Question au Gouvernement n° 1655 :
politique à l'égard des femmes

11e Législature

Question de : Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 17 novembre 1999

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les dernières décennies de ce siècle ont été notamment marquées par l'accès à la contraception et le libre choix en matière d'IVG. Ce sont là des acquis fondamentaux des femmes et de la société tout entière. L'action des femmes et des mouvements féministes ont permis la traduction d'actes politiques forts permettant aux femmes de gagner en liberté et en dignité. Mais aujourd'hui, ces acquis ont besoin d'être confortés et actualisés.
Des rapports, dont celui du professeur Nisand, comme le travail et les déclarations de nombreuses associations ont contribué à faire prendre toute la mesure de la situation. Je pense à l'indispensable sensibilisation des jeunes générations à la contraception, au remboursement par la sécurité sociale des pilules contraceptives dites de la troisième génération et à la nécessité de rester vigilants devant les tentatives de remise en cause de l'IVG. Dans ce domaine, rien n'est jamais acquis.
Chaque femme doit pouvoir avoir recours à l'IVG et faire respecter ses droits. Or il existe encore des inégalités devant l'accès à ce droit.
Par ailleurs, de nombreuses femmes, des associations, des élus se déclarent préoccupés par le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes.
Face à cette situation, vous avez annoncé, en juillet dernier, un plan d'action comportant notamment le lancement d'une campagne d'information sur la contraception. Madame la ministre, pouvez-vous donner des informations précises sur cette campagne ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour remédier aux difficultés d'accès à la contraception, notamment par le remboursement de la pilule dite de la troisième génération, et le recours à l'interruption volontaire de grossesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la députée, comme vous l'avez très bien dit, garantir le droit à la contraception et l'accès à l'avortement fait partie des tâches des pouvoirs publics. Et nous savons bien que les droits des femmes ne sont jamais acquis.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai souhaité que nous lancions une campagne d'ampleur sur la contraception, puisqu'il n'y en avait pas eu depuis 1982. Mais j'ai voulu auparavant que nous avancions sur un certain nombre de problèmes non résolus.
S'agissant tout d'abord de la pilule du lendemain, qui n'existait pas dans notre pays, nous avons, avec l'aide des associations, appuyé des laboratoires qui ont été particulièrement pugnaces contre les grands laboratoires pour parvenir à sortir le Tétragynon et le NorLevo. Ces pilules du lendemain sont aujourd'hui en vente libre.
S'agissant des pilules de la troisième génération, j'ai demandé au professeur Spirat de réévaluer son rapport pour vérifier si le prix - 100 francs en moyenne contre dix francs pour les pilules normales - proposé par les laboratoires reposait sur des progrès en matière de contraception ou sur une réduction des effets indésirables. Il a répondu non à ces deux questions. Nous avons donc demandé aux laboratoires de réduire les prix pour nous permettre de rembourser ces pilules. Jusqu'à présent, ils ont refusé. Mais je peux vous indiquer qu'une de ces pilules pourra faire l'objet d'un générique en l'an 2000 et que nous avons trouvé un industriel prêt à la fabriquer.
J'en viens au RU 486. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, en 1997, cette pilule abortive, qui permet d'éviter l'intervention médicale, était en rupture d'approvisionnement. Nous avons apporté notre appui au propriétaire du brevet. Aujourd'hui, la France non seulement produit le RU 486 mais en exporte dans les différents pays. Et je viens de demander aux hôpitaux de laisser aux femmes, lorsque les indications médicamenteuses le permettent, la possibilité de choisir entre le RU 486 et l'intervention chirurgicale, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
S'agissant de la campagne sur la contraception, le comité de pilotage fonctionne maintenant depuis quatorze mois. Nous avons eu un peu de mal à trouver la meilleure manière de nous adresser à l'ensemble des publics. Par exemple, nous savons qu'il y un recul de la contraception chez les jeunes, du fait d'une certaine confusion entre préservatif et contraception. Nous devons aussi toucher des femmes de milieux modestes, éloignées du monde médical.
Nous avons enfin trouvé ce que nous cherchions. Le comité de pilotage a donné son accord la semaine dernière et l'ensemble des organisations a demandé que cette campagne ait lieu au mois de janvier, au moment où nous allons fêter les vingt-cinq ans de la loi sur l'IVG de Mme Veil.
D'ici là, nous allons réunir avec Mme Ségolène Royal et M. Allègre les infirmières et les médecins scolaires, avec Mme Buffet les associations de jeunesse et des sports, avec Nicole Péry l'ensemble des associations et missions locales, qui dépendent de nos ministères, afin de lancer une campagne d'information vers les jeunes.
J'en viens à l'IVG. Vous le savez, j'ai demandé sur ce point un rapport au professeur Nisand. Nous nous donnons encore quelques mois pour en exploiter les conclusions. Ainsi que nous l'avons annoncé avec Nicole Péry, voilà maintenant quatre mois, nous souhaitons faire passer de dix à douze semaines le délai légal pour l'IVG - délai en vigueur dans la plupart des pays européens. Dès cette semaine, je vais rencontrer un grand nombre de médecins afin de préparer l'opinion publique à une telle décision.
Nous réfléchissons, par ailleurs, avec un comité d'associations, à la façon dont les jeunes filles, qui n'arrivent pas à avoir l'autorisation parentale, pourraient être soutenues par un adulte, un tuteur, par exemple une association de planning familial, pour recourir tout de même à l'IVG.
Nous nous sommes donné un an au plus pour aboutir. Sur ce sujet aussi, les décisions seront prises avant l'été et nous aurons ainsi conforté les droits des femmes qui sont, en effet, toujours remis en cause. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : Mme Muguette Jacquaint

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 novembre 1999

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