Question au Gouvernement n° 1758 :
Russie

11e Législature

Question de : Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 16 décembre 1999

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le cynisme se révèle être le maître mot du gouvernement russe (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dans la guerre qu'il mène contre la Tchétchénie et sa population. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Pas vous !
M. le président. Un peu de silence !
Mme Muguette Jacquaint. Mesdames et messieurs de l'opposition, vous n'arriverez pas à me faire taire, car j'ai envie de parler des massacres qui ont lieu en Tchétchénie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean Auclair. Vous avez perdu la mémoire ?
Mme Muguette Jacquaint. Tout en continuant à bombarder les villes et villages tchétchènes, l'armée russe soumet les habitants de la capitale, Grozny, à un chantage morbide:...
Mme Sylvia Bassot. C'est scandaleux ! C'est odieux !
M. Yves Nicolin. A Kaboul !
Mme Muguette Jacquaint. ... la fuite ou la mort.
Cette catastrophe humanitaire, qui prend l'allure d'un véritable crime contre l'humanité,...
Mme Odette Grzegrzulka. C'est vrai !
Mme Muguette Jacquaint. ... a pour objectif officiel d'anéantir quelques centaines d'extrémistes. Mais des raisons de politique intérieure ne sont-elles pas les causes, parmi d'autres, de cette guerre ? Nous savons que les élections législatives approchent.
La guerre menée en Tchétchénie n'a soulevé, jusqu'au sommet d'Istanbul, que quelques condamnations verbales de la part des gouvernements occidentaux. Dans l'immédiat, le plus urgent pour la France et la Communauté européenne est de prendre leurs responsabilités, compte tenu de l'impuissance et de l'inefficacité qui ont caractérisé les timides initiatives prises jusqu'à ce jour.
Ainsi, sans pour autant prendre des sanctions économiques, qui risqueraient de se retourner contre le peuple russe, il existe une marge de manoeuvre réelle pour une solution politique. Concrètement, la pression qui pourrait être exercée sur le gouvernement russe pourrait se traduire par la saisie des comptes du clan Eltsine dans les banques occidentales. Ce crime de guerre pourrait également conduire à la suspension de la présence de la Russie au G 8.
M. Lucien Degauchy. Vous êtes gonflée !
M. Jean Auclair. Vous avez oublié Budapest !
Mme Muguette Jacquaint. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour concrétiser sa volonté affichée d'agir pour faire cesser les bombardements et arrêter cette guerre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean Auclair. Rappelez-vous Budapest !
M. Yves Nicolin. Et Kaboul !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, votre question porte sur une vraie tragédie.
La première déclaration française claire et nette à ce sujet remonte au 29 septembre dernier, soit longtemps avant le sommet d'Istanbul. Depuis lors, nous n'avons cessé de répéter constamment, avec la plus grande solennité, que les Russes se fourvoyaient, qu'ils se trompaient et qu'une solution militaire, surtout quand elle est aussi massive et brutale, ne permettrait jamais de résoudre un problème qui concerne un peuple tout entier. Et même s'il est vrai que se pose aussi la question du terrorisme, on ne pourra pas venir à bout de celui-ci par de tels procédés.
La France a pris une position claire et nette. Même si nous sommes obligés de mesurer les limites de nos moyens de pression, et peut-être encore plus pour cette raison, nous avons le devoir de témoigner, d'être clairs, pour que les Russes, ou certains d'entre eux en tout cas, nous entendent, et que l'opinion publique, qui pour l'instant est fermée sur elle-même, prisonnière d'une volonté de revanche sur la Tchétchénie, finisse par comprendre que ce n'est pas la solution qui se trouve au bout de la voie empruntée mais l'enlisement.
Nous avons dû, je dois le reconnaître ici, convaincre certains de nos partenaires européens et de nos partenaires occidentaux - pour quelques-uns de ces derniers, nous avons eu du mal - qu'il fallait être ferme et clair. Nombre d'entre eux nous ont mis en garde à chacune de nos initiatives, que ce soit avant Istanbul ou avant Helsinki, contre le risque de déclencher en Russie des phénomènes dangereux, d'enclencher des engrenages qui pourraient entraîner ce pays dans une direction dramatique pour tout le monde, pour eux comme pour nous, ce que nous voulons éviter depuis dix ans. Nous avons entendu ces messages car nous sommes responsables. Mais cela ne nous empêche pas d'être clairs dans la condamnation. Et, au-delà des horreurs de la Tchéchénie, nous lançons aux Russes un message: vous vous trompez; à un moment ou à un autre, vous devrez revenir à la solution politique.
Ces derniers jours, quelques petits signes ont montré que les Russes commençent, non à changer de politique, mais à se poser des questions, qu'il s'agisse du report de certaines mesures, de telle déclaration sur une possible autonomie, ou de certains contacts.
Certes, c'est totalement insuffisant, mais s'ils commencent à s'engager dans cette voie, c'est parce que, depuis deux mois et demi, nous avons su parler clairement et que nous continuerons à le faire jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : Mme Muguette Jacquaint

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 décembre 1999

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