Question au Gouvernement n° 1890 :
Moyen-Orient

11e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 1er mars 2000

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, l'enjeu primordial aujourd'hui au Moyen-Orient, c'est la paix et le droit de chaque peuple à vivre dans des frontières sûres et garanties.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Bocquet. Les parlementaires communistes ont toujours été passionnément attachés à la construction de cette paix (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sans qu'aucun peuple ne soit lésé. Nous connaissons tous, ici, les deuils, les souffrances qu'ont générés des décennies de guerre et d'insécurité qui continuent à frapper des innocents. Toute autre considération est subalterne.
Quand le Président de la République, quand le Premier ministre se rendent au Moyen-Orient, c'est d'abord la preuve que la France a, plus que jamais, un rôle à jouer, celui d'un partenaire actif et écouté prenant des initiatives pour des solutions négociées, à condition de respecter l'égalité de tous les interlocuteurs. C'est ainsi que notre pays fera le mieux acte de solidarité avec ces peuples.
La France peut et doit agir avec conviction pour un règlement durable sur la base des résolutions de l'ONU, en particulier la résolution 425 du Conseil de sécurité qui demande à Israël un retrait sans conditions des territoires occupés au Sud Liban. Nous souhaitons aussi qu'elle agisse en faveur du maintien du comité pour les accords d'avril 1996 qu'elle préside alternativement avec les Etats-Unis.
Dans une situation complexe, où règne une grande tension, des questions majeures restent en suspens, notamment entre Israéliens et Palestiniens. La clé est entre les mains des Israéliens qui doivent engager un effort urgent pour que la paix avance. A cet égard, on peut se féliciter de l'annonce faite par Ehud Barak d'un retrait, avant juillet 2000, du Sud Liban. Raison de plus pour éviter, d'ici là, les tensions inutiles.
Au nom de la France, monsieur le Premier ministre, vous avez proposé, pour le Liban, que notre pays offre une garantie en cas de retrait israélien. Cela est positif. La sécurité de tous passe en effet par le respect de la souveraineté de chacun avec comme objectifs simultanés la création d'un Etat palestinien digne de ce nom et l'instauration de garanties pour tous les Etats de la région y compris Israël.
Nous savons que les sensibilités sont particulièrement exacerbées s'agissant du Moyen-Orient. Cela explique que certaines de vos déclarations aient provoqué un émoi réel et troublé nombre de progressistes et partisans de la paix. Cela dit, rien ne justifie les actes de violence dont vous avez été la cible et, à travers vous, la France. Ils sont inacceptables et nous les condamnons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Les communistes sont convaincus, sans illusions sur les difficultés à surmonter, que l'enjeu est de rapprocher les protagonistes. Cela doit guider la France et l'Union européenne pour mener le processus de paix à son terme.
Toute récupération politicienne (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. Jean-Claude Lefort. Qui se sent visé ?
M. Alain Bocquet. ... toute polémique franco-française va à l'encontre de la paix et de l'intérêt des peuples du Moyen-Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Très bien !
M. Alain Bocquet. Cela affaiblirait aussi le rôle de la France.
Des éclaircissements de votre part sur votre voyage au Moyen-Orient sont évidemment très attendus par la représentation nationale. Un débat exceptionnel à l'Assemblée nationale sur la politique étrangère de la France serait également le bienvenu. Nous vous le proposons.
Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement entend-il maintenant contribuer à lever les obstacles à la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre - le groupe communiste ayant épuisé tout son temps de parole.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, le voyage que j'ai effectué en Israël et dans les territoires palestiniens avait une double dimension bilatérale...
M. André Santini. Double seulement !
M. le Premier ministre. ... et une trame commune: le processus de paix. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. le Premier ministre. Au plan bilatéral, j'ai tenu à rappeler avec force la relation avec Israël parce que ce pays est depuis toujours un pays ami et parce que nous partageons avec lui les valeurs de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous savons aussi qu'en Israël vivent un million de francophones...
M. Philippe Martin et M. Jean-Claude Mignon. Au Liban aussi !
M. le Premier ministre. ... dont 500 000 à 700 000 parlent notre langue. Ils sont pour nous une expression et une forme de médium de la francophonie. («Et le Liban ?» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
J'y viendrai à la fin, messieurs !
