Question au Gouvernement n° 1901 :
Corse

11e Législature

Question de : Mme Anne-Marie Idrac
Yvelines (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 2 mars 2000

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac.
Mme Anne-Marie Idrac. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, je voudrais relayer auprès de vous une émotion, une interrogation, que je sais largement partagées sur tous les bancs de cet hémicycle et, bien au-delà, dans l'opinion publique. Je veux parler de l'hypothèse d'une amnistie en Corse, sur laquelle Mme Erignac s'est exprimée avec une hauteur de vue et une dignité, qui ont, je crois, impressionné chacun d'entre nous.
Sur le plan humain, le respect dû aux victimes, à leur mémoire, à la douleur de leurs proches impose de ne pas dépasser certaines limites. Le sens de l'Etat interdit lui aussi de bouleverser les repères des citoyens. Il serait donc humainement et politiquement inadmissible d'en venir à amnistier des crimes, je parle de crimes de sang, d'assassinats.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous nous dire que le Gouvernement n'acceptera jamais, et j'insiste sur ce mot, de faire ce que Mme Erignac qualifie à juste titre d'inacceptable, c'est-à-dire amnistier des assassins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen, et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la députée, je répondrai à cette question précisément, mais je veux avoir une approche un peu plus large et rappeler quelques éléments de l'action du Gouvernement, compte tenu des rumeurs et des imputations que l'on entend parfois. Je ne serai pas long, néanmoins.
En décembre dernier, j'ai pris une initiative politique, parce que la situation de blocage, de tension, dans laquelle nous étions dans l'île, me paraissait dangereuse et qu'il convenait de bouger. J'ai pensé que la meilleure façon de le faire était de s'adresser aux élus de la Corse pour que, rassemblés tous, s'ils le voulaient, invités à Matignon, ils puissent faire part au Gouvernement de leurs préoccupations et surtout de leurs propositions.
Le 13 décembre, j'ai reçu à Matignon l'ensemble des élus de la Corse, les membres de l'assemblée de Corse, les parlementaires et les présidents de conseil général, tous les élus de Corse, dont les nationalistes, mais je n'ai pas, par là même, ouvert un dialogue avec les seuls nationalistes.
Depuis, les élus de la Corse discutent entre eux. Il est bon que l'on parle et il est bon que d'autres citoyens des deux départements de l'île participent à cette discussion.
J'ai, pour ouvrir ce dialogue politique, renoncé à poser comme préalable la renonciation à la violence.
Si j'ai fait ce geste, ce n'était naturellement pas pour marquer que le Gouvernement ne condamne pas la violence. Je l'ai dit dans mon intervention du 13 décembre devant les élus de la Corse, le Gouvernement condamnera et combattra cette violence toujours et en toutes circonstances.
Ce n'était pas non plus pour laisser penser qu'il peut y avoir une impunité pour la violence. Dans le même texte, mesdames, messieurs les députés, j'affirmais devant les élus: «le Gouvernement assume en Corse le rôle qui lui revient. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine et de la sécurité publique. Il l'assurera avec une détermination qui ne faiblira pas.»
Si certains en doutaient, qu'ils regardent le travail opéré en Corse, sous l'autorité de la justice, par la police et la gendarmerie, qui a abouti, trois mois à peine après les attentats contre l'URSSAF et la direction départementale de l'équipement qui ont failli être meurtriers, à l'arrestation de leurs auteurs présumés.
C'est, je crois, une bonne démonstration. C'est un travail normal et légitime, nécessaire, qui sera poursuivi.
Dans ce contexte, a été à nouveau évoquée la question d'une amnistie. Pour le Gouvernement, la question n'est pas posée,...
M. Pierre Lellouche. Tant mieux !
M. le Premier ministre. ... et, en tout état de cause, elle ne le sera jamais pour les assassins du préfet Claude Erignac. (Applaudissements sur tous les bancs. - Sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants: «Et les autres» ?)
Cette position de principe était celle du Gouvernement. C'est encore plus le cas, bien sûr, après avoir entendu Mme Erignac s'exprimer, mais c'était de toute façon la position du Gouvernement et la mienne propre.
Reste, parce que l'on entend aussi quelques bruits, à préciser à nouveau, puisqu'il semble en être besoin, les conditions dans lesquelles ces discussions sont conduites par le Gouvernement.
Pour le moment, le débat a lieu entre les élus de la Corse. La discussion se nouera entre ces élus et le Gouvernement dès que leurs propositions nous auront été transmises. A cet effet, une deuxième réunion à Matignon avec les mêmes participants pourrait avoir lieu dans un délai qui sera convenu avec ceux que j'y ai déjà conviés.
Toutes les discussions, tous les contacts à propos de la Corse ont lieu et auront lieu au grand jour. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean Ueberschlag. Et au Grand Orient !
M. le Premier ministre. C'est pour moi une question de principe et de méthode. J'ajoute que j'ai en plus, à cet égard, tiré les leçons du passé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Pierre Lellouche. Et la réunion rue Cadet, c'était quand ?
M. le Premier ministre. J'y viens ! Les contacts ou conciliabules dont nous avons entendu parler par la presse ne concernent en rien le Gouvernement, qui n'en a pas été informé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lellouche. Et le PS ?
M. Lucien Degauchy. Cela me rappelle quelque chose !
M. le Premier ministre. Je crois que ce qui a été dit par une personnalité socialiste, et vaut pour ce parti est clair, et ne contredit en rien l'affirmation précédente.
M. Jean Ueberschlag. Si ce n'est pas lui, c'est mon frère ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le Premier ministre. Le Gouvernement, qui poursuit son action quotidienne, est disponible et sera attentif aux propositions des élus de la Corse dans les conditions de clarté et de transparence que j'ai indiquées, et à l'exclusion de toute autre méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : Mme Anne-Marie Idrac

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 mars 2000

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