maintien
Question de :
M. Henri Plagnol
Val-de-Marne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 1er décembre 1999
M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol.
M. Henri Plagnol. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, les deux attentats qui se sont produits à Ajaccio en plein jour auraient pu entraîner des dizaines de morts. Cette nouvelle escalade dans la violence traduit, hélas !, l'impuissance de votre gouvernement à rétablir l'autorité de l'Etat en Corse.
M. Christian Bourquin. Et vous, qu'avez-vous fait ? Rigolos !
M. Henri Plagnol. Plus grave, face à une situation qui apparaît totalement bloquée, un nombre de plus en plus important de nos concitoyens, sur l'île ou sur le continent, commencent à douter qu'il y ait une solution pour rétablir l'autorité de la République en Corse.
Cette situation est un défi à l'ensemble de la nation. Il n'est pas question que l'Etat cède au chantage ou dialogue avec ceux qui recourent à une terreur aveugle.
Mme Odette Grzegrzulka. Dites-le à M. Debré !
M. Henri Plagnol. Encore faut-il que le choix de la fermeté, que nous partageons sur tous les bancs de cette assemblée (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), repose sur l'exemplarité de l'Etat.
Or deux rapports parlementaires ont démontré qu'il y avait de très graves dysfonctionnements au coeur même de l'Etat, effectant la justice et la police, dans la lutte contre le terrorisme en Corse.
Ces dysfonctionnements sont tellement graves qu'ils ont entravé la recherche de la vérité sur les assassins du préfet Claude Erignac. Pour ne prendre que cet exemple, il semble que, sur instructions de votre cabinet, les données que possédait le préfet Bonnet ont été transmises non pas directement au juge d'instruction chargé de la lutte contre le terrorisme en Corse, mais au procureur de la République, sans que l'on sache pourquoi.
Avec beaucoup de dignité, la veuve du préfet Erignac a déclaré récemment qu'elle était triste de constater que de médiocres querelles de personnes et des rivalités de corps l'emportaient sur la recherche de la vérité.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. C'est celle que se posent tous les Corses qui souhaitent rester français: quand allez-vous tirer les conclusions des deux missions parlementaires pour remettre la police et la justice en ordre de marche et restaurer l'autorité de l'Etat en Corse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, deux très graves attentats ont été commis en Corse. Leurs auteurs ont délibérément pris le risque de tuer. Il vaudrait mieux, à cet égard, stigmatiser ces auteurs anonymes plutôt que le Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Répondez à la question !
M. le Premier ministre. Je vais répondre.
J'exprime à nouveau ma sympathie aux personnes qui ont été frappées et ma solidarité avec les Corses qui ont exprimé leurs protestations et leur rejet de la violence.
Il n'y a pas de solution au problème de la Corse par la violence. La violence est, en vérité, une maladie mortelle pour la Corse. Ce sont les Corses qui en sont les victimes, quelles qu'en soient les cibles.
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exact !
M. le Premier ministre. Garantir l'Etat de droit est une priorité du Gouvernement. Les commissions d'enquête parlementaires ont d'ailleurs reconnu la clarté de la politique qui est menée à cet égard et la nécessité d'en poursuivre la mise en oeuvre.
Certes, ces commissions ont mis en lumière des dysfonctionnements anciens ou plus récents qui compliquent l'application de cette politique. Le Gouvernement analyse les propositions de ces rapports pour en tirer les conséquences qui lui apparaîtront appropriées.
Encore faut-il - c'est un point de détail mais il est important - ne pas appeler dysfonctionnement ce qui est une procédure normale. Effectivement, la note d'information transmise par le préfet Bonnet a été transmise au procureur de Paris, mais où est le dysfonctionnement puisque, dès le lendemain, elle était sur le bureau du juge d'instruction ? C'est une procédure juridique normale n'ayant entraîné aucun retard.
Notre politique en Corse est fondée, bien sûr, sur le développement économique de l'île et la reconnaissance de son identité culturelle. Le contrat de Plan Etat-région pour la Corse traduit d'ailleurs cet engagement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. Michel Hunault. Ce n'est pas le problème !
M. le Premier ministre. ... la Corse étant la région de métropole dont les crédits de l'Etat augmentent le plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Hunault. Cela n'a rien à voir !
M. le Premier ministre. Des propositions ont été transmises tout récemment à l'assemblée de Corse pour tenir compte des spécificités de sa fiscalité sur les successions.
M. Christian Estrosi. Langue de bois !
M. le Premier ministre. Par ailleurs, l'Etat dégage des moyens pour le développement de la langue et de la culture corses. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)
Cependant, j'ai toujours également insisté notamment lors de mon déplacement dans l'île en septembre, sur le fait que cette politique devait être accompagnée par une attitude de dialogue. Celui-ci, à mes yeux, et c'est sans doute la question essentielle aujourd'hui, appelle une prise de responsabilité de la part des élus de la Corse. («Très bien !» et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Face au sentiment de malaise et de crispation qui persiste, les élus de l'île doivent dire ce qu'ils souhaitent en toute clarté, quelles sont leurs propositions, leurs réponses aux attentes de la population dont ils tiennent leur mandat.
Je suis prêt à recevoir à l'hôtel Matignon très rapidement, dès que possible, les élus de la Corse ensemble...
M. Guy Teissier. Il était temps !
M. le Premier ministre. ... pour en débattre avec eux.
Je suggère que participent à cette réunion les parlementaires, le président de l'exécutif, le président de l'assemblée de Corse, deux représentants des groupes qui constituent aujourd'hui cette assemblée, et les présidents de conseil général.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République: «Et Colonna !»
M. le Premier ministre. Au-delà, les Corses aussi ont besoin de dialoguer entre eux de manière démocratique et au grand jour. Ces débats concernent les élus de la Corse au premier chef, mais aussi les représentants de la société civile. Il faut que les Corses prennent la parole pour dire ce qu'ils rejettent et ce à quoi ils aspirent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Ma proposition, mesdames, messieurs les députés, est un acte de confiance. Il appartient maintenant aux élus de Corse d'exercer leurs responsabilités. Le Gouvernement assumera celles qui lui incombent pour concourir à cette démarche et en tirer les conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Et Colonna ?
M. Michel Hunault. Où est-il ?
Auteur : M. Henri Plagnol
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 1999