sectes
Question de :
M. Christian Bataille
Nord (22e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 9 février 2000
M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.
M. Christian Bataille. Madame la ministre de la justice, plusieurs éléments rallument les feux de l'actualité sur le problème des sectes. Il y a quelques semaines a été adoptée une proposition de loi du sénateur About visant à étendre au mouvement sectaire les dispositions de la loi de 1936 contre les ligues. D'autre part, une autre proposition de loi a été adoptée, à l'initiative de Mme Ségolène Royal, visant à protéger de ce fléau les plus jeunes.
Par ailleurs, et dès cette semaine - demain, je pense -, la discussion de la loi sur la présomption d'innocence comportera l'examen d'un amendement visant à faciliter la possibilité pour les associations de défense des victimes des mouvements sectaires de se constituer partie civile.
Enfin, hier, M. Alain Vivien, dans le cadre de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, a remis un rapport argumenté et courageux au Premier ministre.
Tout le monde - sur tous les bancs, à tous les niveaux, au Gouvernement, à l'Assemblée, au Sénat - se retrouve pour combattre ces groupements pernicieux.
Par leur méthode et dans leur pratique, les sectes représentent effectivement un danger pour les individus, leur liberté de conscience et parfois même leur vie. Ces mouvements sont contraires aux grands principes qui fondent la République française.
Aussi, madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour lutter contre ce danger pour notre société tout entière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le rapport qui a été remis hier au Premier ministre par le président de la mission interministérielle de lutte contre les sectes est en effet un rapport important. Il montre bien que la mission ne se contente pas d'observer le phénomène sectaire ou les sectes, mais qu'elle est une force de proposition, qui s'exerce d'ailleurs dans le cadre d'une vision large, puisqu'elle sait associer aussi bien les actions préventives que les mesures répressives.
La mission interministérielle, mais aussi le sénateur About, au Sénat, ont relevé que les pouvoirs publics et le Gouvernement agissaient avec fermeté contre les associations sectaires et en faveur des victimes du sectarisme.
Vous avez également cité l'action entreprise par Ségolène Royal dans les écoles.
L'arsenal juridique a déjà été complété à l'occasion du débat en première lecture sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence - texte qui revient demain en deuxième lecture devant votre assemblée - par l'adoption d'un amendement d'une députée de la majorité, Mme Catherine Picard, amendement qui a été voté dans les mêmes termes par le Sénat et qui vise à permettre aux associations de lutte contre les phénomènes sectaires de se constituer partie civile.
J'ai moi-même, vous le savez, adressé au début du mois de décembre 1998 une circulaire à tous les parquets pour leur demander de créer un «correspondant secte» dans chaque cour d'appel. Nous avons réuni ces correspondants en septembre 1999 pour faire le bilan des actions judiciaires engagées. Celui-ci montre qu'il y a une véritable montée en puissance judiciaire de la lutte contre les sectes, puisqu'au 31 juillet 1999, 134 enquêtes préliminaires avaient été traitées par les parquets et 116 informations judiciaires sur des incriminiations très graves, puisqu'elles portent sur des violences, des agressions sexuelles, mais aussi des escroqueries et abus de faiblesse, avaient été ouvertes. Nous poursuivons par ailleurs l'action de sensibilisation entreprise en direction des magistrats.
Toutefois, nos efforts ne s'arrêteront pas là. Les recommandations de la mission interministérielle seront évidemment prises en compte. Je pense à l'amélioration des textes pénaux concernant les incriminations pour les personnes morales ou aux textes de procédure pénale sur les associations pouvant se constituer partie civile auprès des victimes de phénomènes sectaires.
Enfin, la mission interministérielle s'est interrogée sur l'opportunité d'interdire les sectes. Elle a écarté cette solution, qu'elle estime dangereuse pour le mouvement associatif et pas forcément efficace dans la lutte contre les associations sectaires. En revanche, la mission met l'accent sur la dissolution des associations sectaires qui porteraient atteinte aux libertés fondamentales des personnes.
Sur cet important sujet, je veux d'abord rappeler devant l'Assemblée nationale que notre arsenal juridique prévoit déjà des mécanismes de dissolution judiciaire ou administrative en cas justement de non-respect de nos lois: c'est dans notre code pénal. Pour les personnes morales coupables de certaines infractions, la loi de 1901 prévoit la nullité des associations dont l'objet est illicite et immoral. Enfin, la loi du 10 janvier 1936, que vous avez citée, pourrait être appliquée si les associations sectaires se livraient à des actes portant atteinte à la sûreté de l'Etat et aux valeurs fondamentales républicaines.
Cet arsenal peut sans doute être encore amélioré, et tel est le sens de la proposition de loi qui a été déposée au Sénat et que l'Assemblée examinera bientôt. Ce texte vise à mettre en place ce que l'on appelle une «arme fatale» contre les associations sectaires coupables d'actes graves contre les personnes, et il est évidemment examiné avec beaucoup d'intérêt par le Gouvernement.
Nous devons trouver la meilleur voie possible pour avoir la répression adéquate contre les sectes qui violent nos lois, et ce sans porter atteinte au mouvement associatif, aux associations ou, bien entendu, à celles des sectes qui n'ont pas d'activités dangereuses.
Je tiens en tous cas à réaffirmer solennellement ici devant vous la plus extrême détermination du Gouvernement à lutter contre les sectes qui violent nos lois et les libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).
Auteur : M. Christian Bataille
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ésotérisme
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2000