Question au Gouvernement n° 162 :
fonctionnement

11e Législature

Question de : M. Yann Galut
Cher (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 1997

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.
M. Yann Galut. Madame le garde des sceaux, vous avez annoncé, le 28 octobre 1997, une réforme ambitieuse de la justice. Cette réforme prévoit notamment l'indépendance du parquet avec, pour corollaire, une responsabilité plus grande des magistrats, de nouvelles garanties pour les justiciables mis en cause, un droit élargi des victimes et le rapprochement de la justice et des citoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. François Bayrou. Monsieur le président...
M. le président. Chers collègues, je tiens à préciser qu'il n'y a jamais eu de rappel au règlement pendant les questions, point à la ligne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - De nombreux députés du groupe de l'Union pour la démocratie française se lèvent et quittent l'hémicycle.)
M. François Bayrou. Monsieur le président, ce n'est pas un rappel au règlement, c'est plus important ! («Dehors !» sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Galut, vous avez la parole.
M. Yann Galut. Je vois que M. Bayrou ne s'intéresse pas aux problèmes de justice !
Madame le garde des sceaux, j'approuve vos projets qui vont dans le sens des attentes des Françaises et des Français. Cependant nous savons tous que, pour réussir, ils doivent être accompagnés d'un effort budgétaire important. Nos concitoyens souffrent trop du manque de moyens de la justice qui entraîne des procédures trop longues et trop coûteuses. La mobilisation des avocats, le 6 novembre dernier, avec le soutien des magistrats, montre que de nombreux tribunaux doivent faire face à une situation d'urgence. Je prendrai pour seul exemple celui du tribunal de grande instance de Bourges où il n'y a qu'un seul juge des enfants pour 320 000 habitants dans le Cher. Madame le garde des sceaux, de quels moyens financiers votre réforme, que nous approuvons, sera-t-elle dotée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que nous devons apporter des réponses aux problèmes que rencontre la justice dans notre pays. Lenteur, complexité, méthodes parfois vieillottes nous imposent d'engager une réforme qui permette d'accélèrer, de simplifier, de moderniser et de rénover les méthodes de travail. Il est vrai que nous ne ferons pas cette réforme sans moyens. Dans la communication que j'ai présentée au conseil des ministres, j'ai d'ailleurs rappelé, au nom de tout le Gouvernement, que les moyens nécessaires seraient dégagés.
Mais je voudrais surtout saisir cette occasion pour dire ce que nous avons fait depuis cinq mois que nous sommes au pouvoir. D'abord, le Gouvernement a décidé de supprimer le gel des crédits et des emplois qui avait été décidé par le précédent gouvernement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert): 180 millions de francs et 600 emplois ont été dégelés.
Ensuite, dans le projet de budget pour 1998, le Gouvernement a décidé d'accorder une première priorité à la justice en faisant augmenter les crédits de mon ministère de 4 %, soit une progression trois fois plus élevée que celle de la moyenne du budget de l'Etat, et en permettant à mon ministère de créer 762 postes.
Enfin, le Gouvernement vient de décider des recrutements exceptionnels pour que nous puissions nous attaquer à l'encombrement des tribunaux sans attendre les recrutements auxquels il sera procédé sur la base du budget de 1998.
Pour faire face à cet encombrement et pour établir ce plan d'urgence que nous avons souhaité, le Premier ministre vient de m'autoriser, d'abord à accélérer le recrutement des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, possibilité prévue par le précédent gouvernement, mais qui n'avait pas été exploitée, ensuite à ouvrir un concours exceptionnel de magistrats. Ainsi, par un projet de loi organique qui sera soumis à votre assemblée au tout début de l'année prochaine, je proposerai le recrutement exceptionnel, par un concours exceptionnel, de 100 magistrats supplémentaires.
Par ailleurs, s'agissant des greffiers - il est indispensable que les magistrats soient assistés de greffiers - le Premier ministre m'autorise à doubler les postes offerts, dont le nombre passera de 140 à 270. Quant aux fonctionnaires des greffes, qui sont eux aussi indispensables, le nombre de postes va, là encore, doubler, passant de 150 à 300. Voilà les décisions que le Gouvernement a prises en cinq mois.
Il est vrai que nous devrons continuer à supporter cette réforme, qui s'étalera sur trois ans, et les moyens nécessaires seront dégagés. Mais je voudrais dire devant la représentation nationale qu'il ne suffira pas d'augmenter les moyens pour régler les problèmes de la justice. Il faut aussi faire des réformes, si nous ne voulons pas être submergés par l'augmentation des contentieux.
M. Jacques Floch. Très bien !
Mme le garde des sceaux. Profitant de cette réforme globale que le Gouvernement a souhaitée et que j'ai l'honneur de présenter, il faut donc justement simplifier les procédures en modifiant les textes. Il faut aussi rénover les modes de travail. Je vous donne un exemple. Ce matin, j'ai pu constater qu'au tribunal de grande instance d'Arras - beaucoup de juridictions sont dans ce cas heureusement ! - la durée moyenne d'un jugement était de sept mois, alors que la moyenne nationale est de neuf mois. Il est vrai que, grâce à une mobilisation de l'ensemble du personnel, des magistrats sous la houlette du président, mais aussi des greffiers et des fonctionnaires, des moyens très innovants ont été mis en place: décloisonnement des fonctions entre les juges par le dialogue social justement, engagement avec les avocats de contrats de procédure...
M. Pierre Mazeaud. Et l'indépendance de la justice ?
Mme le garde des sceaux. ... et, enfin, mise en oeuvre de méthodes de travail qui permettent, dans certains cas, de réduire à un mois les délais de jugement dans les tribunaux. Voilà ce que nous allons tenter de généraliser en jouant sur les moyens (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - l'Etat remplira sa responsabilité -, mais aussi en comptant sur la mobilisation de tous les professionnels de la justice et, croyez-moi, plus je les vois, plus j'ai confiance en leur mobilisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Yann Galut

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 1997

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