magistrats
Question de :
M. Henri Plagnol
Val-de-Marne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol.
M. Henri Plagnol. Ma question, qui appelle une réponse claire, je l'espère, s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Les développements de l'enquête sur la MNEF ont conduit ce matin à la démission, à la suite d'un choix personnel, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant d'une enquête aussi sensible, vous avez, madame la garde des sceaux, la mission de veiller scrupuleusement à l'indépendance totale des magistrats du parquet qui en ont charge.
Or, par une coïncidence troublante, nous avons appris au cours du week-end que Mme Fulgeras, qui était à la tête de la section des affaires financières du parquet de Paris, allait être remplacée brutalement. Et parmi les dossiers dont elle avait la charge, figurait notamment celui de la MNEF.
Cette coïncidence est d'autant plus fâcheuse que son remplacement a été provoqué très brutalement, sans respecter les usages et la tradition en vigueur s'agissant de magistrats titulaires de postes sensibles. En effet, son départ n'a été précédé d'aucun appel à candidature et ne se rattache pas à un mouvement général des parquetiers.
Quelle raison explique un départ aussi soudain, s'agissant d'un magistrat confirmé, en charge de ce poste depuis huit ans ? Est-ce un départ volontaire ? Si oui, Mme Fulgeras craignait-elle un conflit avec sa hiérarchie ? A-t-elle fait jouer la clause de conscience ?
En résumé, comment expliquez-vous ce jeu de chaises musicales, pour le moins maladroit, au parquet de Paris, au lendemain même du réquisitoire supplétif visant le ministre de l'économie et des finances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous m'interrogez sur Mme Fulgeras qui, en effet, occupait les fonctions de premier substitut au parquet de Paris. Elle était l'un des deux chefs de section à l'intérieur du parquet financier. A ce titre, elle était sous l'autorité hiérarchique du procureur de Paris, M. Dintilhac (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et du chef de la section financière du parquet de Paris, M. Marin.
Mme Fulgeras était depuis neuf ans à ce poste, et M. Dintilhac, le procureur de Paris, lui a proposé une mobilité. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Patrick Ollier. Comme par hasard !
Mme la garde des sceaux. Nous en avons parlé souvent dans cette assemblée, la mobilité est, je le crois, une bonne chose dans la fonction publique, pour les magistrats en particulier. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous avez fait remarquer que cette mobilité n'avait pas fait l'objet d'un examen par le Conseil supérieur de la magistrature. Mais elle n'avait pas à faire l'objet d'un examen par le Conseil supérieur de la magistrature, ni d'ailleurs par la chancellerie, puisqu'il s'agit d'une mobilité interne à des juridictions, comme il s'en produit des dizaines chaque jour, sous l'autorité et à l'initiative des chefs hiérarchiques de ces juridictions évidemment. C'est donc le type de mouvement qui ne relève ni du Conseil supérieur de la magistrature ni des propositions du garde des sceaux et qui a été pris par les responsables compétents, c'est-à-dire par le procureur de Paris, M. Dintilhac (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. Lucien Degauchy. Vous avez son numéro de poste ?
Mme la garde des sceaux. ... et par le chef de la section financière du parquet de Paris, M. Marin. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je fais confiance à M. Dintilhac et à M. Marin (Rires et exclamations sur les mêmes bancs) pour continuer à faire fonctionner le parquet de Paris.
J'ajoute que c'est ce gouvernement qui a donné enfin à la section financière du parquet de Paris les moyens dont il avait besoin pour mener à bien ses investigations financières en créant un pôle économique et financier, le premier dans notre pays (Protestations sur les mêmes bancs), en l'installant dans de nouveaux locaux, rue des Italiens et en fournissant à chaque magistrat un bureau et un ordinateur, ainsi que des crédits et des assistants spécialisés («Ouh ! Ouh ! Ouh !» sur les mêmes bancs) venant du ministère des finances et de la Banque de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Voilà ce que je peux dire, monsieur le député, en réponse à votre question. Le parquet de Paris continuera à fonctionner dans la sérénité et, enfin, avec les moyens dont il a besoin pour démêler ces dossiers complexes de délinquance économique et financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Henri Plagnol
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 1999