sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Guy Teissier
Bouches-du-Rhône (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 24 février 2000
M. le président. La parole est à M. Guy Teissier.
M. Guy Teissier. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Il y a quelques semaines, c'est d'un lit que je suivais les questions d'actualité. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) J'avais été victime d'une grave agression en plein milieu de la nuit et on aurait pu dire qu'un député de l'opposition avait la grosse tête... ornée, il est vrai, d'une trentaine de points de suture. Les «sauvageons» chers à votre collègue ministre de l'intérieur étaient passés par là et avaient fait leur oeuvre.
Nous savons, madame, que lorsque nous dénonçons l'insécurité et les atteintes aux biens et aux personnes, vous y voyez un fantasme de la droite. Ce phénomène est devenu - hélas ! - boomerang et réalité.
Dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, texte qui est cher à tous, l'article II énumérant les quatre droits naturels et imprescriptibles de l'homme place en troisième position le droit à la sûreté.
Nonobstant mon cas personnel qui ne constitue, je vous l'accorde, qu'un épiphénomène («Mais non !» et exclamations sur divers bancs), je souhaiterais me faire le porte-parole de toutes les victimes silencieuses qui n'ont pas la chance, madame, de pouvoir vous interpeller.
M. Bruno Le Roux. Il faut être député !
M. Guy Teissier. Jusqu'à quand la sécurité et la police seront-elles une «non-priorité» de ce Gouvernement ?
Jusqu'à quand la politique pénale sera-t-elle imprégnée par des thèses scientifiquement dépassées, faisant des délinquants des victimes de la société (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) qui, lorsqu'ils s'attaquent aux biens des autres, sont des Robins des bois, version «politique de la ville» ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Jusqu'où et jusqu'à quand, madame la ministre, les voyous seront-ils rebaptisés «jeunes en difficulté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) issus de milieux défavorisés», ce qui, du reste, est fort injuste et diffamatoire pour de nombreux jeunes de nos banlieues ?
Madame la ministre, la colère des honnêtes gens ne vous plaît guère (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) car vous y voyez la victoire des démagogues et des populistes,...
M. Didier Boulaud. C'est vrai !
M. Guy Teissier. ... là où il n'y a qu'exaspération et désespoir.
Combien de victimes subissent-elles des violences qui marqueront à jamais leur esprit et leur corps, qui souffriront silencieusement et garderont des bleus à l'âme sans que l'Etat ne prenne la peine de comprendre leurdouleur ?
Combien sont-ils, ces justiciables, qui attendent toujours si longtemps pour obtenir réparation et sont toujours aussi déçus par les décisions de justice, se sentant oubliés, délaissés et incompris ?
Prenons garde ! A force de laisser les agresseurs impunis et de les laisser sortir triomphants des palais de justice, c'est la démocratie même qui est en péril ! («Très juste !» sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Clemenceau aurait eu raison, qui déclarait: «La démocratie, c'est le pouvoir des poux de manger les lions.» («La question !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Prenez garde, madame ! Sans chercher de poux à quiconque, je me permets de vous demander, au-delà des éternelles litanies anesthésiantes, quelles actions concrètes vous entendez mener en faveur des victimes, afin que ces dernières retrouvent leur dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. Avant de donner la parole à Mme la garde des sceaux, je vous précise que nous ne sommes pas dans une salle de lecture !
M. Thierry Mariani. Cela vaut aussi pour le Gouvernement ! On saura le rappeler !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez en effet été victime d'une agression grave dans la nuit du 2 au 3 février dernier à Vauvenargues, dans les Bouches-du-Rhône. Vous avez été atteint dans votre personne et, immédiatement, une enquête de flagrance a été déclenchée, qui a été confiée au parquet d'Aix-en-Provence, à la section de recherche de la gendarmerie d'Aix-en-Provence. Des investigations complètes ont été engagées, de nombreuses pistes ont été explorées, des mesures de police technique et scientifique ont été mises en oeuvre pour permettre l'identification des auteurs de ces faits, à partir des éléments matériels qui ont été trouvés sur les lieux.
Compte tenu de la gravité des faits, le Parquet a ouvert une information judiciaire le 8 février dernier pour vol avec violence ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours. Ces investigations se poursuivent sous le contrôle d'un magistrat instructeur. Evidemment, la justice fera tout ce qui est en son pouvoir pour mettre à jour les responsabilités, s'agissant de faits d'une particulière gravité, car concernant un élu de la nation.
Certes, nombre de nos concitoyens sont eux-mêmes victimes de ces actes d'agression et de violence. Mais je tiens à dire que, face à l'insécurité, ce gouvernement a engagé une politique et des moyens sans précédent. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est ainsi que le ministre de l'intérieur s'attache à mettre enfin en place la police de proximité. C'est ainsi que ce gouvernement développe des initiatives en direction de ces jeunes qui sont en effet en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est ainsi que ce gouvernement a décidé, dans un conseil de sécurité intérieur présidé par le Premier ministre, de créer 1 000 postes d'éducateur en deux ans, dont 680 sont inscrits au budget de cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance). C'est ainsi que ce gouvernement a décidé de créer des centres de placement immédiat - pour recevoir ces jeunes auteurs de violences qu'il ne faut pas renvoyer immédiatement dans leur quartier - et des centres éducatifs renforcés. Il y aura, à la fin de l'année prochaine, cinquante centres de placement immédiat et une centaine de centres éducatifs renforcés.
M. Jean-Louis Debré. Vous commençez par les fermer lorsque vous arrivez au pouvoir !
Mme la garde des sceaux. Jamais aucun gouvernement n'avait pris de telles mesures concrètes pour s'opposer à l'insécurité qui empoisonne la vie de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Louis Debré. C'est faux !
M. Jean-Michel Ferrand. Baratin !
Mme la garde des sceaux. Et votre question, monsieur le député, valait mieux que le ton polémique que vous avez cru jugé bon d'employer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Guy Teissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 février 2000