Enfin, Israël est un pays développé, avancé dans le domaine des hautes technologies. Nous avons ainsi examiné, avec les ministres qui m'accompagnaient, notamment celui des transports et celui de l'économie et des finances, comment nous pourrions encore développer nos projets et nos coopérations bilatérales. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Martin. Et le Liban ?
M. le Premier ministre. Nous avons aussi rappelé aux autorités palestiniennes, dans les territoires, l'engagement de la France pour améliorer les conditions de vie concrètes des Palestiniennes et des Palestiniens, dont on sait qu'elles sont extraordinairement contraintes et précaires. Cela constitue bien un témoignage de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous avons également marqué, par l'annonce de grands projets dans le domaine de l'eau ou à propos du développement du port de Gaza que la France serait aux côtés de cette société en train de naître et de cet Etat en gestation, car il y aura un Etat palestinien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Nous avons aussi, tant avec des intellectuels qu'avec des étudiants et des étudiantes, dans la première partie du séjour à Bir-Zeit, noué un dialogue sur une question considérée par eux comme essentielle: il faut que l'Etat palestinien soit un Etat de droit, un Etat démocratique. Cela aussi est au coeur de la problématique du Proche-Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le processus de paix, j'ai pu engager des discussions avec M. Ehud Barak et avec la plupart des grandes personnalités israéliennes, notamment le Président de la République, ainsi qu'avec Yasser Arafat et les autorités palestiniennes.
Je dois dire que je reviens...
M. Maurice Leroy. De loin !
M. le Premier ministre. ... comme les parlementaires, qui m'accompagnaient avec un sentiment de préoccupation quant au processus de paix.
M. Philippe Martin. Il y a de quoi !
M. Patrick Ollier. Avec raison !
M. le Premier ministre. J'ai d'ailleurs fait part de cette préoccupation, qui est celle de la France, qui est celle aussi des Européens, à mes interlocuteurs, notamment à mes interlocuteurs israéliens auxquels j'ai dit que, dans la disproportion des forces, dans le contexte actuel, il leur revenait de consentir les efforts les plus grands pour que de nouveaux pas en avant soient accomplis afin de relancer le processus de paix et de rétablir la relation de confiance entre les acteurs israéliens et palestiniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
J'ai rappelé le soutien de la France aux accords d'Oslo et de Charm-el-Cheikh et j'ai souligné que devrait être opérée la restitution des territoires contre la paix.
M. Maurice Leroy. Merveilleux !
M. le Premier ministre. J'ai également indiqué que l'arrêt de la colonisation était un préalable absolu à un climat de confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) J'ai appelé à l'initiative et au compromis.
M. Maurice Leroy. Bref, tout va bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Bel exercice de yo-yo !
M. le Premier ministre. En effet, si un accord entre la Syrie et Israël est nécessaire, je suis convaincu que c'est la relation entre les Palestiniens et Israël qui est au coeur de la problématique du Proche-Orient aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Israël doit être assuré de sa sécurité. Un Etat palestinien viable, pacifique, démocratique et prospère doit naître. Je l'ai dit en Israël et je l'ai bien évidemment répété à Ramallah et à Gaza.
M. Maurice Leroy. Avec quel succès !
M. le Premier ministre. En ce qui concerne le Liban, j'ai, au-delà d'un mot controversé, entendu dénoncer l'enchaînement délibéré de la violence, voulu comme un obstacle aux fragiles perspectives de paix d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le Liban, ami et partenaire de la France, a droit à la paix et à la sécurité. Les troupes israéliennes doivent se retirer du Liban Sud. J'ai la conviction qu'elles le feront. J'ai souligné, auprès de mes interlocuteurs, qu'il vaudrait mieux que cela intervienne à la suite d'un accord négocié, auquel cas la France pourrait envisager d'apporter sa garantie. En tout état de cause, je sais que les Israéliens se retireront du Liban et je m'en réjouis parce que c'est ce que demande la communauté internationale depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le Liban doit redevenir un pays libre dans l'unité et dans le respect par tous de son intégrité. Cela est vrai aujourd'hui et, mesdames, messieurs, cela le sera aussi demain. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Louis Préel. Quelle belle formule !
M. le Premier ministre. Oui, demain, quand les troupes israéliennes se seront retirées et que nous serons confrontés à de nouvelles réalités. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Le Liban est peut-être, aujourd'hui, aux portes de la paix. Cet espoir ne reviendra pas par des actes de guerre, mais par un appui au processus de paix. C'est ce que j'ai dit en Israël comme dans les territoires palestiniens. («Non ! Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er mars 2000

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