défense : budget
Question de :
M. Pierre-André Wiltzer
Essonne (4e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 1997
M. le président. La parole est à M. Pierre-André Wilzer.
M. Pierre-André Wiltzer. Monsieur le ministre de la défense, tous les parlementaires peuvent constater que se développe actuellement dans nos armées un climat d'inquiétude et même de désarroi. Ces sentiments ont d'ailleurs été exprimés, il y a quelques jours, par une voix autorisée, ce qui n'est pas un événement banal, dans un journal national.
Au mois de juillet dernier, votre gouvernement, monsieur le ministre, a en effet procédé à l'annulation de 3,8 milliards de francs d'équipements militaires, et le budget de la défense adopté la semaine dernière ampute les crédits d'équipement militaire de 10 milliards de francs environ, par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation votée l'année dernière. L'écart entre les décisions budgétaires du Gouvernement et les objectifs fixés par le Livre blanc, puis par la loi de programmation adoptée par le Parlement, est devenu considérable. En outre, il ne faut pas se le dissimuler, il est aujourd'hui irrattrapable. Personne ne croira, en effet, que 1998 est un simple accident de l'Histoire et qu'en 1999, comme par miracle, des recettes budgétaires nouvelles permettront de compenser ce qui aura été perdu.
Ce constat nous ne sommes pas les seuls à le faire. Des militaires de tous grades et de toutes armes le font également. Il n'y a plus de cohérence entre les missions qui sont assignées à nos armées et les moyens qui leur sont confiés pour assumer ces missions. Ce constat est grave, monsieur le ministre, car il met en cause non seulement l'efficacité de l'outil militaire de la France, mais aussi, bien entendu - nous le sentons tous -, l'état d'esprit et le moral de nos armées.
La question que je vous pose, au nom du groupe UDF, est donc simple: comment comptez-vous rétablir cette cohérence qui a disparu ? Envisagez-vous pour cela d'abandonner certaines des missions confiées à nos armées, et si oui, lesquelles ? Ou trouverez-vous les moyens complémentaires nécessaires pour qu'elles assument ces missions, et dans ce cas comment et quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, je n'ai sans doute pas la même lecture que vous de la prise de position du général Mercier qui, comme vous le savez, s'est exprimé avec mon assentiment. («Ah !» sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Guy Teissier. Vous êtes solidaire !
M. le ministre de la défense. Il me paraît normal, dans une démocratie adulte, que les questions militaires soient débattues. Que les chefs de nos armées, lorsqu'ils s'expriment en pleine responsabilité avec l'assentiment du Gouvernement et en jouant le rôle qui leur revient, traduisent les préoccupations de leurs hommes et de leurs femmes dans une République où rien n'est dissimulé est en effet, de mon point de vue, un progrès de la vie démocratique. Et j'espère que vous le saluez comme tel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
De surcroît, même si la lecture des journaux est une activité normale pour un homme politique et pour un parlementaire, j'espère que vous avez examiné avec soin la teneur des propos du général Mercier. La liberté de la presse quant aux titres et aux commentaires ne doit pas tromper la représentation nationale.
M. Pierre-André Wiltzer. Ce n'est pas la question, monsieur le ministre !
M. le ministre de la défense. J'en viens au budget à la discussion duquel vous étiez du reste cordialement invité à participer la semaine dernière, monsieur le député, mais après tout chacun a ses occupations ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Ce budget a été approuvé par la majorité de cette assemblée en pleine responsabilité parce qu'il est à la fois nécessaire et suffisant. Je ne le commenterai pas plus, l'Assemblée en ayant débattu pendant huit heures avec un grand pluralisme et un grand esprit de responsabilité.
Quant à la compatibilité avec la loi de programmation militaire,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Voilà !
M. le ministre de la défense. ... ayant, comme moi, une certaine ancienneté dans la vie politique, vous savez que les lois de programmation militaire se sont parfois succédé à un rythme imprévu. Au cours de la législature précédente par exemple, deux lois de programmation militaire ont été adoptées en quatre ans, alors que chacune est censée couvrir une durée de cinq ans.
M. Guy-Michel Chauveau. Eh oui !
M. le ministre de la défense. Il me semble que vous avez voté les deux, qui se contredisaient, monsieur le député. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Aujourd'hui, le Gouvernement s'efforce de fixer un équilibre, en donnant la priorité aux hommes, à leur formation, à leur entraînement, à leur dotation pour le quotidien. La loi de programmation militaire est donc entièrement respectée en ce qui concerne les crédits de rémunération et le fonctionnement. Par conséquent, cela écarte toute mise en cause, qui s'éloigne de l'esprit de responsabilité des capacités opérationnelles de nos armées, lesquelles restent entières. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
En revanche, s'agissant de la programmation des équipements, le Gouvernement a dû faire des choix et il les a faits en préservant l'avenir.
M. Pierre Lellouche. Vous n'avez fait aucun choix ! Vous n'avez fait que «déshabiller» l'armée !
M. le ministre de la défense. Ecoutez, au lieu de vociférer ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Si vous ne voulez pas écouter, ne posez pas de question !
Le Gouvernement va entreprendre une revue des programmes, dont il sera délibéré devant les commissions compétentes de l'Assemblée, de sorte que la poursuite de l'application de la loi de programmation soit pleinement éclairée et que les choix qui se révéleraient nécessaires soient faits de façon publique, avec la préoccupation de la fiabilité durable de notre défense.
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
M. le ministre de la défense. En vous rappelant ces épisodes incertains dans l'application des lois de programmation militaire précédentes, je me permets d'appeler l'ensemble de la représentation nationale, lorsqu'elle s'exprime sur les capacités et le potentiel de notre défense dans un débat public, à un certain esprit de responsabilité sur lequel, me semble-t-il, vous pouvez encore progresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Pierre-André Wiltzer
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ministères et secrétariats d'etat
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 novembre 1997