défense et usage
Question de :
M. Bruno Bourg-Broc
Marne (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 1997
M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.
M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, avant de vous poser ma question, je voudrais faire une remarque. Je crains que, malgré votre esprit scientifique, auquel a d'ailleurs rendu hommage Nicole Catala, votre réponse ne l'ait pas satisfaite, pas plus qu'elle ne nous a satisfaits. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Yves Le Déaut. La question !
M. Bruno Bourg-Broc. En effet, vous n'avez pas répondu à la question précise qui vous était posée. Décidément, la méthode Allègre, c'est déclaration sur déclaration, mais on attend toujours les réalisations et on reste dans le flou. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Monsieur le ministre, le 30 août dernier, vous avez déclaré: «L'anglais n'est plus une langue étrangère.» Alors que le sommet de cinquante chefs d'Etats ayant en partage la langue française va s'ouvrir à Hanoi, ce propos, pour le moins défaitiste, a pour effet de choquer nombre de ces pays qui s'efforcent, chaque jour, de défendre le français...
M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !
M. Bruno Bourg-Broc. ... contre ce que beaucoup considèrent comme une agression, culturelle s'entend, des pays anglo-saxons.
M. Didier Boulaud. What do you want ?
M. Bruno Bourg-Broc. La langue, je suppose que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie le sait, est un vecteur économique et culturel essentiel, qu'il faut avant tout promouvoir. Faciliter et encourager l'apprentissage de l'anglais est une chose - de l'anglais et d'autres langues d'ailleurs -, mais considérer que l'anglais est notre seconde langue officielle en est une autre.
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir préciser à notre assemblée - et peut-être aussi, par là même, aux cinquante chefs d'Etat qui vont se réunir à Hanoi - votre pensée en la matière. Le français est-il toujours, selon l'article 2 de notre constitution, la langue officielle de la République française ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le député, je vais vous répondre tout de suite sur les paroles et les actes.
Je rappelle que, quand j'ai été nommé au ministère de l'éducation nationale, il était prévu de mettre 10 000 maîtres auxiliaires à la porte. Aujourd'hui, ils ont été réembauchés et ils sont dans les écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est faux !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il ne s'agit pas de paroles, il s'agit d'actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Un peu de silence mes chers collègues !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Messieurs les députés, le bruit n'est pas un argument.
Parlons maintenant de la francophonie.
La situation de la langue française est extrêmement préoccupante et préoccupe le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est heureux !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vais m'efforcer de vous expliquer pourquoi, en étant clair.
Dans notre pays, toutes les langues, à l'exception de l'anglais, connaissent une pratique décroissante. C'est le cas pour l'italien, le russe ou l'allemand, qui enregistrent une décroissance rapide. Si bien que, quand nous demandons à nos homologues italiens, russes ou allemands que le français soit davantage enseigné dans leurs pays respectifs, ils nous font remarquer que leur propre langue est en régression dans le nôtre.
J'ai donc dit, et je le répète, qu'il fallait sortir l'anglais de la compétition avec les autres langues étrangères. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Sachez, mesdames et messieurs les députés qui n'appartenez ni aux cercles scientifiques ni aux cercles commerciaux, que l'anglais est une langue de travail internationale et que, à ce titre, elle ne peut être mise en compétition avec les autres langues - sinon ces dernières risquent de connaître un déclin.
J'ai donc indiqué que l'enseignement secondaire devrait assurer l'apprentissage de deux langues étrangères autres que l'anglais. J'ai ainsi pu négocier avec mes collègues italien, allemand et russe pour que l'enseignement du français dans leurs pays soit accru.
M. Yves Nicolin. C'est de la brasse coulée !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Par ailleurs, nous mettons en place, utilisant pour cela notre capacité en la matière, un système de diffusion du français par satellite vers les pays d'Afrique, ce qui, par parenthèse, aurait dû être fait plus tôt.
M. Jacques Godfrain. Tout à fait !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. In fine, si je n'accompagne pas le Président de la République au sommet de Hanoi, c'est uniquement par respect pour la représentation nationale, car elle doit examiner demain les crédits de mon ministère. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Bruno Bourg-Broc
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Langue française
Ministère interrogé : éducation nationale, recherche et technologie
Ministère répondant : éducation nationale, recherche et technologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 1997