matériel électrique et électronique
Question de :
Mme Gilberte Marin-Moskovitz
Territoire-de-Belfort (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 9 mars 2000
M. le président. La parole est à Mme Gilberte Marin-Moskovitz.
Mme Gilberte Marin-Moskovitz. Ma question s'adresse à M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Darmon, PDG de la multinationale ABB Alstom Power, a annoncé le 29 février à Bruxelles la fermeture de dix sites dans le monde et des restructurations dans quatorze autres.
Ce plan aboutira à la suppression de 10 000 emplois, dont 5 431 en Europe - est-ce là l'Europe des citoyens et de l'emploi ? - et 1 500 en France avec la fermeture du site de Lys-lez-Lannoy, la disparition de 300 emplois à La Courneuve et de 850 à Belfort.
Ce plan, monsieur le secrétaire d'Etat, est inacceptable.
A l'annonce des suppressions d'emplois, la cotation en bourse d'Alstom a fait un bond de plus de 14 %. Comme d'habitude, le monde de la finance se réjouit de ces «bonnes nouvelles». J'y vois là, entre autres, les effets néfastes de la mondialisation libérale.
A travers ces restructurations, c'est aussi un terrible coup qui est porté à la technologie française. En effet, en abandonnant la technologie d'Alstom au profit de celle, helvético-suédoise, d'ABB, l'entreprise se coupe d'une part importante de sa clientèle, sans parler des savoir-faire qui s'y rattachent.
A terme, la pérennité des sites français d'ABB Alstom est menacée. Quelles autres conséquences pourrait avoir la concention hors de France des fonctions de recherche, de calcul et d'études ?
Ces choix, inspirés par des préoccupations purement financières, méprisent la compétence et le savoir-faire des femmes et des hommes qui ont construit la renommée internationale d'Alstom.
Sur Belfort, après la fermeture de Bull Périphériques en 1991, la vente d'Alstom par appartements, les externalisations, la fusion avec ABB, les inquiétudes pour le secteur ferroviaire, les Belfortaines et les Belfortains, qui ont déjà payé un lourd tribut à la reconversion industrielle, refusent résolument cette nouvelle «casse».
Deux chiffres illustrent l'ampleur du gâchis humain: implantée depuis 1879 à Belfort, l'Alstom y employait 7 500 personnes en 1982 au moment de la nationalisation de sa maison-mère, la Compagnie Générale d'Electricité, nationalisation défaite en 1987 par le gouvernement dont M. Jacques Chirac était le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Aujourd'hui, ABB Alstom et Alstom Transports emploient à Belfort moins de 4 000 salariés.
Le groupe, qui a bénéficié de fonds et de commandes publiques pour assurer sa réussite, ne peut s'exonérer aussi facilement de ses responsabilités vis-à-vis de l'Etat, de ses salariés et des collectivités locales.
Aujourd'hui, le marché de l'énergie offre de réelles possibilités de développement. Dans ces circonstances, il n'est pas concevable qu'une entreprise utilise l'emploi comme seule variable d'ajustement. («La question !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Vous-même avez indiqué, à l'issue de votre rencontre avec les élus de Lys-lez-Lannoy, qu'en l'état actuel des choses, les perspectives offertes par l'entreprise n'étaient pas acceptables car elles ne tiennent pas compte du savoir-faire des salariés comme des possibilités offertes par le marché.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est trop long !
Mme Gilberte Marin-Moskovitz. Ainsi, vous reconnaissez que le déclin programmé de ce secteur industriel n'a pas de justifications économiques, ajouterai-je, à condition que notre pays ait encore une politique industrielle. Notre pays en a-t-il encore la volonté ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Mme Marin-Moskovitz va conclure.
Mme Gilberte Marin-Moskovitz. Hier, une table ronde réunissait les élus du territoire de Belfort, de La Courneuve, de Lys-lez-Lannoy et les représentants de toutes les organisations syndicales. Ils ont unanimement demandé à la direction d'ABB Alstom de trouver des solutions alternatives au plan de restructuration et de licenciement, notamment à travers une stratégie industrielle ambitieuse, afin d'assurer le maintien du niveau d'emploi et la pérennité des sites français. Ils demandent au Gouvernement l'organisation d'une table ronde réunissant tous les partenaires concernés.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous indiquiez à la représentation nationale, et plus particulièrement aux parlementaires des sites concernés, ce que vous envisagez de mettre en oeuvre pour contraindre le groupe ABB Alstom et maintenir l'emploi sur ces sites.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Madame la députée, je tiens avec vous à le réaffirmer avec force, le plan de restructuration qui a été présenté par ABB Alstom est inacceptable, et particulièrement aux yeux du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Et alors ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Sa justification économique n'est pas claire, les conditions de maintien et de développement des technologies françaises sont incertaines, et il n'y a pas eu, à ma connaissance, d'études préalables sur les conséquences économiques et sociales terribles qu'il peut avoir.
Je suis d'accord avec vous, ABB Alstom ne peut pas s'exonérer de ses responsabilités. Son établissement a un poids spécifique important dans l'économie belfortaine. Les marchés publics ont toujours été déterminants dans la vie de cette entreprise. Les pouvoirs publics ont soutenu avec constance l'expansion internationale du groupe.
Le Gouvernement est donc aux côtés des salariés et de leurs organisations pour les aider à analyser la situation économique réelle du groupe et de ce secteur d'activité, les perspectives de développement des produits et des services et la création de produits dans le secteur énergétique.
Par ailleurs, nous faisons régulièrement le point avec les élus et les représentants des salariés et, surtout, nous agissons pour faire reculer une logique qui n'est pas industrielle et qui ne peut donc être endossée par le Gouvernement en tant que telle.
La priorité, en effet, c'est une vision industrielle innovante, s'agissant des technologies françaises à maintenir et à développer et, au-delà, des capacités du groupe à être présent et à se développer au niveau européen, car nous devons tenir compte du savoir-faire de l'entreprise, des perspectives de renouvellement de ses produits, de ses services et de ses marchés.
C'est pourquoi les syndicats de ABB Alstom seront reçus à mon ministère dès la semaine prochaine, pour que nous explorions toutes les pistes innovantes et positives que nous voulons encourager. L'Etat ne ménagera pas sa peine pour aller dans le bon sens en faveur de l'emploi et du dialogue social dans le groupe.
Mme Martine Aubry et moi-même sommes résolument à vos côtés. Nous sommes déterminés et nous allons agir avec l'ensemble des élus des sites concernés que vous avez cités pour faire reculer cette logique-là qui, décidément, ne peut jamais être la nôtre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : Mme Gilberte Marin-Moskovitz
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 9 mars 2000