Question au Gouvernement n° 1801 :
immigration

11e Législature

Question de : M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 26 janvier 2000

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'intérieur n'a cessé de marteler, pendant les débats sur le projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Il y avait longtemps !
M. Arnaud Montebourg. Oui, on s'ennuyait !
M. Thierry Mariani. ... que vous aviez placé le curseur au bon endroit, au bon niveau. Aujourd'hui, n'en déplaise aux pousseurs de hauts cris de cet hémicycle, tout le monde constate que le curseur de l'immigration a tendance à s'emballer.
Permettez-moi de vous rappeler les dernières données statistiques du Haut Conseil à l'intégration. Le rapport pour 1998 révèle que l'immigration non européenne a augmenté de 55 % en 1998 par rapport à 1997. Certes, les prévisions mettent en évidence un fort besoin de la France en main-d'oeuvre immigrée pour l'avenir. Mais, selon les chiffres du Haut Conseil à l'intégration, 5 % seulement des nouveaux entrants sont des travailleurs.
M. Didier Boulaud. Pasqua et Juppé, même combat !
M. Thierry Mariani. La quasi-totalité des personnes entrées sur notre territoire en 1998 sont des ayants droit sociaux installés en France sans travail, et donc sans ressources, soit au titre du regroupement familial très élargi, soit au titre d'une des nombreuses cartes que vous avez créées.
Ne voulant pas froisser une partie de l'assistance, je n'aurai pas le front de rappeler que ces statistiques ne tiennent pas compte des 60 000 sans-papiers toujours présents sur notre sol et pour lesquels vous ne faites rien.
Une fois de plus, votre langage de fermeté ne trouve aucune traduction dans les faits. Une fois de plus, vous laissez faire et refusez de prendre vos responsabilités. Si les arrêtés de reconduite aux frontières ont augmenté de 70 %, leur taux d'exécution a diminué de moitié, ce qui démontre votre renoncement à lutter contre l'immigration irrégulière.
Ma question est simple: quelle leçon allez-vous tirer du rapport alarmant du Haut conseil à l'intégration, qui illustre, d'une part, l'échec de votre politique, d'autre part, votre absence totale de volonté de régler ce problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse courte.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, il faut avoir une vue claire de ces choses. Les statistiques du Haut conseil à l'intégration ne recoupent pas celles du ministère de l'intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui répondent à une disposition de la loi «RESEDA», prévoyant la publication annuelle par le Gouvernement d'un rapport sur le nombre de titres de séjour octroyés.
M. Pierre Lequiller. Cherchez les tricheurs !
M. le ministre de l'intérieur. En 1998, 115 000 nouveaux titres de séjour, pour des personnes qui auparavant n'en bénéficiaient pas, ont été accordés. Je considère que nous restons tout à fait dans la norme du nombre d'étrangers que la France peut accueillir parce qu'elle peut les intégrer. En effet, ces statistiques reflètent très largement les résultats de l'opération de régularisation qui touche, vous le savez bien, des membres de familles - enfants ou conjoints -, des célibataires très bien intégrés et, marginalement, des malades ou des personnes qui seraient menacées si elles retournaient dans leur pays.
Le nombre de mesures prononcées est, vous l'avez dit, élevé: 42 000, contre 41 000 en 1998 et 34 000 en 1997. Là encore, ce qui est important c'est que nous sommes à la fin de l'opération de régularisation, et que les préfets ont pris, comme je le leur ai demandé, des arrêtés de reconduite à la frontière. Tous n'ont pas été exécutés, mais une vision perspective de la situation montre que le nombre d'éloignements a oscillé entre 8 000 et 12 000. S'il est vrai que nous sommes au bas de cette fourchette, il n'en reste pas moins que la loi s'applique correctement. (Rictus sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je ne considère pas qu'il faille attribuer un code barre aux étrangers, comme certains démographes le suggèrent, pour harmoniser les statistiques du Haut Conseil à l'intégration et celles du ministère de l'intérieur.
Contrairement à ce que vous dites, nous accueillons plus d'étudiants, qui - et pour cause - ne sont effectivement pas des producteurs, plus de scientifiques, plus d'artistes (Exclamations sur les mêmes bancs), en vertu des titres qui ont été créés pour faciliter leur accueil en France. De la même manière, les informaticiens peuvent venir travailler librement en France, parce que cela correspond à une demande de nos entreprises.
M. Yves Nicolin. Il n'y a pas d'informaticiens !
M. le ministre de l'intérieur. Il y a là une bonne gestion des flux migratoires,...
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. le ministre de l'intérieur. ... dont je rappelle que le ministère de l'intérieur n'est pas le seul à exercer le contrôle.
M. Yves Nicolin. La faute à qui ?
M. le ministre de l'intérieur. Il nous faut, en effet, nous assurer la coopération des consulats des pays concernés pour trouver les identités des transporteurs, obtenir l'assentiment des juges - car c'est toujours sous le contrôle étroit de ceux-ci que s'exécutent les opérations de reconduite à la frontière.
Rien n'altère la volonté du ministère de mener à bien ces opérations, qui sont nécessaires. La loi doit être appliquée fermement, sans faiblesse mais sans excès, si nous voulons combattre les deux démagogies opposées que sont, d'un côté, le catastrophisme à visée électoraliste et, de l'autre, l'angélisme à visée médiatique. («Très bien !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Même M. Juppé a bien voulu nuancer le point de vue qui était le sien quand il était chef du Gouvernement. C'est dire que la politique du Gouvernement est comprise même sur vos bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Thierry Mariani

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2000

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