magistrats
Question de :
M. Bernard Accoyer
Haute-Savoie (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je ne doute pas qu'il aura à coeur d'y apporter une réponse précise, puisqu'elle touche à l'indépendance de la justice.
Monsieur le Premier ministre, en février 1998, Gabriel Bestard, procureur de la République à Paris, a été évincé de son poste,...
M. Lucien Degauchy. Il n'était pas socialiste !
M. Bernard Accoyer. ... battant ainsi le record de brièveté dans cette fonction. Son remplaçant est Jean-Pierre Dintilhac. Il est, pour donner quelques précisions à Mme la garde des sceaux, ex-directeur de cabinet d'Henri Nallet, un ancien ministre socialiste de la justice. Est-ce une coïncidence ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Quel est son numéro de carte au PS ?
M. Bernard Accoyer. En novembre 1998, Laurent Le Mesle, sous-directeur des affaires criminelles et des grâces, est à son tour évincé de son poste. Il avait publié un livre à vocation pédagogique, dans la série des «Que sais-je ?». Or le garde des sceaux avait déclaré être en désaccord avec les opinions de l'auteur de ce livre. Est-ce une coïncidence ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - «Très bien !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Louis Debré. Pensez donc ! C'est le hasard !
M. Bernard Accoyer. La semaine dernière, comme l'a rappelé Henri Plagnol, Anne-José Fulgeras, chef de la section financière du parquet, est soudainement, elle aussi, écartée de son poste. Elle avait assumé la veille un réquisitoire supplétif concernant un membre éminent du Gouvernement pour faux et usage de faux dans le cadre de l'instruction du dossier de la MNEF. Est-ce une coïncidence ? («Non !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, alors que la plupart des responsables de l'administration centrale de la chancellerie ont été remplacés par votre garde des sceaux, comment expliquez-vous ces coïncidences et pensez-vous que la série soit terminée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, je vais vous donner des indications sur la façon dont ce gouvernement conçoit l'indépendance de la justice et des procureurs. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Vous n'êtes plus crédible !
Mme la garde des sceaux. S'agissant d'abord de M. Gabriel Bestard, il a été nommé par ce gouvernement, en conseil des ministres, procureur général d'une des plus importantes cours d'appel de France, celle d'Aix, c'est-à-dire qu'il a bénéficié d'une promotion importante. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il a été nommé à un des postes les plus importants, puisque, aujourd'hui, la cour d'appel d'Aix est en effet l'une des plus encombrées et qu'elle a besoin que l'on s'occupe du bon fonctionnement de ses juridictions.
Il n'y a eu dans ces nominations aucune espèce de favoritisme ou de passe-droit puisque M. Bestard, on s'en souvient, avait été nommé au poste de procureur de Paris par le précédent gouvernement.
Ensuite, ce gouvernement a pris l'engagement,...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Ce n'était qu'un engagement !
Mme la garde des sceaux. ... par la voix du Premier ministre, ici même, dans son discours de politique générale en juin 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), que plus aucune nomination de procureur ne serait faite sans l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons tenu parole et, chaque fois que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis négatif sur des propositions que je lui avais faites, la personne en question n'a pas été nommée. Ce gouvernement a manifesté un respect absolu des avis du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui n'a pas été le cas lorsque vous étiez aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
En outre, j'ai proposé à votre assemblée et au Sénat un projet de loi constitutionnelle pour réformer la Constitution et permettre justement au Conseil supérieur de la magistrature d'être plus indépendant et d'exercer des responsabilités plus importantes. Cette réforme n'attend plus qu'un vote conforme du Congrès. Monsieur le député, votez pour la réforme du Conseil supérieur de la magistrature le 24 janvier prochain ! («Non !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être serez-vous alors un peu plus crédible dans les leçons que vous essayez maladroitement, très maladroitement, de nous donner en mettant en avant des pratiques que vous n'avez jamais respectées.
M. Yves Nicolin. Cela vous fait mal !
M. Charles Cova. Vous nous en donnez assez comme ça, des leçons !
Mme la garde des sceaux. Enfin, je rappelle que c'est ce gouvernement qui a supprimé les instructions individuelles dans les dossiers judiciaires (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et qu'il n'y a plus, depuis que nous sommes aux responsabilités, la moindre intervention dans les dossiers individuels...
M. Yves Nicolin. Tu parles !
Mme la garde des sceaux. Il n'y a eu et il n'y aura aucune exception à cette règle. Là encore, monsieur le député, vous êtes loin de pouvoir en dire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Bernard Accoyer
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 1999