Question au Gouvernement n° 1699 :
établissements

11e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 1er décembre 1999

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.
M. Alain Tourret. Madame la garde des sceaux, ma question concerne un sujet douloureux, la situation des mères de famille détenues dans les établissements pénitentiaires. La situation des femmes en prison dans les centres de détention est déjà, il faut le souligner, plus dure que celle des hommes, pour une raison bien simple: les femmes représentent environ 6 % du nombre des détenus et sont réparties sur le territoire national dans trois prisons. Or chacun sait que la réinsertion des détenus dépend pour l'essentiel de la proximité de leur famille.
L'éloignement a pour conséquence la rareté des visites familiales, notamment lorsque les prisons se trouvent à plus de 500 kilomètres du domicile; il y a là un obstacle réel à la réinsertion.
Mais que dire de la situation des enfants vis-à-vis de leur mère incarcérée ? Votre circulaire du 10 août 1999 prévoit que l'accueil de l'enfant âgé de moins de dix-huit mois doit rester exceptionnel. Il n'existe d'ailleurs en France que soixante-six places susceptibles d'accueillir la mère et son bébé. Or aucun enfant de plus de dix-huit mois ne peut être gardé auprès de sa mère détenue.
Certes, votre circulaire, en application de l'article D. 400 du code de procédure pénale, prend en compte la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, entrée en vigueur le 6 septembre 1980. Mais ne faudrait-il pas aller plus loin et s'inspirer de la législation italienne, notamment la loi du 26 juillet 1975 concernant l'exécution des mesures privatives de liberté, et de son article 47 ter, qui prévoit, pour les peines de réclusion inférieures à quatre années, même consituant une partie résiduelle d'une peine plus élevée, la possibilité, pour les femmes enceintes ou pour les mères de jeunes enfants de moins de dix ans, d'éduquer leurs enfants chez elles pendant la fin de leur peine ?
La loi italienne étend d'ailleurs cette mesure aux pères exerçant la puissance paternelle sur des enfants de moins de dix ans dont la mère est morte, lorsqu'ils ne peuvent assurer une assistance aux enfants.
Ainsi prendrait-on en compte la situation des femmes et celle des jeunes enfants. Une telle mesure ne peut-elle être envisagée, notamment dans le cadre des lois que vous allez nous soumettre en deuxième lecture, alors même qu'elle donne toute satisfaction en Italie depuis plus de vingt ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la situation des détenus, hommes et femmes, qui ont de jeunes enfants est au coeur de ma politique pénitentiaire.
J'ai souhaité, dans une circulaire du 10 août dernier que vous avez bien voulu citer, améliorer notamment la prise en charge et l'accueil des enfants de moins de dix-huit mois qui sont avec leur mère dans les établissements pénitentiaires. Mais vous avez raison de dire que l'on ne peut généraliser cette mesure car il est quand même préférable pour un enfant d'être socialisé et donc au contact d'autres enfants.
Il me semble très important de maintenir entre l'enfant et son parent détenu un lien étroit et régulier, non seulement dans l'intérêt de l'enfant lui-même, qui a besoin d'une relation avec ses deux parents, mais aussi dans le souci de faciliter son accueil. J'ai en conséquence engagé des actions spécifiques pour maintenir ce lien.
Il s'agit d'abord du développement de l'accueil des familles auprès des établissements pénitentiaires, avec l'installation de parloirs adaptés à l'accueil des enfants - j'ai obtenu un budget spécifique de 2 millions de francs cette année. Nous créerons des parloirs spécifiques pour les enfants dans les nouveaux établissements pénitentiaires dont j'ai annoncé la construction.
Il s'agit ensuite de subventions aux associations de relais parents-enfants, qui accompagnera les enfants qui visitent leurs parents détenus et, enfin, de la création d'unités de visite familiale pour lesquelles je prévois, pour l'année prochaine, trois expérimentations, dont une dans un établissement accueillant des femmes. A la faveur de ces expérimentations, les détenus pourront passer plusieurs jours avec leurs familles.
Vous vous demandez si les parents qui ont en charge des enfants de moins de dix ans ne pourraient pas voir la purge de leur peine en dehors de la prison facilitée. Je vous rappelle que les juges de l'application des peines accordent déjà des mesures de libération conditionnelle, de semi-liberté ou de placement à l'extérieur aux personnes condamnées à des peines d'emprisonnement courtes. Quant à celles qui n'ont plus qu'un court reliquat de peine à effectuer, les mêmes juges accordent des mesures de libération conditionnelle, notamment en considération des enfants à charge.
Je ne suis pas opposée à ce que nous allions plus loin danc ce sens. J'ai d'ailleurs demandé à une commission présidée par M. Farge de réfléchir à ces mesures de libération conditionnelle, notamment dans les cas que vous avez évoqués. Si vous le souhaitez, cette commission pourra vous entendre.
J'ajoute que deux nouveaux dispositifs peuvent nous permettre de mieux maintenir le lien entre les parents détenus et leurs enfants: le bracelet électronique et la création de centres pour peines aménagées, établissements d'un type nouveau destinés aux courtes peines et orientés vers les mesures alternatives à la détention. Les deux premiers établissements seront ouverts en l'an 2000, à Metz et à Marseille.
Comme vous le voyez, notre approche n'est aucunement systématique: des enfants sont avec leur mère dans les établissements pénitentiaires jusqu'à dix-huit mois, et d'autres sont placés dans des familles d'accueil. Nous souhaitons que, lorsqu'ils ne sont pas avec leur mère, les enfants puissent avoir un lien avec elles et leur autre parent, car il est très important pour un enfant de maintenir un lien avec ses deux parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 1999

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