le faire. Et elle continuera ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Huguette Bello
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 1999