transports maritimes
Question de :
M. André Aschieri
Alpes-Maritimes (9e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 20 janvier 2000
M. le président. La parole est à M. André Aschieri.
M. André Aschieri. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement et des transports. Le 12 décembre, l'Erika se cassait en deux au large des côtes de Bretagne, provoquant la marée noire la plus importante depuis l'Amoco Cadiz. Des nappes de pétrole continuent à déferler sur nos côtes. Le rapport d'enquête, rendu public, a montré la responsabilité manifeste de l'affréteur et, surtout, de l'armateur, et, au-delà, les graves défaillances du transport maritime.
Des navires «poubelles» continuent à circuler au large de nos côtes. Or la France, avec ses trois façades maritimes, représente la porte d'entrée de l'Europe. Elle doit donc aujourd'hui tout mettre en oeuvre pour prévenir et sanctionner cette forme de délinquance écologique aux conséquences environnementales, sociales et économiques catastrophiques.
Avec mes collègues Verts, j'ai déposé une proposition de loi visant à renforcer la sécurité des transports maritimes. Nous proposons plusieurs mesures qui nous paraissent indispensables. Nous demandons que le contrôle des navires s'effectue dès l'entrée des eaux territoriales françaises dont la limite devrait être portée de 12 à 200 milles nautiques. En effet, un simple renforcement des contrôles dans les ports français risquerait de favoriser les ports étrangers tout en laissant passer au large de nos côtes des navires dangereux. Trop souvent, lors des accidents, on parle de défaillance humaine. Or il faut renforcer les contrôles des conditions de travail des équipages. Nous le savons, les règles de repos et de formation des officiers ne sont pas toujours respectées, notamment sur les navires de transport de marchandises battant pavillon de complaisance.
Monsieur le ministre, entendez-vous soutenir et reprendre de telles mesures ? Pouvez-vous nous indiquer quels moyens vont être débloqués pour augmenter le nombre d'inspecteurs maritimes dans les ports français ? Enfin, à l'occasion de la présidence de la France à l'Union européenne, entendez-vous proposer à nos partenaires de nouvelles mesures, notamment la création d'un corps de gardes-côtes européens chargés de surveiller l'ensemble des eaux territoriales des quinze pays de l'Union européenne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. Avant que le ministre ne réponde, je précise que je ne suspendrai la séance qu'après le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par son premier président.
La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mme Voynet tout à l'heure, M. le Premier ministre et moi-même hier, sommes déjà intervenus sur ce sujet. Je peux cependant ajouter, monsieur le député, que nous proposerons à nos partenaires européens de mettre en place, en conformité avec le droit international, un système de surveillance et de contrôle des navires non seulement dans les ports mais aussi dans les eaux territoriales jusqu'à la limite des 200 milles marins.
Vous savez évidemment qu'à cette distance des côtes nous ne sommes plus dans les eaux territoriales mais en haute mer, dans ce que l'on appelle la zone d'exclusivité économique. Il paraît donc normal de prévoir un contrôle dans ce périmètre car chacun sait qu'en cas de naufrage en haute mer - comme ce fut le cas de l'Erika - aux risques humains et environnementaux s'ajoutent des conséquences économiques. Ainsi qu'en est convenue la commissaire européenne, Mme Loyola de Pallacio, avec laquelle j'ai abordé ce sujet dès la fin du mois de décembre, il n'y a aucune raison pour que nous n'intervenions pas dans cette zone.
Par ailleurs, il faut renforcer l'efficacité des contrôles et des sanctions. Je proposerai donc à l'Organisation maritime internationale, l'OMI, que les contrôles intègrent un examen approfondi de la structure matérielle des bateaux. La généralisation à l'échelle européenne puis mondiale de la banque de données EQUASIS mise en place depuis plus d'un an devrait permettre d'avoir connaissance en temps réel des navires suspects, donc de renforcer l'efficacité des contrôles.
Je demanderai également à l'Union européenne que soit mis en place un contrôle commun des inspecteurs des ports et des entreprises de certification. En effet, au-delà de l'accroissement des contrôles publics, nous devons aussi contrôler tous ceux dont le rôle est de veiller à la sécurité.
Il faut ainsi que les obligations et la réglementation soient renforcées dans les enceintes compétentes que sont l'OMI et la Commission européenne.
A cet égard je demanderai que les navires les plus âgés et ceux à simple coque soient rapidement bannis des ports européens.
M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Par ailleurs, je continuerai de défendre avec vigueur une amélioration des conditions de travail et des qualifications des marins - car leur situation est aussi en jeu - auxquelles le système des pavillons de complaisance porte atteinte. Cela constitue en effet un élement de la sécurité.
Je souhaite également que les dispositions juridiques internationales soient revues pour responsabiliser les opérateurs qui font courir des risques aux hommes et à l'environnement. Le mécanisme actuel de responsabilité doit être renforcé. Il faut que les limites existantes soient levées et que la responsabilité financière des pollueurs, des affréteurs et des chargeurs soit revue à la hausse pour qu'ils ne recommencent plus jamais. Les pollueurs doivent être les payeurs.
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Enfin, je souhaite que les opérateurs privés, en premier lieu les pétroliers, s'engagent en faveur d'un transport maritime propre. Je leur ai donc demandé de prendre trois engagements que vous connaissez désormais puisque je les ai cités hier. Ils me paraissent indispensables pour assurer un développement durable et sûr des transports maritimes et de l'activité pétrolière. Le 15 février, je réunirai une table ronde rassemblant toutes les parties intéressées pour établir une charte de sécurité maritime.
Nous ne voulons pas laisser retomber la pâte. C'est maintenant qu'il faut s'engager sur des décisions pour que plus jamais de tels événements ne se reproduisent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. André Aschieri
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Transports par eau
Ministère interrogé : équipement et transports
Ministère répondant : équipement et transports
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 janvier 2000