Israël
Question de :
Mme Catherine Tasca
Yvelines (11e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 24 novembre 1999
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Tout à l'heure, l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Etats membres des Communautés européennes et l'Etat d'Israël sera soumis à notre assemblée pour ratification. C'est une très bonne chose. Mais c'est également aujourd'hui même qu'Israël annonce l'implantation en Cisjordanie d'une nouvelle «colonie», selon ses propres termes, au sud de Bethléem. Ce type d'événement n'est malheureusement pas exceptionnel. Chaque mois s'installe et se développe en Palestine une de ces colonies. Le processus est toujours le même: l'armée israélienne ouvre d'abord une route, toute neuve, en territoire non habité ou peu habité; puis arrivent quelques tentes ou caravanes, qui sont immédiatement occupées par des Israéliens; en quelques mois, c'est un véritable lotissement d'habitations en dur qui prend place, et c'est une véritable petite ville qui apparaît. A partir de là, aucun permis de construire n'est accordé à des Palestiniens, et ceux-ci sont même contraints de laisser à l'abandon leurs terrains en culture de part et d'autre de la route ainsi ouverte. Autour de Bethléem, c'est une vraie stratégie d'encerclement qui est à l'oeuvre.
La France est très attachée à la paix dans cette région du monde, à la paix entre deux peuples qui ont été horriblement maltraités par l'histoire. Mais comment croire à la paix si Israël poursuit cette politique de colonisation qui, non seulement interdit toute continuité territoriale au futur Etat palestinien, mais le prive également de toute liberté de commerce avec le monde extérieur et réduit sans cesse son espace vital ? Cette politique de colonisation - que l'arrivée de M. Ehoud Barak n'a, pour le moment, pas vraiment modifiée - vous paraît-elle compatible avec l'article 2 de l'accord qui nous sera soumis pour ratification, et qui dispose notamment que «le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques (...) constitue un élément essentiel» de cette convention ?
Monsieur le ministre, au moment où s'engage entre les deux parties la négociation en vue du statut final, que fait l'Union européenne, que fait la France pour donner à ces deux peuples la perspective d'une paix juste et durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, depuis la guerre de 1967, dans les territoires qu'il a conquis à cette occasion, Israël a effectivement procédé à une colonisation méthodique, en utilisant les moyens que vous avez rappelés. Environ 190 000 colons vivent aujourd'hui dans ces territoires. Cette politique a été poursuivie, je dois le dire, par des gouvernements de différentes couleurs politiques dans ce pays. Le fait qu'elle n'ait pas encore été interrompue, et ce alors qu'est arrivé au pouvoir M. Barak, suscite naturellement de notre part perplexité et interrogation.
Néanmoins, nous voulons croire qu'il s'agit là d'une situation transitoire. A l'heure où débute enfin la véritable négociation sur le statut final - négociation qui porte également, je le rappelle, sur d'autres questions elles aussi extraordinairement délicates, comme celle de Jérusalem, celle des réfugiés, celle des frontières ou encore celle de l'eau -, nous voulons croire que les positions affichées par les Israéliens, comme d'ailleurs par les Palestiniens, vont évoluer. Les uns et les autres seront amenés à démontrer que leur volonté de faire la paix est réelle, car la paix durable ne pourra pas se faire sur la base des positions actuelles.
M. Barak affirme sa volonté de faire la paix avec ses voisins palestiniens, syriens et libanais: nous le croyons. Il est arrivé à la conclusion que, comme le disait la France depuis longtemps, un Etat palestinien est un élément de la sécurité de la région tout entière, y compris celle d'Israël. Il s'agit maintenant d'aller au bout du raisonnement et de comprendre qu'il faut que cet Etat palestinien soit viable.
L'Europe fera, notamment à l'instigation de la France, ce qu'elle a fait ces derniers temps avec beaucoup de conviction, à savoir accompagner ce processus de paix, être disponible pour le renforcer, pour le garantir le moment venu et pour aider à le débloquer si, malheureusement, il devait s'enliser. Mais nous sommes plutôt à un moment où c'est l'espérance qui doit l'emporter malgré tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : Mme Catherine Tasca
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 novembre 1999