fonctionnement et financement
Question de :
M. François Goulard
Morbihan (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 9 décembre 1999
M. le président. La parole est à M. François Goulard.
M. François Goulard. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Tout récemment, à Marseille, deux jeunes de quinze ans, qui avaient agressé et volé des personnes âgées, ont été remis en liberté faute de place dans les établissements pour les accueillir.
M. Lucien Degauchy. C'est un scandale !
M. François Goulard. A Nantes, quelque 160 dossiers concernant des affaires graves ne pourront probablement être traités du fait de l'engorgement du tribunal.
Les problèmes de la justice aujourd'hui résultent de l'invraisemblable manque de moyens de l'administration pénitentiaire - on compte aujourd'hui quelque dix mille détenus de plus qu'il n'y a de places dans nos prisons -, de l'insuffisance dramatique du nombre d'établissements pour accueillir les jeunes délinquants, de l'encombrement des tribunaux mis dans l'impossibilité de traiter les affaires les plus quotidiennes.
Comme l'a dit le procureur général de Colmar: «Le procureur n'est plus l'instigateur ou l'ordonnateur d'une politique pénale adaptée. Il gère des flux et des stocks dans un sens contraire à l'intérêt public. Il devient, en fait, le magasinier de la justice.»
Face à l'explosion de la délinquance, que nie votre collègue de l'intérieur mais que constatent tous les Français, la justice ne fait plus face. Or vous êtes en train de focaliser l'attention des médias sur votre réforme, d'ailleurs très contestable, de la justice. C'est un arbre que vous tentez de planter pour mieux cacher la forêt, celle d'une justice dépassée dans son rôle le plus élémentaire, là où elle devrait être au service de tous les Français.
Mme Odette Grzegrzulka. Qu'a fait Debré ? Qu'a fait Toubon ?
M. François Goulard. Le Gouvernement est-il prêt à doter la justice des quelques milliards de francs nécessaires à la remise à niveau de ses moyens, au moment où il s'apprête à gaspiller 120 milliards pour les 35 heures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous citez un exemple à Marseille, je pourrais vous en donner un autre à Pontault-Combault) où deux jeunes viennent d'être condamnés en comparution immédiate à huit mois fermes d'incarcération. Cela signifie qu'il faut laisser les magistrats apprécier, en toute indépendance, ce qu'il convient de faire sur des cas particuliers, car notre démocratie fonctionne sur le principe de l'individualisation de l'appréciation des dossiers judiciaires.
Par ailleurs, je m'étonne que vous ayez le front de donner des leçons à ce gouvernement, qui a fait plus qu'aucun autre pour les moyens de la justice ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Je vous rappelle, monsieur le député, qu'en trois ans, ce gouvernement aura créé 2 937 postes de magistrat au ministère de la justice, c'est-à-dire trois fois plus que pendant les dix années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous rappelle aussi que nous avons entrepris un programme, également sans précédent, de rénovation des équipements, non seulement des tribunaux, mais aussi des prisons. En outre, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, c'est-à-dire des éducateurs et des structures destinées à accueillir les jeunes délinquants ou les jeunes en danger, le budget de l'année prochaine nous permettra de faire un saut historique, puisque nous allons recruter 680 personnes, alors que, lorsque vos amis étaient au pouvoir, le rythme était de 40 par an, c'est-à-dire que nous faisons plus de dix fois plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Par ailleurs, le Premier ministre a fait, il y a deux jours, le bilan des décisions prises par le conseil de sécurité intérieure. Nous aurons, d'ici à la fin de l'année, quinze centres de placement immédiat destinés à accueillir dans l'urgence, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de la semaine, y compris le week-end, les jeunes qui ne doivent pas être renvoyés dans leur quartier. Nous disposerons également d'une soixantaine de centres éducatifs renforcés l'an prochain. Nous en avons d'ores et déjà le double de ce que nous avions au début de l'année.
Je pourrais allonger ce bilan, mais je vous ferai grâce de la liste de toutes les réalisations auxquelles nous avons procédé en trois ans et que les gouvernements que vous avez soutenus ont été incapables de faire, alors même qu'ils ne respectaient pas l'indépendance de la justice. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. François Goulard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 décembre 1999