durée du travail
Question de :
M. Hervé Morin
Eure (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 2 février 2000
M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
M. Hervé Morin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et concerne la mise en oeuvre des 35 heures.
Nous sommes le 1er février 2000, premier jour d'application de la loi. En ce jour, les conflits sociaux dans notre pays se multiplient dans les entreprises du secteur privé, notamment dans le transport routier, et également dans l'ensemble du secteur public: les hôpitaux, la RATP, La Poste, la SNCF.
Nous n'avons cessé de rappeler, durant les débats législatifs, qu'il fallait une loi non pas dirigiste, obligatoire et autoritaire mais, au contraire, une loi d'inspiration décentralisatrice qui fasse confiance aux partenaires sociaux pour que la réduction du temps de travail puisse s'effectuer dans les meilleures conditions, entreprise par entreprise.
Nous sommes aujourd'hui le seul pays au monde, à l'exception de la Principauté de Monaco (Sourires), à appliquer de façon générale et obligatoire la réduction du temps de travail.
Le conflit des transporteurs routiers est symptomatique de l'impossibilité d'appliquer une loi identique pour toutes les entreprises, qui différent par la taille, par l'activité et qui sont inégalement soumises, à la concurrence européenne ou à la concurrence mondiale. Le Gouvernement l'a d'ailleurs lui-même reconnu puisque, dans le cadre du décret concernant le transport routier, il a d'ores et déjà remis en cause la loi que le Parlement venait de voter.
Ma question est simple, madame la ministre: comment allez-vous concilier la nécessaire compétitivité des entreprises françaises, notamment celles qui sont soumises à la concurrence européenne, avec la légitime volonté des salariés du secteur privé français de bénéficier des fruits de la croissance et donc de voir leur pouvoir d'achat augmenter ?
Nous craignons, et nous n'avons cessé de le rappeler tout au long des débats, que la France, après avoir évité le bogue informatique, ne subisse un véritable bogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je crois qu'il vaut mieux que la raison l'emporte, comme d'habitude, et ne pas prendre ses désirs pour des réalités ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la Répubique. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Des conflits existent, nous ne pouvons pas les ignorer, même si la Poste et la RATP, que vous avez citées, sont des entreprises qui ne relèvent pas de la loi dont vous venez de parler.
S'agissant du transport routier, M. Gayssot a rappelé à juste titre la position qu'a adoptée la France depuis longtemps: seule une législation européenne permettra de régler le problème des camions qui traversent nos frontières et qui dépendent de législations différentes.
Bien qu'ils portent davantage sur le fonctionnement du secteur public que strictement sur l'application de la loi, nous n'ignorons pas ces conflits, et nous travaillons pour trouver des solutions.
D'ailleurs, monsieur Morin, n'en exagérons pas le nombre. Alors que, en 1998, vous nous aviez promis une flambée de conflits, il y a eu 350 000 journées de grèves, soit 100 000 de moins qu'en 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République) et ne parlons pas des 2 millions de journées de grève de 1995 ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)
Enfin, ne nous trompons pas sur leur signification. Dans beaucoup de cas, ces conflits montrent l'impatience des salariés de passer, dans le secteur public comme dans le secteur privé, aux 35 heures dans de bonnes conditions. Je vous rappelle simplement, sans les nommer tous, que plus de 25 000 accords sur la durée du travail ont déjà été signés - même si vous préférez vous intéresser à trois entreprises qu'à ces 25 000 autres -, que 160 000 emplois ont été créés ou préservés grâce à ces accords.
Je vous rappelle également que, parmi ces 25 000 entreprises, figurent pratiquement toutes les grandes entreprises industrielles françaises - Renault, PSA, Alsthom, la SNECMA, Thomson, Aerospatiale, Dassault, Framatome, Usinor -...
M. Thierry Mariani. La RATP !
M. Jean-Michel Ferrand. Moulinex !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... toute la grande distribution et la plupart des grands groupes étrangers comme Ford, Philips, IBM, Caterpillar ou Mercedes, pour ne citer que ceux-là. Cela est encore vrai pour la plupart des grands services ainsi que dans le secteur médico-social, et le mouvement est enclenché dans le secteur public. Monsieur Morin, voyez le chômage qui baisse, voyez les 25 000 accords existants. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Certes il ne faut pas négliger les conflits, mais nous, nous faisons confiance à la négociation sociale. Nous pensons surtout que le mouvement de négociation sans précédent qui se produit dans notre pays et même les conflits sont parfois l'occasion de régler des problèmes, d'avancer, de réduire le chômage, d'améliorer les conditions de travail. C'est ainsi, d'ailleurs, que nous entendons continuer. C'est ainsi que nous continuerons à obtenir des résultats en matière d'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Hervé Morin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 février 2000