droit du travail
Question de :
M. Damien Alary
Gard (5e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 10 février 2000
M. le président. La parole est à M. Damien Alary.
M. Damien Alary. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
De nombreuses études, notamment celle de l'INSEE publiée en juin 1999, et surtout les faits que retranscrit régulièrement la presse nationale, font apparaître de lourdes inégalités et des pratiques discriminatoires à l'encontre des jeunes issus de l'immigration.
Ces inégalités sont constatées dans de nombreux secteurs de notre société et de l'activité économique. Elles sont manifestes dans le monde du travail et dans l'entreprise.
Les discriminations sont multiples et prennent des formes diverses. Fondées sur le sexe ou l'origine ethnique, elles se manifestent en amont pour les recrutements ou au cours de l'emploi par des différences de salaires ou de progression de carrière.
Le Gouvernement réfléchit sur ces questions importantes. Des assises de la citoyenneté sont prévues et les commissions d'accès à la citoyenneté qui ont été mises en place tentent d'analyser le contenu des pratiques discriminatoires et de trouver des solutions.
Des actions sont engagées plus particulièrement pour lutter contre les discriminations au sein du monde du travail.
Comme vous l'aviez annoncé en conseil des ministres, il s'agit d'une priorité pour votre ministère. A l'issue de la table ronde entre l'Etat et les partenaires sociaux, la déclaration de Grenelle, adoptée le 11 mai dernier, contenait des propositions d'action de lutte contre les discriminations raciales dans le monde du travail.
Devant ce phénomène inquiétant, pourriez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale sur l'état d'avancement de ces travaux, essentiels pour la continuité de la lutte contre les inégalités et toutes les formes de discrimination ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, vous avez raison, les discriminations raciales, notamment dans le monde du travail, font que des jeunes sont traités différemment en raison de leur nom, de leur adresse ou de la couleur de leur peau, ce qui est totalement inacceptable.
Ca l'est d'autant plus que leurs parents ou leurs grands-parents ont choisi notre pays, et que, très souvent, c'est lui qui les a fait venir pour l'aider à se reconstruire ou à se développer.
Ca l'est encore plus quand ces jeunes, aujourd'hui diplômés, après des études parfois menées dans des conditions difficiles, se sentent - la presse s'en est fait récemment l'écho - refoulés du seul fait de leur nom ou de leur origine.
Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a fait de la lutte contre les discriminations une de ses priorités. Au mois de mai dernier - je crois que c'est très important - les entreprises et les syndicats ont accepté de reconnaître publiquement qu'il y avait des discriminations raciales dans le monde du travail.
Nous devons avoir une parole publique claire: il faut dire que le racisme existe dans notre pays et qu'il n'est pas acceptable.
C'est pourquoi j'ai mis en place un groupement d'intérêt public, qui est un véritable lieu de connaissance des discriminations, qui publiera chaque année un rapport dénonçant les discriminations raciales dans le monde du travail, afin que nous puissions, tous ensemble, réagir.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai demandé aux agents de l'ANPE et de l'AFPA de ne pas se faire, par inertie, les complices de ces discriminations, d'essayer de convaincre les employeurs et, s'ils n'y arrivent pas, d'aller devant les tribunaux et de saisir le juge.
Nous allons préparer une réforme du droit du travail, que je présenterai au Parlement dans le cadre de la loi de modernisation sociale, pour faciliter la charge de la preuve, permettre aux syndicats d'ester en justice et faire en sorte qu'il y ait un plus grand nombre de saisines en matière de lutte contre les discriminations.
Par ailleurs, et vous le savez bien, des expériences sont tentées. Ainsi, 20 000 jeunes sont pris en charge par des chefs d'entreprise pour faciliter leur entrée dans l'entreprise. Ce sont les chiffres de 1999. Et le Gouvernement tout entier prépare les assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations qui se tiendront le 18 mars prochain.
Nous travaillons, notamment avec les CODAC - commissions départementales d'accès à la citoyenneté - mises en place dans les départements et avec le groupement dont je viens de parler, à faire en sorte que les centaines de jeunes qui seront réunis autour du Premier ministre et du Gouvernement nous aident à mieux connaître et faire connaître ces discriminations et à trouver les moyens d'y remédier.
Les jeunes étrangers ou les jeunes Français issus de l'immigration doivent savoir que le Gouvernement s'engage à faire progresser la lutte contre les discriminations dans notre pays. S'ils ont les mêmes devoirs que les autres, ils ont des droits: ils doivent savoir que nous ferons en sorte qu'ils soient respectés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Damien Alary
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 février 2000